Quatre illustres artistes Paolo GASPARINI (1934), Claudio PERNA (1938-1997), Armando REVERON (1889-1954), Sol CALERO (1982) sont invités par le curateur brésilien Adriano PEDROSA (1965) pour participer - parmi trois cents autres artistes - à l’exposition Internationale du Pavillon central de la 60ème Biennale de Venise, qui s’ouvrira le 20 avril 2024.
Juvenal RAVELO (1931) est l’artiste qui représentera le Venezuela, dans son pavillon, chef d’oeuvre du modernisme en architecture commandité par le gouvernement de l’époque à l’architecte vénitien Carlo SCARPA (1906-1978) dans les années 50 et situé dans les Giardini de la Biennale, à Venise également.
Adriano Pedrosa nous a déjà habitués à nous confronter aux questions contemporaines et à la créativité dans les pays du Sud, dans diverses mega-expositions et commissariats, au Musée d’art Moderne de Sâo Paulo (MASP) où il est l’actuel directeur mais aussi comme curateur-adjoint pour la 24e Biennale de Sao Paulo «la Biennale de la Anthropofagia» (1998) avec pour commissaire général Paulo Herkenhoff.
Choisi comme commissaire général pour la 60ème Biennale de Venise, Adriano Pedrosa lui a donné comme titre « Étrangers partout », certes une évidence, au moment où les remontées xénophobes et les racismes surgissent partout dans le monde.
Biennale internationale où 90 pays participeront, une exposition au Pavillon central dans les Giardini de la Biennale avec un choix d’artistes et collectifs venant des pays et diasporas diverses du Sud, rassemblant quelques 332 participants. Ce sera un bonheur voir / découvrir / rencontrer et comme Pedrosa l’a souligné, des artistes qui ont été invisibilisés, marginalisés, artistes queers, féministes, collectifs divers formés pour donner une autre vision et une autre tournure à l’art, dans ce monde chaotique de guerres et d’inconsciences climatiques.
« Étrangers partout » pourrait aussi tenir compte du lumpen prolétariat qui participe à certains gouvernements du sud, qui ont réussi à sortir du joug des impérialismes néo-coloniaux et qui se trouvent à la recherche d’une véritable émancipation, une dignité retrouvée, s’organisant en communes, cherchant leurs dirigeants ou d’autres manières de diriger, de s’orienter.
Un hommage pourrions nous faire au philosophe de la libération Enrique DUSSEL (1934-2023) qui vient de nous quitter nous laissant comme héritage la pensée décoloniale... et la transmodernité.
Nous pourrions considérer la version de cette 60ème biennale, comme étant à la recherche d’une géopolitique de la sensibilité et du savoir en période de décolonialité. Adriano Pedrosa part des propositions du collectif Claire Fontaine créé en France résidant à Palerme, là où la crise de l’immigration s’est fait lourdement sentir : « ... un monde en proie à de multiples crises liées à la circulation et à l'existence des personnes à travers les pays, les nations, les territoires et les frontières, qui reflètent, à leur tour, les dangers et les pièges de la langue, de la traduction, de la nationalité, exprimant les différences et les disparités conditionnées par la race, l'identité, nationalité, genre, sexualité, liberté et richesse ».
La grande exposition du Pavillon central est divisée en deux parties « Nucleo Contemporaneo » et « Nucleo Storico ». Pour la partie contemporaine nous pourrions donner les noms d’artistes et collectifs suivants : MAHKU—Movimento dos Artistas Huni Kuin collectif du Brasil, le Mataaho Collective de Aotearoa (New Zealand), Erica Rutherford, Isaac Chong Wai, Elyla, Violeta Quispe, Louis Fratino, Dean Sameshima, and Evelyn Taocheng Wang ainsi que trois artistes femmes ayant été invisibilisées, Madge Gill, Anna Zemánková, et Aloïse Corbaz. S’additionnent aussi « les archives de la désobéissance» un projet fondé par le conservateur milanais Marco Scotini en 2005 qui rassemble « des archives vidéo axées sur les relations entre les pratiques artistiques et l'activisme » depuis près de deux décennies, comme le rappelle Pedrosa. Cette section elle- même est divisée en deux sections « Activisme de la diaspora » et « Désobéissance de genre » et rassemblera les travaux de 39 artistes et collectifs réalisés entre 1975 et 2023.
La partie historique ou "Nucleo Storico" se concentrera sur « les modernismes globaux et les modernismes du Sud », avec trois sections consacrées au portrait et à la représentation, à l'abstraction et à la diaspora italienne dans le Sud. Cette partie rassemblera des œuvres réalisées entre 1905 et 1990 par 112 artistes du Sud, principalement d'Amérique latine, d'Afrique, du Moyen-Orient et d'Asie. Il y aura également des artistes basés dans des pays auparavant en développement comme Singapour et la Corée du Sud, ainsi que des artistes maoris de Nouvelle- Zélande. Pour cette partie, A. Pedrosa a invité deux artistes vénézuéliens d’origine italienne, Paolo Gasparini, magnifique photographe du quotidien et Claudio Perna, artiste enseignant, poète conceptuel.
Nous allons rencontrer, voir, croiser, découvrir, amis et anciens professeurs artistes : Umberto Giangrandi, Esther Mahlangu, Tereza Margoles, Frida Khalo, Olga Amaral, Bordadoras de la Isla Negra du Chili, Adriana Pelaez, le collectif Superflex entre autres parmi les 332 artistes invités.
Rappelons que le Lion D’Or de la 60ème Biennale de Venise 2024 a été décerné pour leur travail artistique accompli, à Nil Yalter, artiste turco-française née au Caire (1938), résidant en France, et Ana Maria Maiolino (1942), Italienne émigrée initialement au Venezuela puis à Rio de Janeiro où elle habite aujourd’hui.
La biennale c’est aussi : 30 Evénements Collatéraux, 90 Pavillons nationaux répartis dans les Giardini dell Castello et dans de nombreux palais et lieux culturels de Venise. Nous verrons dans ces pavillons nationaux les propositions des artistes sur l’immigration, les diasporas, l’exil, l’art des artistes queer, de l’art manuel, textile, des collectifs et activistes nationaux, les oubliés, les artistes représentant les peuples dits d’origine, ceux qui gardent la symbiose entre art et nature.
Le pavillon du Venezuela a invité Juvenal Ravelo, artiste abstrait-géométrique et lumino-cinétique, qui a mené un long travail et de nombreuses expériences dans l’espace public, avec les communautés locales, les jeunes de rue, dans plusieurs et diverses régions de son pays.
Le Pavillon français exposera Julien Creuzet, pour ne citer que deux pavillons nationaux (ceci me concerne puisque moi-même français d’origine vénézuélienne, me revendiquant caribéen). J. Creuzet proposera « une zone de confluence complexe et sensorielle, une expérience à vivre profondément ». L’artiste martiniquais affirme que cet espace sera « un carrefour, un lieu où l’on peut tout rencontrer et surtout être face à soi-même ».
Le 19 février 2024, le journal français Libération fait sa une « Aux étrangères, enfin (La France) reconnaissante » annonçant l’entrée au Panthéon National du couple de résistants arméniens Missak (1906-1944) et Meliné (1913-1989) Manouchian.
Enfin, la surprise est la venue à la Biennale de Venise du Pape François le 28 avril dans le pavillon du Saint Siège – premier pape à venir à la Biennale. Le Pavillon du Vatican proposera « Con mis Ojos » (Avec mes yeux), pavillon du Vatican situé - cette année - dans l’ancienne prison des femmes de la Giudecca, et voudrait attirer l’attention sur « Les Mondes marginalisés » et favoriser la construction « d’une culture de la rencontre», axe central du magistère du Pape François.
Drôle de coïncidence entre le « pape de pauvres » et « la biennale des pauvres... »
Caracas, le 20 février 2024