(désolée pour la qualité de la photo. Déjà prise en secret au dessus du grillage, puis Drupal refuse de télécharger les images...)

Je ne sais pas depuis combien d'années il est là. Immuable, solide et rassurant.
Les jolies robes blanches du dimanche se souviennent des taches de miel et de sucre des figues gonflées de douceur. Les souliers vernis écrasent fruits et sauterelles pour aller plus vite, et moi, je me souviens de mon grand-père, me portant à bout de bras pour que j'attrape les meilleures. C'est une variété grise, de celles qui poissent les doigts quand elles ne sont pas mûres.
Je n'ai jamais su me détacher de cet arbre. Il n'est plus à moi, se cache derrière les hauts murs des nouveaux propriétaires, pourtant il habite mon cœur, à défaut de mon jardin. Il est là, ses feuilles vertes étendant une fraicheur et une ombre complices, pour une sieste tendre avec mon amoureux. Il est là, encore, pour cacher mes sanglots, mes chagrins de fillette, d'adolescente, de femme, et mon immense chagrin de petite-fille, quand le cercueil de mon grand-père a quitté la maison.
Un arbre qu'on habite, comme le ferait un oiseau gorgé d'aventures, saoulé de vitesse et de vent ; comme le ferait le chat usant ses griffes sur les branches. J'aurais aimé pouvoir dormir encore auprès de lui, satisfaite, telle une amante. Je lui aurais dit « je t'aime » très doucement, parce qu'il est inutile de parler fort aux arbres.
Alors, aujourd'hui, quand je passe par là, je le regarde, je lui souris, et j'évoque toujours un épisode heureux de notre relation. Pas la peine de lui donner du chagrin. J'en ai pour nous deux quand je le vois.