
La motion officielle et définitive de la ligne Roussel, ligne notamment marquée par une stratégie autonome lors des scrutins nationaux, présente les orientations à venir en cas de plébiscite lors du prochain congrès en posant un bilan avantageux -et souvent fallacieux- de ses quatre années à la direction du PCF.
- Sur les élections municipales de 2020 (début de la page 6) :
"Aux élections municipales de 2020, concernant les villes de 3500 à 20000 habitants, nous gagnons 25 communes, confirmant la possibilité de dynamiques de reconquête. […] En plus de ces conquêtes, nous conservons 118 villes, mais en perdons 28 (47 en 2014)."
Contrairement à ce que la formulation laisse penser, le bilan est donc bien négatif avec 3 communes de perdues (25 conquêtes, 28 pertes). De plus, pas un mot n’est fait sur la perte de certains bastions historiques, je pense notamment à St-Pierrre-des-Corps en banlieue de Tours, communiste depuis la création du parti lors du fameux congrès du même nom 100 ans plus tôt. S1
Egalement, la comparaison des pertes avec 2014 est bien plus relative que ce qui est affiché. Parmi les villes établies, ils en perdent 28 sur 146 (118+28), soit ~20% de pertes. Hors si ils en ont perdu 47 sur 193 (146+47) la dernière fois, soit ~25%, cela ne représente qu'une évolution à peine plus favorable. Bref la différence dans l’effondrement des «bastions» est assez anecdotique entre 2014 et 2020.
- Sur les européennes de 2019 (fin de la page 6) :
"Nos candidat·es mènent une belle campagne, avec une mobilisation militante inédite depuis de nombreuses années. De fait, cette campagne aide à créer les conditions d’une candidature à la présidentielle. Cependant, nous ne parvenons pas à réaliser la percée électorale voulue ; nous réalisons 2,49 % (564 949 voix), ce qui ne nous permet pas d’obtenir des élu·es. Notre absence du Parlement européen est un handicap."
Cette belle campagne démontrerait la capacité du PCF à aller à la présidentielle, pourtant elle n'a pas porté ses fruits en ne faisant entrer aucun élus, et n'a même pas atteint la moitié de l'objectif annoncé par la tête de liste Brossat S2. Ceci est déjà une analyse particulière, mais surtout jamais le texte n'annonce qu'avec cette stratégie le PCF perd pour la première fois de l'histoire toute présence à l'UE, où ils étaient pourtant en continue depuis les débuts de l’organisation en 1979...
- Sur la volonté des adhérents du PCF pour une candidature autonome à la présidentielle (milieu de la page 7) :
"Nous faisons alors le pari d’un exercice démocratique inédit pour prendre notre décision à travers trois étapes nationales, du conseil national au vote des adhérent·es, en passant par une conférence nationale exceptionnelle. [...] À chaque étape de ce processus, la conviction des communistes de la nécessité d’une candidature issue de leur parti grandit, jusqu’à réunir 82 % des adhérent·es."
Ici c'est tout simplement un énorme mensonge puisque lors de la consultation il y avait deux questions posées aux adhérents S3 :
1- Envoyer une candidature autonome, ou non, à la présidentielle ?
2- Sélectionner le candidat parmi 3 noms ?
Cependant, ceux qui étaient contre la candidature autonome à la présidentielle votaient quand même pour le choix du candidat. Le résultat réel est donc de ~72.5% pour la candidature autonome, soit 10 points de moins qu'annoncé, et ~82.3% pour envoyer Roussel plutôt qu'un autre candidat SI candidature autonome.

Il est aussi très important de préciser, d’autant que ce n'est jamais dit dans ce texte, que plus de 30% des inscrits n'ont pas voté lors de cette consultation. Cela signifie que la volonté d'une candidature autonome à la présidentielle a été décidée par 21 356 adhérents sur 43 888, soit ~49%…
La réalité n’est donc pas que 82% des adhérents ont souhaité une candidature autonome, mais que seulement 49% des adhérents, ou bien 72% des adhérents ayant pris part aux votes, l’ont souhaité.
- Sur les bons sondages de la présidentielle (début page 8) :
"Notre campagne rencontre un écho populaire et construit une popularité nouvelle de notre secrétaire national dans le pays, des sondages encourageants en témoignent."
Ceci est une lecture au mieux mal informée des sondages (un sondage isolé ne vaut rien), puisque la moyenne sur chaque mois n'a jamais dépassé un bon 3.5%, soit un seul point supérieur au résultat final du candidat Roussel, et totalement dans la marge d'erreur des instituts qui se situe généralement autour de plus ou moins un point sur ce genre de scores. S4
- Sur les législatives 2022 (fin page 8) :
"Confrontés à la volonté hégémonique de La France insoumise, nous ne pouvons présenter de candidatures communistes dans 500 circonscriptions [...]"
Cette balle perdue n'a absolument aucun sens. La ligne Roussel semble se plaindre (et jeter la faute sur La France Insoumise), de ne pas avoir pu candidater dans l’ensemble des circonscriptions. Mais dans ce cas pourquoi sont-ils entrés dans la coalition puisque c’était justement le principe d’envoyer un candidat commun partout dès le 1er tour ? Et nous savons tous parfaitement qu’un accord à plusieurs candidatures de gauche durant le 1er tour n’aurait pas amené autant d’élus. Ils reprochent donc de ne pas avoir eu 100 % des places de cette coalition ? Cela n’a vraiment pas de sens.
- Toujours sur les législatives 2022, juste à la suite de la citation précédente (fin page 8) :
"[...] ce qui aura constitué un problème important pour l’expression de nos idées et notre influence dans ces territoires, empêchant de conquérir d’autres circonscriptions."
Le PCF prétend ici que, sans la NUPES, ils auraient pu obtenir un plus grand nombre d'élus. Pourtant, si il n'y avait pas eu la NUPES il y'aurait eu des candidatures concurrentes à gauche. Hors, lors des législatives 2017 où les alliances étaient très limitées, le PCF n'avait eu aucun succès particulier, conservant de peu son groupe à l'assemblée, alors qu'il l'a cette année augmenté de 6 élus via la NUPES. Imaginer qu'en étant seul le PC aurait pu faire mieux qu'en 2017, malgré un résultat non significatif pour Roussel et un Mélenchon en hausse, parait assez audacieux.
- Sur la France Insoumise, qui est régulièrement attaquée mais dont le bon résultat n’est jamais félicité, (fin page 35-début page 36) :
"Ayant attiré à elle l’attente de radicalité de certains secteurs de la société et de tout un pan de la jeunesse, mais ignorant la question stratégique clé de la reconquête des fractions du monde du travail qui se sont détournées de la politique, elle n’a finalement vu dans son résultat à la présidentielle que la confirmation de ses vues hégémoniques sur la gauche et le mouvement social. [...] elle s’aventure dans des tactiques hasardeuses, qui l’ont conduite à se féliciter des votes du Rassemblement national en faveur des motions de censure déposée par la gauche à l’Assemblée nationale."
Concernant les motions de censure, à titre personnel en tout cas, le débat me semble ahurissant d’exister : L’ensemble de l’opposition à l’assemblée étant de 327 députés, dont 89 du groupe RN, il est absolument impossible de réunir les 289 voix nécessaires au vote d’une motion sans compter sur eux. Ou alors, par pureté militante et bourgeoise, ces gens disent que pendant 5 ans le gouvernement ne tombera pas et qu’ils ne feront que du symbolique, mais du symbolique bien propre !
- Toujours sur la France Insoumise (début page 36) :
"Nous voulons poursuivre le débat sur le programme et la stratégie avec elle car ces orientations, qui entravent le développement du mouvement populaire, constituent un obstacle pour la capacité de la gauche tout entière à porter une alternative à vocation majoritaire."
C'est une critique absolument incommensurable. La France Insoumise, mouvement de la gauche radicale ayant fait 22%, entrave le développement du mouvement populaire, alors même que son candidat durant les présidentielles de 2017 et de 2022 était le premier choix des 18-24 ans, des -35 ans, des étudiants, des inactifs non-retraités, des chômeurs, des pauvres, et le deuxième choix des ouvriers, des employés et des professions intermédiaires S5. De plus la FI serait un obstacle à TOUTE la gauche pour porter une alternative à vocation majoritaire. C'est fort de le penser, mais en faire un texte d'orientation quand on est communiste c'est encore plus fort.
Enfin, jamais ce texte n’évoque la déroute financière qu'ont été les choix de l’orientation Roussel. La campagne des européennes ayant perdu autour de 2 millions d’euros, et la présidentielle plus de 3 millions S6. Pas plus que la déroute du nombre d’adhérents (qui est aussi financière, du fait des cotisations), passés d’un peu moins de 50 000 en 2018, à un petit 44 000 en 2021, et possiblement moins de 40 000 aujourd’hui, point qui sera éclairci lors du congrès à venir.
SOURCES :
S1 : Municipales: le «noyau historique» des bastions communistes est atteint
S2 : Ian Brossat persuadé de faire plus de 5% durant les européennes
S3 : Wiki : Consultation interne au PCF pour l'élection présidentielle de 2022
S4 : Wiki : liste des sondages pour la présidentielle 2022
S5 : Mélenchon lors des présidentielles de 2017 et 2022 a été le premier chez les -35 ans, les 18-24 ans, deuxième chez les ouvriers, employés et professions intermédiaires, premier chez les inactifs, les chômeurs, les pauvres, les étudiants :
-Ifop 2017 - Le profil des électeurs et les clefs du premier tour de l’élection présidentielle (page 22)
-Ifop 2022 - Le profil des électeurs et les clefs du premier tour de l’élection présidentielle (page 27)
S6 : Wiki : Élection présidentielle française de 2022, financement des candidats