Vendredi dernier, le juge des référés du Tribunal Administratif de Lyon a rejeté la requête de suspension du menu sans viande dans les cantines scolaires lyonnaises. Le magistrat a estimé que la mise en place d’un menu unique afin de fluidifier la circulation des élèves était justifiée dans ce contexte de crise sanitaire, tout en prenant en compte qu’il s’agissait d’un menu pensé pour convenir au plus grand nombre. En effet, avant la décision de la mairie de passer au menu unique, la moitié des usagers choisissait déjà l’option sans viande. Leur imposer de se contenter des seuls accompagnements aurait pu les conduire à un déséquilibre alimentaire, contrairement aux menus sans viande élaborés par les nutritionnistes.
Certains responsables politiques, qui ne voyaient pas de problème lorsque ce menu était proposé par quelqu’un de leur propre camp, s’étaient élevés contre la décision de la mairie de Lyon en la qualifiant d’« idéologique ». Mais qu’insinuent-ils par là ? Soupçonnent-ils le maire de Lyon d’être animé par des motivations écologiques que n’avait pas son prédécesseur ? Et si c’était le cas, faut-il en déduire que, pour eux, la lutte contre le réchauffement climatique et celle pour la protection de la biodiversité ne sont que de vagues systèmes spéculatifs ? Nous ne pouvons croire que des responsables politiques de ce niveau – y compris le ministre de l’Agriculture – ignorent à ce point les appels des scientifiques qui exhortent depuis plus de quinze ans à réduire la part carnée de notre alimentation. Il serait donc charitable, si l’on peut dire, de conclure qu’ils pensent tout bas ce qu’Éric Zemmour dit tout haut : le maire de Lyon serait animé d’intentions pro végétariennes, voire pro véganes.
Un repas sans viande loin d'être réservé aux végétariens
Pourtant, la demande de repas sans viande est une tendance de fond allant bien au delà des sphères végétariennes : selon un sondage du Réseau Action Climat paru pendant la polémique, 63 % des Français déclarent manger de la viande « au plus quelques fois par semaine ou moins souvent » et 30 % affirment vouloir en manger moins à l’avenir. Les motivations à végétaliser l’alimentation sont souvent personnelles, la santé étant le motif avancé par 43 % des personnes concernées. Mais elles sont aussi altruistes : 36 % sont motivés par la bienveillance envers les animaux et 33 % par la réduction des impacts environnementaux. Le souci des animaux devient cependant prépondérant chez les végétariens et, à bien y regarder, ce repas sans viande proposé par la mairie ne devrait pas tant que ça les réjouir.
En effet, dans les menus lyonnais, la viande est souvent remplacée par du poisson ou des œufs. Ceci conviendra sans doute aux usagers qui suivent des préceptes alimentaires religieux ou qui souhaitent réduire leur consommation de viande par goût, pour leur santé ou pour le climat. Mais les végétariens devront encore mettre de côté une bonne partie du plat de résistance lorsque du poisson est à la carte. En discordance de la bienveillance envers les animaux qui motive la plupart d'entre eux, un simple menu sans viande incluant du poisson fait paradoxalement plus de victimes : alors qu’une carcasse de vache peut fournir 250 kg de viande, soit assez de repas pour plus de trois années de consommation moyenne de chair animale, il faut tuer des centaines de lieus noirs (le poisson au menu ce vendredi, assez commun en restauration collective) pour obtenir la même quantité dans les assiettes.
Le gouvernement se soucie-t-il vraiment de laisser le choix aux enfants ?
Dans son tweet ayant porté la polémique au niveau national, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin ne se cachait pas de soutenir les intérêts économiques de la filière viande. Plutôt que de représenter des intérêts corporatistes, il serait préférable qu’il se soucie davantage de défendre les intérêts des Français. En effet, 71 % d’entre eux se montrent favorables à ce que la restauration collective (cantines, maisons de retraites, hôpitaux...) soit obligée de proposer des menus végétariens équilibrés à chaque repas. Selon une enquête menée auprès de 200 communes, plus de 9 fois sur 10 l’option végétarienne ne coûte pas plus cher. Offrir le choix aux enfants permet aussi de limiter drastiquement le gâchis de viande, qui représente 50 % des pertes financières liées au gaspillage.
A l’instar de Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, beaucoup s’offusquent qu’on ne laisse pas le choix aux élèves lorsque le menu est sans viande. Espérons que cela ne relève pas d’une posture opportuniste à l’encontre de leurs adversaires politiques. Pour l'instant, le projet de loi climat laisse les maires décider si les enfants pourront ou non avoir accès à une option végétarienne quotidienne. De plus, le texte qui sera débattu cette semaine en commission ne concerne presque aucune cantine qui n’aurait pas déjà mis en place cette option de sa propre initiative. Il en résulte que d’après le gouvernement lui-même, le nombre de repas concernés serait limité à seulement 15% du nombre de repas de la restauration collective publique, au lieu de 100% comme proposé initialement par la Convention Citoyenne pour le Climat.
Nous attendons du gouvernement épris de liberté qu’il maintienne sa cohérence et réponde à la demande de la population, en offrant un choix végétarien à chaque repas, dans l’ensemble de la restauration collective publique.