Monsieur le président,
En ce jour de Saint Valentin, fête des amoureux, mon esprit de contradiction n'y résiste pas. Je cherchais un homme. Quelqu'un à qui envoyer un courrier de désamour. Mais pas n'importe qui, non, un homme que je n'aurais jamais aimé, un homme que je n'aurais jamais pu aimer. Et voilà qu'en écoutant France Info parler de la messe de TF1 que vous allez célébrer demain soir, j'ai pensé à vous.
Vous n'avez jamais été, et vous ne serez jamais mon président. Même si, par malheur pour mon pays, vous étiez de nouveau élu pour cinq longues et interminables années.
En 2007, je me souviens des larmes de millions de personnes qui n'avaient pas voté pour vous. Je me souviens de la déception de ceux qui s'étaient mobilisés pour que le pire n'arrive pas. Le pire, votre élection.
Je vous revois encore, avec votre tressautement, vos tics, votre arrogance.
C'est plus fort que moi, je vous blaire pas, heu pardon, voilà que je cause comme vous. Je ne vous aime pas. Je ne peux pas voir votre image ni entendre votre voix sans être prise d'une rage destructrice. Je parle toute seule, et je fais même peur à mes chats, c'est dire.
Non, parce que ce que je vois autour de moi, c'est la vraie misère. Celle que vous aviez promis d'éradiquer. Avant. Quand vous aviez envie d'être président devant votre barbe à raser tous les matins.
Vous voulez quelques exemples ?
Tous les matins, justement, en allant travailler, je croise un couple âgé, ou sans âge, digne et miséreux. Lui, marchant devant, en costume sombre, chapeau sur la tête, elle trottinant derrière, dans un manteau loqueteux, tirant une valise à roulettes. Ils sont virés tous les matins de leur abri de misère. Je n'ai encore pas osé m'adresser à eux. Dès que je me sentirai capable d'affronter leur histoire sans avoir envie de venir en personne vous la raconter yeux dans les yeux, je vous ferai parvenir un compte-rendu.
Je vois aussi tous les matins la niche à chien installée face à la banque, dans la rue principale. Clément est parti, un autre a pris la place chaude, si on peut dire. Comme il n'y en a qu'une de niche à chien, vous pensez bien que celui qui a l'immense chance de dormir dedans plutôt que sur le trottoir, il la garde farouchement. Ça aussi, j'aimerais venir vous en parler.
Autant vous mettre à l'aise tout de suite, c'est pas de politique que je viens vous causer. Heu pardon, ça me reprend, vous parler. J'y pige que dalle à la politique. Ce que je vois moi, c'est tout ça. Ce que je viens de vous décrire. Je vois aussi mes parents, petits retraités (ouf propriétaires!) mais qui rabotent leurs dépenses. Je vois mes collègues de travail, quand elles consultent leur compte en banque, se demandant si les courses ce mois-ci elles vont les faire chez Lidl ou Casino.
Vous, ça va ? C'est du bio que vous mangez ? Vous voulez que je vous raconte les courses des gens pauvres ? Du moins de ceux qui travaillent et qui arrivent à avoir un salaire. Les autres, les courses, c'est souvent Resto du cœur, là où vous êtes allé, courageusement, avec tant d'accompagnateurs.
Alors, monsieur le Président, je vais vous dire une bonne chose. Demain soir, vous fatiguez pas. Heu, pardon, ne vous fatiguez pas. Renoncez. Pour une fois, faites comme si vous nous aimiez. Un tout petit peu. Dites-nous au revoir. Vous pouvez même le dire à la manière de monsieur Giscard, ou bien plus solennellement, mais un geste, un coucou de la main suffira pour des millions d'ovations.
Elisa, blogueuse chez mediapart.
(merci à Chimulus)