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Billet de blog 1 avril 2011

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Jeudi soir, je suis tombée amoureuse de René Fregni

Rencontre littéraire dans ma librairie préférée. René Frégni vient présenter son dernier livre : «La fiancée des corbeaux». René Frégni est né le 8 juillet 1947 à Marseille. Un parcours un peu chaotique, entre fuite de l'armée et travail pour survivre et écrire.

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Rencontre littéraire dans ma librairie préférée. René Frégni vient présenter son dernier livre : «La fiancée des corbeaux». René Frégni est né le 8 juillet 1947 à Marseille. Un parcours un peu chaotique, entre fuite de l'armée et travail pour survivre et écrire. Il fait divers boulots, notamment infirmier dans un hôpital psy, où son plaisir est tous les soirs de raconter dans le journal de bord, et d'une manière humoristique, tous les évènements qui se déroulent pendant sa journée de garde. Particulièrement destiné aux trois infirmières de nuit qu'il sait séduire par son humour, ses mots et sa manière de raconter.

Il anime depuis de nombreuses années des ateliers d'écriture à la prison des Baumettes et celle d'Aix en Provence.

Il collectionne les prix :

1989 prix Populiste pour "Les chemins noirs"

1992 prix spécial du jury du levant et le prix Cino del Luca pour "Les nuits d'Alice"

1998 prix Paul Léautaud pour "Elle danse dans le noir"

2001 prix Antigone pour "On ne s'endort jamais seul".

Pour ma part, je ne vais pas vous en parler de son livre, pour la bonne raison que je ne l'ai pas encore lu.

Je vais me contenter de raconter l'impression que donne cet écrivain hors normes, tout en charme, en intelligence et en finesse.

Sa silhouette d'adolescent, en jean et baskets, appuyée nonchalamment contre la table mise à sa disposition par la librairie, il nous fait signe d'approcher. Il y a peu de monde, mais c'est normal. C'est un soir de semaine, et il est encore tôt.

Et là, il se raconte. Yeux dans les yeux.

La vie lui apporte comme toujours la passion, la saveur et l'imagination qu'il transcrit ensuite dans ses romans.

Pour ce nouveau roman,"la fiancée des corbeaux", René se retrouve seul à Manosque. Sa fille, avec qui il vit depuis qu'elle est petite, prend son envol pour Montpellier. Et le voilà avec du temps de libre, et un autre regard sur la vie, puisque le rythme a changé.

Alors il dessine, écrit, se fait artisan des mots, juste avec des cahiers et un stylo.

Ce roman naît de rencontres avec des personnages réels et passionnants. Il y a cet homme, Lili, qu'il retrouve dans la forêt, qui toute sa vie a planté des arbres, et perd la mémoire inexorablement. Ils mangent des noix et des figues ensemble, et Lili ne sait plus ce qu'est une noix...

Il y a ce « voyou » qui a passé 27 longues années derrière les barreaux, et qui veut de l'aide pour écrire sa vie. Il y a les corps, aperçus de la fenêtre, de ces jeunes gens impudiques, laissant les rideaux ouverts, offerts au regard de l'écrivain. Et il y a le plus joli des personnages, Isabelle, la propre fille de l'homme sans mémoire, institutrice de petite section, qui est si belle que même les corbeaux la suivent et attendent qu'elle sorte de l'école pour l'accompagner jusqu'à la maison.

René Frégni avoue sa passion pour les femmes. Un beau visage de femme l'apaise, le calme.

Il ressent intimement le silence, la paix et la sérénité.

Et le besoin s'en fait sentir.

Dans ses visites aux détenus, René se rend compte de la potentialité de ces hommes enfermés, pour qui l'écriture semble une planche de salut. Les détenus lui parlent, s'expriment avec des mots simples mais touchants :

J’avais oublié toutes les odeurs, un jour j’ai écrit par hasard le mot figuier, le mot septembre et brusquement tout est remonté : l’herbe mouillée des matins d’automne, la brume qui accompagne une rivière, le bruit de l’eau, celui des chiens de chasse, la saveur extraordinaire d’une figue encore couverte de rosée… »

Des amitiés naissent. L'un deux lui propose un partenariat dans un restaurant à sa libération. Malheureusement l'histoire se finit mal. Son partenaire plonge de nouveau dans le grand banditisme et René Fregni est soupçonné de complicité. Sa vie va basculer, par la faute de l'obsession, de l'obstination et de l'abus de pouvoir d'un juge. Gardes-à-vue, perquisitions, cavalcades de flics dans ses escaliers, pleurs de sa fille, vont faire naître le roman Tu tomberas avec la nuit, dans lequel l'écrivain "tue" le juge avec sa plume.

La femme, pour lui, représente un peu sa mère. Lorsque celle-ci s'en est allée, un roman noir était en préparation.

Devant le drame de la mort, il lui était impossible de continuer ce qui lui semblait un livre sans raison. Alors, il s'est levé toutes les nuits, avec ses cahiers, et a commencé à parler à sa mère et à écrire par sa voix. De là est né Danse dans le noir.

Cet homme est magicien. Il sait parler de Giono, de femmes, de romans noirs, de polars comme personne. Il transmet par son regard, par son sourire, par sa voix et ses mots, une telle sérénité, que l'on ne peut pas être autrement qu'amoureuse.

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