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Billet de blog 2 février 2013

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A Ratus

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il s'appelait Ratus* et c'était le rat le plus adorable du monde. Nos chemins s'étaient croisés un matin, il y a de cela de nombreuses années, dans une galerie marchande, une toute petite animalerie où j'avais aperçu, agrippées aux barreaux d'une cage, ses minuscules mains fines aux griffes parfaites.

Quand je me suis approchée, j'ai croisé ses yeux curieux, un nez rose et ses moustaches frémissantes. Son regard était un appel. Je me suis laissée séduire. Ratus est entré dans nos vies.

A la maison, il y avait déjà Ralette*, petite rate blanche, adoptée sur un coup de cœur, et qui partageait depuis deux ou trois semaines la vie de Grisou, chatte irascible et capricieuse, mais qui malgré tout, comprenait qu'elles appartenaient à la même famille. Puis pas beaucoup de risques, ni pour l'une ni pour l'autre, la cage protégeant la rate étant fermée, et Ralette ne cherchait pas les problèmes. 

Lorsque j'ai lâché Ratus dans la cage, ils se sont reniflés tous les deux, puis au bout de quelques minutes, comprenant certainement que leur sort était lié, ils se sont roulés en boule l'un contre l'autre. Ils étaient petits encore, tout juste sevrés, et pas intéressés pour deux sous par une histoire d'amour. 

La vie s'organisait autour de ces animaux. N'ayant jamais eu de rats, j'apprenais à m'en occuper. Je passais beaucoup de temps avec eux, le soir, Grisou sur un genou, et les rats sur l'autre. Ils prenaient l'habitude de se blottir dans les cheveux, dans les manches des pulls. Doux et pelucheux, c'était un bonheur de jouer avec eux, d'aller de découvertes en découvertes, à travers des moments joyeux et tendres.

Un matin, j'ai vu le ventre de Ralette s'arrondir. Jusque là, je me doutais bien qu'ils avaient découvert une façon de s'entendre sur tous les points, mais je n'avais pas vraiment prévu les conséquences. Nous allions avoir des bébés rats.

Ralette a commencé par faire son nid. Je lui avais fourni du matériel, sous forme de laine, de papier, de brindilles. Elle ressemblait de plus en plus à une bouteille d'orangina, et passait tout son temps à construire le futur lieu de vie de sa progéniture. Ratus, un peu dépassé, la laissait vaquer à ses occupations, la couvant d'un œil amusé. Lorsqu'il était sur son chemin, elle le bousculait un peu, manière de montrer qu'il ne servait pas à grand-chose, planté là. 

Enfin le grand jour est arrivé. Quatorze ratons, nus et aveugles, si petits et si fragiles, étaient regroupés dans le nid douillet. Inconscients et sans crainte, nous avons avancé la main pour les prendre et les regarder de plus près. Ralette aurait pu nous mordre. Mais elle savait que jamais nous ne pourrions faire du mal à ses bébés. Elle nous a laissé les manipuler tout autant que nous voulions, sans jamais manifester la moindre agressivité.

C'est ce moment là que Ratus a choisi pour s'affirmer. Pendant que Ralette descendait se nourrir à l'étage du bas, lui restait avec les bébés, couché sur eux, pour les réchauffer. Lorsque les petits remuaient et se découvraient, il était toujours là pour remettre en place les petits morceaux de coton et de laine formant la couverture. Ralette était toujours débordée. Vous pensez quatorze bébés... Alors, lorsqu’ils ont commencé à sortir du nid, tout duveteux, les yeux ouverts et une envie d'explorer leur territoire, Ratus s'est chargé de les remonter un par un à l'étage de la cage. Mais sur quatorze la tâche était insurmontable. Pendant que l'un montait dans la gueule de son papa, deux ou trois avaient trouvé les marches pour descendre. Le spectacle était irrésistible.

Nous avons donné les quatorze ratounets. D'autres sont nés encore, moins nombreux, mais problématiques. Nous en avons laissé grandir, gardé, euthanasié, parce qu'à l'époque, il était très difficile de stériliser un rat, à cause de l'anesthésie. Nous avons appris que peu de rats la supportaient. Et frémi en imaginant les expériences, sous couvert de « science ».

Puis un jour Ralette est tombée malade. Un rat ne vit pas vieux en captivité. Deux ou trois ans, dans le meilleur des cas. Ils développent des tumeurs, grâce aux recherches « scientifiques » et ça n'a pas manqué d'arriver à notre couple. Ratus s'est retrouvé tout seul, perdu sans sa moitié.

Comme ils avaient pris l'habitude tous les deux d'ouvrir la cage, je le retrouvais parfois, songeur, au milieu du salon, ou au pied du canapé. Peut-être se souvenait-il de son bien-être passé.

Lui aussi a développé une vilaine tumeur sur une de ses pattes arrière. Je le soignais mais je savais qu'il ne guérirait pas. Il se laissait faire, même si parfois je lui faisais très mal. Il ne m'a jamais mordue, ni blessée, ni griffée. Il me remerciait d'un coup de langue sur mes doigts.

Le soir, je voyais sa petite patte passer un barreau de la cage et ouvrir. Il venait aussitôt, boitillant sur sa blessure, perdant son pansement, et se posait là, tout contre mes pieds, blotti, attendant une caresse, un soin, une attention. Je le prenais avec moi, le chatouillais, lui parlais tout doucement. Alors il fermait les yeux, se laissait aller à dormir.

C'est comme ça qu'il est parti, mon Ratus. Je lui parlais et le rassurais, pendant que le vétérinaire le piquait.

Je ne sais pas trop pourquoi j'ai pensé à lui. Bien que j'ai eu d'autres rats, aucun ne m'a marqué comme Ratus, même si je me souviens de chacun. Ils ont partagé, comme tous les animaux qu'on dit domestiques, des moments de notre vie, et donné tant et tant de bonheur, de sérénité et de joie.

*Origine de Ratus et Ralette. Ma cadette était au CP... 

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