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Le titre seul devrait vous donner envie de le lire. Il est volé à Monique Wittig, non pas comme on vole en passant un livre sur un étalage faute de pouvoir se le payer, mais comme on vole dans le ciel, de branche en branche, d’arbre en arbre et peut-être même de planète en planète.
Voici comment Monique Wittig, l’autrice géniale de L’Opoponax (prix Médicis 1964) et de La Pensée Straight semait en 1969 la graine du roman de Pauline Gonthier dans Les Guérillères :
"Elles disent, tu es loin d'avoir la fierté des oiselles sauvages qui lorsqu'on les a emprisonnées refusent de couver leurs œufs. Elles disent, prends exemple sur les oiselles sauvages qui, si elles s'accouplent avec les mâles pour tromper leur ennui, refusent de se reproduire tant qu'elles ne sont pas en liberté."
Le roman de Pauline Gonthier commence un an plus tard en 1970, avec le personnage de Madeleine, qui traverse la révolution féministe sans parvenir à libérer son propre désir. Il se poursuit avec la figure de Mathilde, en 2017, qui quitte les bras d’Aurélien pour ceux d’une femme, Alix, sans être plus politisée que ça. La lutte de la première, sage-femme engagée dans la défense de l’IVG, va faire le bonheur de la seconde, bientôt tentée par la PMA afin de donner à son amour lesbien la descendance qu’il attend.
Au fil des pages se racontent les combats, les réflexions des débuts du MLF, d’une plume délicate qui puise dans la mémoire des récits de l'époque. A plusieurs reprises apparaît la figure iconoclaste de Françoise d’Eaubonne, et c’est au départ une coïncidence, comme le raconte l’éditrice Vanessa Springora, alors directrice des éditions Julliard : « J’avais décidé de republier des œuvres oubliées du fonds Julliard et Françoise d’Eaubonne était tout de suite remontée à la surface. J’ai eu un choc en recevant le manuscrit de Pauline Gonthier, une jeune femme de trente ans, qui parlait du MLF et de Françoise d’Eaubonne. Une date de parution commune s’imposait : le 14 octobre 2021. »
Je suis préfacière de cette édition du Complexe de Diane – le premier essai de Françoise d'Eaubonne paru en 1951 pour défendre et prolonger le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir, que je vous invite à lire évidemment. Mais il se trouve que le roman de Pauline Gonthier en est aussi un prolongement très actuel. On pourra me reprocher un conflit d’intérêt ou je ne sais quel venin du même genre. Pour une personne qui, comme moi, gagne péniblement le Smic en écrivant des livres et des articles, l’ironie serait tordante. Vu ce que j'y gagne, je peux bien écrire sur ce qui me plaît !
En ce soir de décembre, alors que je lutte contre une dépression post covid, je me suis replongée entre les pages des Oiselles pour me réconforter. Je dis que je lutte contre la dépression, et vous voyez sans doute une sorte d'Amazone Eperdue bravant un sombre Chagrin Patriarcal à Poil Long. Rien n'est plus faux (bien que l'idée me séduise). La vérité, c'est qu'on ne lutte pas contre la dépression. On la traverse, elle nous traverse, et le meilleur remède, pour moi, c'est encore de lire de belles histoires, de celles qui changeront peut-être nos perceptions, nos futurs toujours incertains.
Les Oiselles sauvages ont soufflé un vent de liberté dans mon coeur. Il y a un tel naturel dans ce texte, une simplicité qui ressemble au véritable amour. Très loin du roman à thèse ou de la reconstitution artificielle, Pauline Gonthier a tissé les fils de l'histoire, la grande, la petite, les nôtres et celles des autres... Pour une fois qu'on transmet des émotions plutôt que des virus, je n'allais pas passer à côté !
Alors voilà, j’aime les Oiselles sauvages et j'espère que vous les aimerez aussi. C’est un beau cadeau à faire, et il paraît que c’est la période des cadeaux.
Appelez-moi la Mère Noëlle !