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Elles marchent. D'un pas lent, épuisé, portant dans leur bras leur derniers bagages. Un matelas, quelques vêtements qui étaient en train de sécher, avant l'ordre d'évacuation.
Les enfants marchent devant, les plus grands portent les plus petits. Leurs mères n'ont plus de bras disponibles. Sur le passage, des hommes se joignent à elles, les soulageant d'un paquet, prennent un tout petit sur leurs épaules.
Elles sont pieds-nus parfois, marchant dans les gravats sur la route. Il n'y a plus de route, plus d'immeubles, plus de maisons. D'ailleurs, il n'y a plus de ciel, même dans le bleu encore visible, tout est gris, poussière et cendres mêlées. Il n'y a plus d'arbres non plus, plus d'oiseaux. Il y a du bruit. Leurs oreilles n'en peuvent plus d'entendre les sirènes, les missiles qui tombent, les explosions, et surtout les cris. Les cris des mourants, les pleurs des enfants ensevelis, les appels à l'aide, les hurlements de douleur.
L'odeur est peut-être pire que tout. Les corps qui se décomposent, la fumée des incendies, la mort partout.
Et la question : où aller ? Certaines d'entre elles ont quelque part, plus loin, un peu de famille, d'amis. D'autres n'ont personne pour les accueillir, si le mot accueillir dans cette horreur a encore un sens. On leur a dit qu'elles pouvaient se diriger vers l'école, vers l'hôpital, peut-être.
Elles marchent. Respirent encore. Espèrent parfois. Elles pensent à leurs proches, restés pour... Oui pourquoi ? Pour se sentir Gazaouis, encore, par fierté ou désespoir.
Aux autres, voisins et familles, restés sous les décombres des immeubles. Elles espèrent que la mort est vite arrivée pour eux.
Elles marchent. Parlent aux enfants. Pour les aimer encore plus fort. Les réconforter. Elles sourient devant un enfant câlinant un chat perdu. Elles sont épuisées de douleur, de chagrin, elles avancent vers l'avenir tellement incertain.

Elles s'arrêtent sur le bord de la route, pour aider un vieillard, un tout petit, une maman qui porte la vie dans son ventre. Elles sont solidaires, terrifiées, épuisées. Epuisées...
Elles prient. Elles supplient. Elles pleurent. Elles avancent.
Et pendant ce temps-là, sur les décombres et les morts, dansent les meurtriers.