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Billet de blog 15 avril 2019

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58ème Biennale internationale d’art de Venise 2019

Avec un titre plus qu'ambigu "May You Live In Interesting Times" 
et sans thème imposé s'ouvre la 58ème Biennale Internationale d'art de Venise sous la direction artistique de Ralph RUGOFF

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

58ème Biennale internationale d’art de Venise 2019 

May You Live In Interesting Times

11 May - 24 November 2019
Giardini & Arsenale + Events collatéraux dans plusieurs lieux de la ville de Venise Plus d’information : https://www.labiennale.org/en/art/2019/information

La 58ème Biennale internationale d’art de Venise ouvre ses portes pendant 6 mois de mai à novembre 2019. Le Président de la biennale est depuis une vingtaine d’années Paolo BARATTA et cette année le Conseil de la biennale de Venise a nommé comme directeur artistique et curateur principal l’américain Ralph RUGOFF, directeur de la Hayward Gallery de Londres (depuis 2006), : deux personnalités importantes pour le bon déroulement d’une biennale qui a comme objectif principal « la rencontre entre les visiteurs, l’art et les artistes ». Une des particularités de la Biennale d’art de Venise 2019 est celle d’ouvrir avec 79 artistes (tous) vivants deux expositions principales : l’une dans le Pavillon central des Giardini, l’autre à l’Arsenal, auxquelles s’ajoutent les traditionnelles présentations d’artistes dans les 87 pavillons nationaux situés dans les Giardini ou dans Venise-même.

Le titre de la manifestation May You Live In Interesting Times fait référence à un discours du député britannique Sir Austen Chamberlain prononcé à la fin des années 30 au cours duquel il invoque une ancienne malédiction chinoise qu’il aurait apprise d’un diplomate britannique qui avait servi en Asie, et qui prenait une curieuse forme pour dire : « Puissiez-vous vivre dans des moments intéressants ». « Il ne fait aucun doute que la malédiction est tombée sur nous » avait observé Chamberlain. Pour avoir eu recourt à cette anecdote ambiguë comme titre de la 58ème biennale, R. Rugoff ajoute « Nous passons d’une crise à l’autre. Nous souffrons d’une perturbation et d’un choc après l’autre ». Dans ces moments de dissémination digitale accélérée où les Fakes News et les faits alternatifs altèrent voire corrompent les discours politiques dominants, les « temps intéressants » et ses périodes incertaines, de crises et d’agitations, s’avèreraient prémonitoires.

May You Live in Interesting Times, « Puissiez-vous vivre dans les temps intéressants », comprendra sans doute des œuvres d’art qui reflèteront les aspects précaires de l’existence d’aujourd’hui y compris les différentes menaces aux traditions, aux institutions et aux relations interhumaines. Mais reconnaissons d’emblée que l’art n’exerce pas ses forces dans le domaine de la politique. L’art ne peut pas endiguer la montée des mouvements nationalistes et des gouvernements autoritaires dans différentes parties du monde, et ne peut pas atténuer le sort tragique des peuples déplacés à travers le monde, qui représentent près de 1% de la population mondiale.

Pour cette biennale, il est nécessaire dans un premier temps de rendre hommage à Okwui ENWESOR, récemment disparu, curateur des plus prestigieuses manifestations artistiques internationales, précurseur des études culturelles qui font tant défaut dans ces rencontres, pour sa vision internationaliste et anticolonialiste.

Un aspect important - nous le pensons, est l’attribution du Lion d’Or pour sa longue carrière à l’artiste, performer, essayiste, poète, Jimmie Durham (USA, 1940). Actif aux États-Unis dans les mouvements des droits civiques des Afro-américains et des Amérindiens des années 70, il a siégé au Conseil central du mouvement indien américain.

Nous saluons aussi l’invitation faite par le Canada au collectif inuit de réalisation
et de production vidéo ISUMA, déjà présent lors de DOCUMENTA 11 (Kassel, 2002), productions qui mettent en avant situations, vies et luttes des peuples d’ici et d’ailleurs.

Malgré les « mises en situation intéressantes » pour contrer le changement climatique et sur les connaissances environnementales que portent les peuples originaires, la question de notre « nature malade » semble absente et resterait encore à désirer. C’est une raison pour laquelle il est important d’insister sur l‘attribution du Lion d’Or à Jimmie Duhram, d’origine cherokee et sur la présence du collectif inuit ISUMA par l’intermédiaire des artistes Zacharias Kunuke et Norman Cohn, dont les travaux reflètent les voix des communautés avec des connaissances sur des environnements délaissés et trop méconnus par la pensée contemporaine.

Il est bon de venir à Venise ! Nous, VINCENT + FERIA, tenons à « l’être là », à « l’aller voir », fondements permanents de nos réflexions et de nos travaux sur les mutations de l’art actuel en période de mondialisation, ... et respirer et s’évader de la mainmise du « marché de l’art » sur l’art dit « contemporain » et de la progressive marchandisation de l’art dit « autochtone ».

Une autre bonne nouvelle est la participation de quatre pays absents antérieurement : Ghana, Madagascar, Malaisie et Pakistan. Mais aussi l’Algérie et la République dominicaine. Le Pavillon algérien présentera le travail d’Amina ZOUBIR, parmi ceux d’autres artistes, artiste que nous avons présentée lors de notre commissariat de la BY16 (Biennale d’art actuel de Yakoutsk, République de Sakha, Fédération de Russie, 2016) où elle a reçu un des prix décernés lors de cette biennale pour son installation-vidéo écosophique. Nous leur souhaitons bon travail et attendons les propositions des artistes invités qui pourraient repartir ensemble avec le prix du pavillon.

Nous aimerions attirer aussi votre attention sur :

- Pour le Pavillon slovène, la proposition de Marko PELJHAN dont les projets, les initiatives et les collaborations couvrent un vaste domaine allant de l'écologie et de la réflexion sociale aux médias tactiques, à la technologie, à l'exploration de l'espace et à la géopolitique. En 1994, M. Peljhan a fondé Projekt Atol, un institut d’art à but non lucratif et co-fondé un an plus tard le laboratoire des nouveaux médias Ljudmila, basé à Ljubljana. En 2003 il a installé le labo Makrolab sur l'île de Campalto dans la lagune de Venise.

- Pour le Pavillon des KIRIBATI - État archipélagique d'Océanie composé de trois archipels de l'océan Pacifique, et pour chaque session de la biennale, les artistes font appel à la conscientisation des effets ravageurs du réchauffement climatique avec la montée des eaux qui menacent les ilots de disparition, ainsi leurs travaux et appels sont à soutenir. Citons ici leurs noms : Kaeka Michael Betero, Daniela Danica Tepes, Kairaken Betio Group; Teroloang Borouea, Neneia Takoikoi, Tineta Timirau, Teeti Aaloa, Kenneth Ioane, Kaumai Kaoma, Runita Rabwaa, Obeta Taia, Tiribo Kobaua, Tamuera Tebebe, Rairauea Rue, Teuea Kabunare, Tokintekai Ekentetake, Katanuti Francis, Mikaere Tebwebwe, Terita Itinikarawa, Kaeua Kobaua, Raatu Tiuteke, Kaeriti Baanga, Ioanna Francis, Temarewe Banaan, Aanamaria Toom, Einako Temewi, Nimei Itinikarawa, Teniteiti Mikaere, Aanibo Bwatanita, Arin Tikiraua. Commissaires : Kautu Tabaka, Nina Tepes. Lieu : European Cultural Centre, Palazzo Mora, Strada Nuova 3659.

- Une autre personnalité appelée comme commissaire cette fois-ci par le Pavillon de Taiwan est Paul B. Preciado, philosophe « trans », commissaire des programmes publics de la récente Documenta 14 (Athènes, 2017), dont le dernier ouvrage "Un appartement sur Uranus", préfacé par Virginie Despentes (éditions Grasset, 2019), a été débattu récemment dans une galerie- librairie parisienne. Il y développe une philosophie politique dépassant les questions de sexualité et évoque des questions politico-sociales comme le devenir néo-fasciste en Europe, la crise grecque, les luttes zapatistes au Mexique, le conflit en Catalogne, note son éditeur.

- L’extraordinaire Pavillon vénézuélien dans les Giardini, œuvre de l’architecte vénitien Carlo SCARPA est incontournable et permettra de rencontrer la scène artistique d’un pays phare de la mondialisation et enjeu de la géopolitique actuelle. Le commissariat est confié à Oscar Sottillo Meneses et les artistes sont : Natalie Rocha Capiello, Ricardo García, Gabriel López, Nelson Rangelosky.

- Pour le Pavillon français la commissaire Martha Kirszenbaum a invité l’artiste Laure Prouvost avec son œuvre La pieuvre.

Nous aimerions terminer cette chronique en citant les différents « titres » envoyés par les responsables des pavillons nationaux, titres qui pourraient donner un état de « conscience » culturelle de chaque état : Maybe the cosmos is not so extraordinary, Albanie ; The Future is Now, Andorre ; Find Yourself : Carnival and Resistance, Antigua-et-Barbuda ; El nombre de un país / The name of a country, Argentine ; Revolutionary Sensorium, République d’Arménie ; Assembly, Australie ; Discordo Ergo Sum, Autriche ; Virtual Reality, République d’Azerbaijan ; Thirst, République Populaire du Bangladesh ; Exit / Uscita, République de Biélorussie ; Mondo Cane, Belgique ; Zenica Trilogy, Bosnie-Herzegovine ; Swinguerra, Brésil ; How We Live, Bulgarie ; ISUMA, Canada ; Altered Views, Chili ; Re睿, République Populaire de Chine ; Traces of Disappearing (In Three Acts), Croatie ; Entorno aleccionador (A Cautionary Environment), Cuba ; Christoforos Savva: Untimely, Again, République de Chypre ; Stanislav Kolíbal. Former Uncertain Indicated, République tchèque ; Heirloom, Danemark ; Naturaleza y biodiversidad en la República Dominicana, République dominicaine ; Khnum across times witness, Egypte ; Birth V, Estonie ; A Greater Miracle of Perception, Finlande (Alvar Aalto Pavilion) ; Deep see blue surrounding you / Vois ce bleu profond te fondre, France ; Rearmirrorview, Simulation is Simulation, is Simulation, is Simulation, Géorgie ; Sans titre, Allemagne ; Ghana Freedom, Ghana ; Cathy Wilkes, Angleterre ; Mr. Stigl, Grèce ; Epic Memory, Grenade ; Interesting State, Guatemala ; Le spectacle de la tragédie, Haïti ; Imaginary Cameras, Hongrie ; Chromo Sapiens – Hrafnhildur Arnardóttir / Shoplifter, Islande ; Our time for a future caring, Inde ; Lost Verses, Indonésie ; Of being and singing, République islamique d’Iran ; Fatherland, Iraq ; The Shrinking Universe, Irlande ; Field Hospital X, Israel ; Sans titre, Italie ; The Open Shadows of Memory, Côte d’Ivoire ; Cosmo-Eggs, Japon ; Pacific Time - Time Flies, Kiribati ; History Has Failed Us, but No Matter, République de Corée ; Family Album, République du Kosovo ; Saules Suns, Lettonie ; Sun & Sea (Marina), Lituanie ; Written by Water, Grand Duché du Luxembourg ; Subversion to Red, République de Macédoine du Nord ; I have forgotten the night, Madagascar ; Holding Up a Mirror, Malaisie ; Maleth / Haven / Port - Heterotopias of Evocation, Malte ; Actos de Dios / Acts of God, Mexique ; A Temporality, Mongolie ; Odiseja / An Odyssey, Montenegro ; The Past, the Present and The in Between, République de Mozambique ; The Measurement of Presence, Pays-Bas ; Post hoc, Nouvelle Zélande ; Weather Report: Forecasting Future, Pays Nordiques (Finlande, Suède, Norvège), Manora Field Notes, Pakistan ; Indios Antropófagos. A butterfly Garden in the (Urban) Jungle, Pérou ; Island Weather, Philippines ; Flight, Pologne ; A seam, a surface, a hinge or a knot, Portugal ; Unfinished Conversations on the Weight of Absence, Roumanie ; Lc 15:11-32, Russie ; Friendship Project International, République de San Marino ; After Illusion ; Arabie saoudite ; Regaining Memory Loss, Serbie ; Drift, République des Seychelles , Music For Everyone : Variations on a Theme, Singapour ; Here we go again... SYSTEM 317, République de Slovénie ; The stronger we become, République d’Afrique du Sud ; Perforated by Itziar Okariz and Sergio Prego, Espagne ; Moving Backwards, Suisse ; Syrian Civilization is still alive, République arabe syrienne ; The Revolving World, Thailande ; We, Elsewhere, Turquie ; The Shadow of Dream cast upon Giardini della Biennale, Ukraine ; Passage, Émirats arabes unis ; Liberty, États unis d’Amérique ; La casa empática, Uruguay ; Metaphore of three windows, République bolivarienne du Venezuela ; The Tale without a Head, République du Zimbawe.

Françoise VINCENT + Eloy FERIA Fallon (France), 9 avril 2019

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