C'est un banc à l'envers. Il tourne le dos au sentier, chemin large et droit, montant à peine. C'est la première chose qui surprend quand après avoir commencé à marcher, on le voit tout seul devant cette étendue de végétation aride. Puis il est si proche du départ, qu'on se dit qu'il ne sert à rien, puisqu'il est impossible d'avoir déjà envie de s'assoir après avoir marché si peu.
Et pourtant, elle est là. Elle contemple le paysage, son sac à dos posé à côté d'elle. Dans un premier temps, on pourrait penser qu'elle boude. Le sentier est derrière elle. Le soleil est chaud, l'air parfumé. Tout est calme.
Elle ne boude pas, elle l'attend. Il lui avait promis de la rejoindre dès que possible, sur ce banc, qu'elle le reconnaitrait puisqu'il n'était pas comme tous les bancs, orienté vers le sentier. Elle écoute, dos tourné, s'attendant au bruit de ses pas. Mais il ne vient pas.
Elle ne boude pas, elle se repose. L'air est si parfumé que c'est un péché de ne pas prendre son temps et de le respirer. Elle aime ce banc singulier. Elle y vient si souvent.
Elle ne boude pas, elle pleure. Juste sur sa vie.
Elle ne boude plus. Il l'a rejointe, l'a serrée dans ses bras hier soir ; il a même passé la nuit avec elle. Elle commence à y croire, sur ce banc, devant cette étendue d'herbe sauvage - de baouco - le terme provençal surgissant tout d'un coup dans sa mémoire.
Elle ne boudera plus. Elle va ramasser le romarin qu'elle voit tout fleuri, loin là bas. Dès qu'elle aura le courage de lâcher ce banc.
Elle se lève. Le banc est chaud de soleil. Elle ramasse son sac, d'un coup d'épaule le remet en place. Et avance sur le sentier, vers le pic de l'Etoile. Le banc est libre pour d'autres boudeuses.