elisa13 (avatar)

elisa13

Abonné·e de Mediapart

171 Billets

10 Éditions

Billet de blog 12 mars 2011

elisa13 (avatar)

elisa13

Abonné·e de Mediapart

Eilith, courtisane - en forme d'hommage à M.Chattam

elisa13 (avatar)

elisa13

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Librement inspiré de Maxime Chattam Léviatemps (pardon, Maxime, mais j'avais comme une envie de me mettre dans la peau d'une héroïne de votre roman)

Eilith veut dire Hélène. Je l'ai choisi pour sa sonorité et sa sensualité. Je travaille dans une maison close parisienne, signalée par un fanion rouge, et je suis courtisane.

Ce n'est pas vraiment une vocation. Quand j'étais toute petite, je voulais être actrice. J'avais entendu mes parents en parler. Je ne savais pas au juste ce que cela signifiait, simplement la sonorité du mot me plaisait.

Un jour, je me promenais avec mes parents, dans la ville proche, quand un fiacre est passé, manquant nous écraser tous les trois. Je l'ai suivi des yeux, et quand il s'est arrêté, une jeune femme en est sortie. Elle était incroyablement élégante et bien vêtue. Une fourrure sur les épaules, elle tenait dans sa main gantée le bas de sa jupe pour éviter qu'elle ne traine dans les flaques d'eau. J'ai aperçu ses bottines lustrées, son bas coloré sur sa jambe dévoilée et j'ai senti, même loin son parfum captivant. Un homme l'accompagnait, posant négligemment le bras sur son épaule.

Je me suis tournée vers ma mère, et je lui ai demandé si cette jolie dame était une actrice. Ma mère a souri, puis avec une hauteur que je ne soupçonnais pas, elle m'a répondu "non, bien sur que non, c'est une courtisane !"

Ce mot s'est inscrit en lettres parfumées à la rose et au muguet dans ma mémoire. Je voulais être courtisane...

Je sais maintenant pourquoi ma mère avait cet air hautain, à la fois triste et envieux : mon père fréquentait la maison close. Cet endroit où les hommes se retrouvent quelquefois, se saluent, boivent du cognac et surtout, se libèrent le corps de leurs vapeurs séminales... Pour mieux revenir vers leurs épouses -disent-t-ils- et éviter de leur demander des exercices qui ne sont pas compatibles avec leur rôle de femme au foyer et de mère de leurs enfants...

Et voici que moi-même, leur fille chérie, je suis ici, à Paris, recrutée par une professionnelle, qui a bien su repérer mes incertitudes sur mon avenir. Devenir actrice est bien difficile. Et surtout, j'avais faim et froid...

Après m'avoir fait passer une sorte d'examen pour vérifier mon corps, mon langage, mon maintien, Lily, Madame la gouvernante, m'a donc installée dans une jolie chambre, aux lourds rideaux pourpres. Comble du luxe, j'ai droit à une salle de bain que je partage avec deux autres filles. J'ai aussi droit tous les soirs à de la liqueur verte, aux vertus abortives : de l'absinthe ....

Au début, j'étais vraiment inexpérimentée. Mais attirante, puisque jeune et jolie, à ce qu'ils me disent. Maintenant, j'en sais un peu plus sur les hommes. Sur leurs défauts, leurs demandes, leurs exigences et leurs peurs.

Je sais les manipuler malgré eux, pour leur faire sortir quelques billets supplémentaires.

Celui qui est passé entre mes cuisses ne demande qu'à y revenir... La patronne fait monter les prix pour m'avoir, et je me paie aussi le luxe de choisir...

Mais mon rêve reste inaccessible. Je voulais être une vraie courtisane. Une de celles qu'on ose sortir à son bras, comme celle de mon enfance. Une maîtresse, dans une jolie maison, avec un jardin et un chien.

Parce qu'ici, même si le travail ne manque pas, les risques sont grands. Madame n'est pas trop regardante sur les clients. A nous de monter la garde, au cas où l'une de nous se retrouverait en mauvaise posture. Mais jusqu'à présent, nous avons été assez bien traitées. Des coups, oui, quelques bleus ou quelques blessures dues à une grande impatience du client, mais rien de vraiment méchant. Nous sommes solidaires, même si quelquefois jalouses de l'attention de jolis messieurs...

Ce soir, dans quelques minutes, j'ai un rendez-vous à l'extérieur de la maison. La tenancière nous l'autorise quelquefois, pour fidéliser le client. J'espère enfin rencontrer celui qui me fera sortir d'ici définitivement. J'imagine la douceur de la vie de maîtresse attitrée, les beaux vêtements, les bijoux, l'appartement où il va m'installer et me visiter à son envie...

Déjà, je sais qu'il est beau. Une moustache impressionnante et de grands yeux gris. D'ailleurs, je l'aperçois. Costume anthracite, fait sur mesure, chapeau haut de forme et canne à pommeau. Il ressemble un peu à monsieur Maupassant dont j'ai regardé l'image sur le livre la Maison Tellier, dans la bibliothèque de Madame. J'ai beaucoup aimé cette histoire de la jeune fille qui va faire sa première communion. J'aurais aimé retrouver la douceur et la chaleur de ce moment-là.

Il me parle. Je dois partir. Mais d'un coup, j'ai peur... Pourquoi ai-je l'impression qu'il est dangereux ? Je crains ses yeux ; mais je veux m'en sortir ! J'ai toujours été brave, et je vais tout faire pour l'attacher à moi, je vous le promets. Je pourrai ainsi revenir la tête haute, dans mon village qui me semble aujourd'hui si loin...

Un corps, retrouvé nu et mutilé, dans une ruelle sombre, semblant appartenir à une femme, reconnue pour se prostituer en maison close. Ses amies ont affirmé qu'elle avait un rendez-vous à l'extérieur, et n'ont pas donné de signalement particulier de l'homme avec qui elle était partie. Une enquête est ouverte.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.