Je suis totalement désespéré par la façon dont est en train de se conclure le conflit en Guadeloupe. Il me semble que notre pays vit une époque délirante, où les acteurs sont dans l’incapacité d’analyser globalement et collectivement les difficultés réelles rencontrées et ne peuvent rien faire d’autre que s’affronter sur les revendications ponctuelles sans la moindre cohérence, sans le moindre rapport avec le problème réel, sans d’autre vision que la satisfaction de revendications catégorielles arrachées suite à un marchandage de bazar.
Essayons donc de revenir aux bases du problème.
En préambule, et on l’oubliera ensuite pour y revenir pour une tentative de conclusion, rien ne distingue dans le fond les problèmes de pouvoir d’achat dans tous les DOM et TOM.
Il y a effectivement un problème de pouvoir d’achat en Guadeloupe. L’état le reconnaît lui même en octroyant à ses personnels une prime sur salaire de l’ordre de 40% pour compenser le coût de la vie élevé dans ce département. Dans ces conditions pourquoi les salaires du privés (le SMIC par exemple) et les prestations sociales (RMI, RSA, allocations familiales, etc…) ne seraient elles pas aussi majorées de 40 %. Je trouve d’ailleurs la revendication du LKP de 200€ pour les bas salaires totalement absurde.
Le problème du pouvoir d’achat dans les DOM/TOM a trois origines principales :
En premier lieu, ces poussières d’empires sont par essence très fortement importatrices de produits et l’appartenance à la nation française amène à satisfaire ces besoins principalement à partir de la métropole. Mais à y regarder de plus près, si l’on considère le département de la creuse comme une entité du type DOM, il n’est pas sur que son ratio import/export soit très éloigné de celui de la Guadeloupe… La distance avec la métropole étant bien plus importante que celle séparant Rungis et Guéret, le coût du transport entraîne immanquablement un surcoût de ces produits. Pour compenser ce facteur d’augmentation des prix, seule l’intervention de l’état est légitime, au nom de la solidarité nationale, et plus particulièrement du concept de continuité territoriale, qui semble oublié de bien des gens…
En second lieu, dans ces départements, les dérives néolibérales ont autorisé, plus qu’en métropole, la création de monopoles ou oligopoles selon les cas, dans de nombreux secteurs, et ces situations de rente sont un facteur important d’inflation sur les prix. Ici, c’est encore à l’état seul, de faire en sorte que les règles élémentaires de la concurrence soient respectées.
En troisième lieu, une fiscalité douanière spécifique, (instaurée il me semble par Louis XIV…), l’octroi de mer, est laissée à l’appréciation des assemblées locales. Je ne suis pas certain du tout que cette latitude, qui pourrait avoir des effets atténuateurs sur les prix, des effets moteur du développement d’autre part, soit utilisée dans ce sens par les autorités responsables. Une fois encore, c’est à l’état de repenser intelligemment et globalement la fiscalité dans ces territoires.
On passera sur les aides colossales consenties par l’état aux « entrepreneur locaux », qui loin de motiver ceux-ci à envisager un développement sain, efficace et durable de leurs entreprises, les entraîne systématiquement dans la facilité de l’aubaine à court terme. On passera sur les règlementations européennes appliquées aveuglément dans certains cas, adaptées, souvent très mal, dans d’autres. Et je pense qu’à ce niveau, c’est encore l’incurie du l’état français qui est à mettre en avant bien plus que la technocratie bébête de Bruxelles. On passera sur l’incapacité du patronat local à se projeter vers l’extérieur, tant il est bien tranquille dans son cocon de rente, de privilège et de protection – J’ai vécu longtemps à la Réunion. Quand on compare les entrepreneur Mauriciens et Réunionnais, il y a de quoi pleurer !
Mais nous sommes dans un monde néolibéral. L’état ne sert à rien. C’est le contrat qui prévaut. Entre les parties concernées. Sur la seule base du rapport de force. Alors, pendant des années, rien ou peu se passe, faute de capacités de nuisance organisées. Un leader apparaît, une organisation efficace se met en place. Et c’est quand même l’état qui financera principalement le saupoudrage de mesures sans queue ni tête que les marchands de tapis patronaux et syndicaux se seront distribuées.
L’état avait enfin l’opportunité de jouer son rôle central de régulateur. La crise financière puis économique actuelle amène de nombreux intervenants à prôner ce retour à la mission de régulation de l’état. Et bien, c’est exactement le modèle néolibéral de fonctionnement qui a prévalu ! Bravo ! Si des gens espéraient encore voir le néolibéralisme reculer, voir un capitalisme régulé se mettre en place, ils auront j’espère bien compris qu’il ne s’agit que de mots et que rien de vraiment important ne sera remis en cause dans le système économico-social mondial et français !
Pour finir, comme je l’ai dit en introduction, le problème n’a rien de spécifique à la Guadeloupe. Des décisions nationales auraient du être prises. Elles se négocieront localement à chaque DOM, voir TOM, s’il se révolte ! L’état libéral a encore gagné, en s’amputant de ses prérogatives au seul profit des adeptes du… pwofitasyon. LKP, vous avez dit ?