Chaque photo est une histoire, un rêve, un souvenir de ce que vous vivrez peut-être demain. Francesco Gattoni, né à Rome en 1956, a réuni dans cette exposition une série d’images inspirées par le poète italien Sandro Penna (1906-1977).

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On voit une femme s’enfoncer dans la mer, un visage flou s’offrir aux nuages, des silhouettes abandonnées dans ce temps suspendu que Francesco Gattoni appelle « incantato », un mot italien intraduisible qui évoque la rêverie mélancolique ou ce que les Japonais désignaient sous le nom de ukiyo-e : « images du monde flottant ».
Le vers de Sandro Penna qui sert de fil rouge à cette exposition en noir et blanc est en lui-même une invitation : « Vivre je voudrais endormi dans la douce rumeur de la vie ».
Ces images ont aussi été le fil rouge d’un atelier d’écriture animé par le poète écrivain Julien Delmaire au Pôle Insertion Demain d’Emmaüs Solidarité en 2016 auprès de personnes exilées. Les poèmes qui sont nés durant ces quelques mois sont aujourd’hui réunis dans un très beau recueil publié au Temps des Cerises : « Vivre, nous voudrions. Paroles d’exil, chants d’avenir », préfacé par Yahia Belaskri.
La nuit, les écrits vinrent

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Le dialogue entre Francesco Gattoni et les mots se poursuit au premier étage de la médiathèque de Romainville, où sont exposés ses portraits d’écrivains, réunis depuis plus de vingt ans pour de grands quotidiens italiens et français, Le Monde, la Repubblica ou le Corriere della Sera en tête : d’Erri de Luca à Annie Ernaux, de Leonora Miano à Alberto Moravia ou Günther Grass, Luis Sepulveda, Susan Sontag ou Makenzy Orcel, Ananda Devi et Karla Suarez, les écrivaines et les écrivains nous regardent dans les yeux, pendant qu’on flâne entre les rayonnages... Ou encore Julien Delmaire qui lisait ce soir de janvier pluvieux des poèmes et des extraits de son dernier roman, Minuit Montmartre, paru en août 2017 chez Grasset (un tout petit éditeur, nous a-t-il expliqué).

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On se croirait face à la Joconde qui d’où qu’on la regarde semble toujours plonger ses yeux dans les vôtres. On pense à des esprits qui hanteraient les pages à la nuit tombée. Qui sait si Günther Grass ne discute pas avec Leonora Miano quand la médiathèque est fermée ? Si Susan Sontag ne fait pas de sa propre photographie une métaphore ? Ou Moravia un mépris ? Daniel Pennac y pleure ses chagrins d’école et Luis Sepulveda leur lit des romans d’amour. On les verrait bien descendre au rez-de-chaussée et se glisser dans les images inspirées par Sandro Penna, comme on se glisse entre des draps frais par une nuit d’été.
Qui sait ce qui se passe quand nos yeux sont fermés ? C’est cette grâce que racontent les photos de Francesco Gattoni. Jusqu’au 24 février à la Médiathèque de Romainville. Je vous l’ai déjà dit ? Eh bien, je le répète.