Cette chanson passe à la radio lorsque j'arrive sur le parking.
Sa tête dépasse du groupe de retraités qui montent dans le bus.
Je le reconnais de loin ; sa silhouette, son crane dégarni, son allure.
Ce matin, je dépose mes parents, valises comprises, devant l'autocar qui va les emmener dans les Alpes pour une semaine de « vacances ».
En descendant de voiture, ils s'approchent du groupe. Lui, les a repérés tout de suite. En ancien voisin, il vient vers eux pour une cordiale accolade.
Son regard m’effleure. Interrogatif et curieux. « Tiens, une nouvelle ? »
« Bonjour ! Vous êtes des nôtres ? »
Ma mère se tourne alors vers moi : « tu te souviens pas de ma fille ? »
Oh oui, maintenant il se souvient. Devant mon regard glacé, plein du mistral qui souffle, il baisse la tête. « Il y a si longtemps... »
Je vois qu'il n'a pas oublié. Ma jeunesse, mes seize ans. Mes parents qui ne m'ont jamais cru.
Du coup, son « immunité ». Il n'y a pas eu viol, ni mort d'homme. Pas de couteau, ni de révolver. Juste un pervers aux mains sales et baladeuses.
Mais moi non plus, je n'ai rien oublié. Qu'il aille lui aussi rôtir en enfer.