Partir d’un répartition "À la proportionnelle des résultats du 1er tour", peut tout d’abord paraître choquant en vue du phénomène de "vote utile" durant ce scrutin présidentiel, cependant c’est déjà commencer sur une erreur de lecture du résultat de ce scrutin.
La proportion et la qualité du vote utile est d'abord difficile à pondérer, d’autant que le programme porté par Jean-Luc Mélenchon est ultra plébiscité dans l’ensemble des enquêtes sur son électorat. Autrement dit “vote utile” n’est pas opposé à “vote d’adhésion”.
Il faut également concevoir qu’un “vote utile” n’est pas un “vote volé” (aux autres candidats).
Durant toute la mi-Mars l’ensemble de la gauche hors Mélenchon pesait autour de 12-13% alors que le candidat Insoumis tournait à ~11%. Le résultat final sera de 22% pour JLM, et de 10% pour le reste de la gauche. Mélenchon a donc pris une dizaine de points quand le reste de la gauche n'en a perdu que 3.
Enfin, et en admettant que Mélenchon aurait complétement siphonné l’ensemble des autres candidats de gauche, pourquoi ça serait arrivé ? Si c’est Mélenchon qui en a bénéficié, si c’est lui qui augmente son score d’une élection à une autre, malgré une concurrence pourtant plus importante en 2022, c’est peut être qu’il y avait une raison. Encore fallait-il être utile pour devenir un “vote utile”.
Bref, ça pourrait facilement faire tout un article, mais malgré que ça soit un sujet qui m’anime énormément il n’est pas nécessaire de s’étendre : ceux qui veulent à tout prix croire que le score de Mélenchon ne serait que le fruit d’un vote utile miraculeux et injustifié ont pour unique volonté de briser le sens politique de ce résultat, notamment pour amoindrir l’échec de leurs propres engagements sans avoir à le questionner.
Pour revenir à notre proportionnelle, appliquer un simple décalque du résultat de la présidentielle rapporté aux 577 circonscriptions et sans inclure le PS ni LO, donnerait :
LFI = ~74% = 427 circonscriptions
EELV = ~15.5% = 90 circonscriptions
PCF = ~8% = 46 circonscriptions
NPA = ~2.5% = 14 circonscriptions
Si à cela on reconduit d’abord et systématiquement les députés sortants de LFI et du PCF, pratique totalement habituelle et dont la demande a déjà été formulée par les deux partis concernés depuis plusieurs mois***, on obtient :
LFI = 413 circonscriptions = ~71.5%
EELV = 92 circonscriptions = ~16%
PCF = 57 circonscriptions = ~10%
NPA = 15 circonscriptions = ~2.5%
Il faut enfin ajouter un "panachage juste", c'est-à-dire une répartition équilibrée des circonscriptions dans un ordre de gagnabilité respectant le poids accordé à chacune de ces différentes formations.
Cela se matérialisera d’une manière très simple : cette coalition va classer l’ensemble des circonscriptions par capacité de victoire, de plus facile à la plus difficile, et à partir de ça elle répartira équitablement les places afin que chacun obtienne sa part, peu importe le résultat.
Par exemple, si ils s’accordent pour que EELV obtienne 16% des circonscriptions alors ils devront se débrouiller pour que EELV gagne 16% des députés, quel que soit le nombre de victoires.
Bien évidemment une telle organisation n’est pas sans faille. On peut très bien gagner une circonscription qu’en pensait imprenable, et perdre une qu’en pensait acquise. Cela créera forcément des différences entre le plan et son résultat, mais globalement si un tel accord est bien fait alors les variations difficilement prévisibles seront de l’ordre du détail, ce qui ne sera pas reproché.
Maintenant que nous avons une répartition à peu près correcte, regardons ce que donne une première simulation.
Si l’ensemble de la coalition gagne 92 députés, cela donnerait :
2 députés NPA (+2)
15 députés EELV (+15)
19 députés PCF (+4)
56 députés LFI (+39 par rapport à aujourd’hui)
Pourquoi 92 députés ? Car c’est le seuil à partir duquel tout le monde est foncièrement gagnant. Le PCF maintient et renforce son groupe parlementaire (son principal objectif), EELV peut à nouveau former le sien (15 députés minimum), et le NPA entre à l’Assemblée Nationale pour la première fois de son histoire.
Avec cette méthode EELV prendrait un quart (25%) des nouveaux députés, et LFI un peu moins de deux tiers (65%), ce qui est plutôt équilibré sachant que le “poids électoral brut” de chacun à la présidentielle est de respectivement 15.5% et 74%.
Sur 140 députés gagnés, cela donnerait :
4 députés NPA
22 députés EELV (+22)
23 députés PCF (+8
91 députés LFI (+74)
Désormais EELV prendrait un peu plus de 20% des nouveaux députés, et LFI un peu moins de 70%, encore une fois plutôt équilibré.
Sur 185 députés gagnés :
5 députés NPA (+5)
26 députés PCF (+11)
30 députés EELV (+30)
124 députés LFI (+107)
Désormais EELV prendrait un peu moins de 20% des nouveaux députés, et LFI un peu moins de 70%, encore une fois plutôt équilibré.
Sur 240 députés gagnés :
6 députés NPA (+6)
31 députés PCF (+16)
38 députés EELV (+38)
165 députés LFI (+148)
Désormais EELV prendrait un peu plus de 18% des nouveaux députés, et LFI un peu plus de ~71%, encore une fois plutôt équilibré.
Sur 289 députés gagnés (majorité) :
7 députés NPA (+7)
34 députés PCF (+19)
46 députés EELV (+46)
202 députés LFI (+185)
Désormais EELV prendrait ~18% des nouveaux députés, et LFI ~72%, encore une fois plutôt équilibré.
Tout cela n'est qu'une simulation basée sur une proposition qui n'est pas encore transformée en un accord. Et disons le tout de suite, même si l'accord est bien fait il ne sera pas à ce point millimétré, notamment car il existe plusieurs autres questions.
Synthétiquement :
Pourquoi exclure le Parti Socialiste ?
A vrai dire c’est surtout le Parti qui est à exclure plus que “les socialistes", et pour deux raisons simples
1-D’abord le PS possède le plus grand nombre de députés sortants à gauche, alors que c’est la formation politique qui a les résultats électoraux les plus en baisse depuis 5-10ans, et aussi la formation politique au score le moins bon de la présidentielle 2022, hors petites candidatures trotskystes (LO + NPA).
Accorder au PS la reconduction de ses députés sortants paraitrait extrêmement inégal pour les autres formations, pas tant LFI d'ailleurs mais surtout EELV et le PCF qui auraient donc moins de circonscriptions disponibles alors qu’ils ont un meilleur résultat à la présidentielle, et une tendance électorale plus qualitative que le PS.
Sans s'étendre sur de nouvelles simulations, notons simplement qu’en appliquant les mêmes règles le PS aurait deux fois plus de députés que EELV si l’ensemble de la coalition en gagnait ~150. Ça serait une répartition impensable au vu des récents rapports de force.
2-Ensuite il faut que le PS fasse son auto-critique. Il n’est pas tombé si bas, il n’est pas devenu un tel repoussoir à gauche, sans raison. Et ces raisons sont encore très présentes dans la ligne actuelle, la campagne de Anne Hidalgo a bien plus marqué ses distances avec Mélenchon qu’avec Macron. Les propos insultants de l'importante figure qu'est devenue Carole Delga, encore au soir même du 1er tour, n'ont jamais été désavoué par le reste de la formation.
Autrement dit, le seul moyen d'inclure le PS dans une telle coalition serait que le parti fasse son auto-critique et qu'il accepte un accord à la hauteur de la recomposition politique de la gauche, donc moins de circonscriptions que LFI et EELV. En l'état c'est très peu probable ce qui peut laisser place à plusieurs autres scénarios, notamment une scission du PS et/ou un rapprochement assumé avec LREM.
Reste une ultime question : Une telle coalition peut-elle réellement espérer plus de 90 victoires sur les 577 circonscriptions ?
Oui : JLM premier dans +100, gauche capable de se maintenir dans +400, Roussel lui même revendique la victoire possible dans 100 à 150 circos
De plus, délais plus long que d’habitude pour faire campagne d’un côté, et casser la dynamique “effet de victoire” pour le gagnant de la présidentielle.
Enfin, vote sanction pour la majorité sortante + fin de la vampirisation des circos de gauche par un LREM qui n'apparaît plus comme de centre/centre-gauche, mais comme clairement à droite.
A titre perso je rejoins -pour une fois- ce que dit Roussel. 100 à 150 circos est réellement faisable avec une telle coalition et une campagne bien menée. Atteindre les 200 députés paraît envisageable. Au-delà de 200-250 il va vraiment falloir mener une campagne historique.
Enfin, concluons en disant que LFI obtenant ~70% des nouveaux élus, et étant le tronc de cette hypothétique coalition, c’est à elle qu’il revient de prendre sur sa part la répartition des circonscriptions afin de ne léser personne. La marge de négociations est de son côté.
Est-ce jouable ?
1- Aussi grosse réserve de voix que les autres, dans un contexte ou la participation sera assurément plus basse qu’à la présidentielle. Autrement dit c’est le camp qui perdre le moins d’électeurs entre la prési et les légis qui gagnera.
2- En 2017 LREM a gagné XXX députés avec X millions de voix. Mélenchon en a réuni 7.7 et le total gauche 11, soit X et X de plus.
3-