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Billet de blog 7 avril 2012

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Le Nounours et la fillette.

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C'était juste un nounours, banal, un de ceux que l'on achète dans les magasins de jouets pour la naissance du bébé. Nounours quelquefois bien plus gros que l'enfant lui-même, souvent laissé sous son regard, à côté de lui ou bien au pied du berceau.

Celui-ci était comme les autres, pelucheux et doux, et la petite fille partageait ses joies et ses peines avec lui. Nounours écoutait tout, de ses oreilles mordues et triturées. Nounours entendait les secrets et les rêves de la fillette, et jamais ne se lassait. Il se laissait mouiller de pleurs, se laissait utiliser comme oreiller, comme jouet ; mais ce qu'il aimait le plus, Nounours, c'est d'être là, toujours, sous son bras, ou trimballé par les oreilles, mais jamais abandonné.

Il savait donc, Nounours, que la fillette avait un rêve, un merveilleux rêve, qu'elle avait commencé, lui semblait-il, dans le ventre de sa mère. Elle voulait être danseuse étoile...

Dès qu'elle entendait de la musique, elle le prenait avec elle, le serrait entre ses bras, et commençait à danser.

La décision fut simple et difficile à la fois : faire en sorte que ce rêve devienne réalité, avec tout ce que ça comportait de sacrifices et de chagrins, mais aussi de fierté et de joie. Pour ça, il fallait passer un concours, le réussir, et tout juste sortie de la petite enfance, se retrouver pensionnaire dans l'école prestigieuse des Petits Rats de l'Opéra. 

Aussi, Nounours et la fillette se préparèrent pour la grande aventure. Terrifiés, mais prêts à affronter les difficultés de l'internat. Rien ne pourrait les séparer, la fillette avait besoin de lui, de son contact, de son odeur, de sa douceur. Se servir de Nounours comme d'un oreiller, ramenait pour la fillette, un peu de la douceur de sa maison, des bras de sa maman.

Lorsqu'elle était triste le soir, malgré les articles de presse, les photos et cartes postales affichées au dessus de son lit, Nounours le devinait toujours. Et il se faisait câlin, doux et tendre pour elle. Alors, elle se permettait de sourire, en s'endormant, sa tête reposant sur le ventre de l'ours, rêvant ensuite de sa petite sœur et de sa maman.

Puis un jour, un vol de valise fit basculer l'histoire de Nounours. Pourtant ce n'était pas la première fois que la fillette voyageait en train pour retrouver sa famille. Elle mettait toujours soigneusement Nounours parmi les collants et justaucorps à laver. Mais ce jour-là, le sort en a décidé autrement.

Son confident, son ami venait d'être enlevé à sa vie.

Une fois les larmes taries, la fillette décida de grandir. Courageusement, elle se disait que les nounours étaient réservés aux bébés, un peu comme les sucettes et les biberons, et qu'il était temps d'en faire son deuil.

Elle grandit si vite et si bien qu'elle dépassa rapidement les mensurations exigées par la dure école de danse. Elle fut donc obligée de la quitter et de se diriger vers d'autres idéaux.

 Nounours, lui, fut surpris de se retrouver dans des lieux qu'il ne reconnaissait pas.

Il gardait le souvenir d'une fillette qui pleurait quand on le lavait à la machine avec les justaucorps et qu'il se retrouvait à sécher pendu sur la corde à linge. Il avait des images de danse joyeuse et de Lac des Cygnes. Puis petit-à-petit il se fit à l'idée de vivre loin d'elle, de sa petite danseuse.

Comme dans sa nouvelle vie, il était transformé en objet de décoration, il passait beaucoup de temps assis sur un canapé devant la télévision. Il la vit, une fois, dans une émission appelée « l'école des Fans » Elle dansait, souriante, heureuse, et il fut fier à en pleurer. Mais les Nounours ne pleurent pas.

L'histoire pourrait s'arrêter ici. Sauf qu'il y a une suite... 

La fillette a grandi. Elle est maintenant une adulte, maman à son tour. Elle se promène dans un vide-grenier, quand soudain au loin, sur un stand, il lui semble apercevoir une ombre marron qui lui fait un clin d’œil. Curieuse, elle s'approche.

Lui, Nounours, l'a repérée depuis le début. Il reconnaît sa démarche dansante, ses yeux rieurs, son sourire. Il se désespère à attirer son attention.

La voilà qui approche, tendant vers Nounours une main tremblante. Ses yeux se remplissent de larmes, et devant les gens ébahis, elle achète en pleurant à chaudes larmes la peluche de son enfance.

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