Mardi 17 janvier, je me suis réveillée dans la nuit,
je me lève sans allumer,
je vais vers les fenêtres,
lune montante,
très vive.
Sur ma table, mes grandes cartes sont déployées, zébrées de grands traits rouges et verts,
dessinant mes itinéraires.
J’ai hâte de continuer vers l’ouest mes incursions dans le Segréen, en direction du village de Freigné, enclave du Maine-et-Loire dans la Loire-Atlantique (...)
Pourquoi cette hâte?
Parce que Freigné abrite le château de Louis de Ghaisne de Bourmont,
qui, alors ministre de la Guerre,
prit Alger pour le compte de Charles X.
Parce que l’Algérie est en France un passé qui ne passe pas. (1)
Parce que sous la conduite
de cet ancien chouan,
l’expédition d’Alger,
plus qu’un débouché économique (qu’elle ne sera pas),
ou une diversion politique
(inutile puisque Charles X tombe à la fin du même mois),
s’est faîte dans l’esprit
de la catholicité conquérante...
Ce dont nous payons encore les conséquences.
L’aide de camp de Bourmont, d’Ault-Dumesnil, (...) écrit:
«Comme les croisades,
la guerre contre Alger fut une guerre nécessaire et juste,
qu’il est même permis d’appeler sainte. (2)»
On va libérer les Arabes des Turcs,
et ensuite par leur soumission (on ne croit pas trop à leur conversion) [a]
ramener cette grande terre barbare dans le giron de la «civilisation»:
entendez, la chrétieneté. (...)
La plupart des rejetons mâles de ces familles nobles, tous légitimistes qu’ils sont dans leur majorité,
vont accompagner en Algérie les débuts de notre politique coloniale.
La colonisation de l’Algérie, durant ces cent trente années, n’a été qu’une longue guerre, menée durant tout le XIXe siècle par ce qu’on appelait l’ «armée d’Afrique»: y ont servi comme officiers (...)
Procédant à une conquête puis à une pacification brutale, pour laquelle du reste, ils trouveront de dignes successeurs à partir de 1848, parmi les républicains comme Cavaignac. [b]
•
Depuis les années de la conquête
jusqu’à la guerre d’indépendance
l’Algérie est présente
continûment
dans notre histoire.
Et plus que jamais
dans le débat actuel
autour de la question musulmane
en France.
•
La question algérienne
a si profondément divisé
la société française
que celle-ci en garde
une sensibilité exarcerbée,
ombrageuse,
qui se réveille
à la moindre occasion.
•
Un peu après cette «visite» à Bourmont, qui date de janvier 2017,
je la vois revenir sur la scène.
Et réenflammer la France.
L’occasion?
•
Une déclaration de Macron,
alors candidat à la presidentielle.
En visite à Alger,
le 17 février 2017, [c],
il emploie pour qualifier la colonisation
des termes dont il connaît sûrement la charge émotionnelle.[e]
C’est, dit-il,
un «crime contre l’humanité (3)» [d]
•
Une association de pieds-noirs,
le Cercle algérianiste,
porte immédiatement
plainte. [e]
•
L’homme de la Sarthe juge ces propos «indignes d’un candidat à la présidence de la République».
Le FN estime que le candidat Macron «a tiré dans le dos de la France».
En revanche,
Benjamin Stora ne peut qu’en approuver la formulation:
«Quand on parle de l’histoire française, dit-il, on parle des Lumières, de l’aspect glorieux, de la République égalitaire, etc.
Mais très peu des zones d’ombres.» [f]
Du reste, ajoute-t-il,
«les mouvements d’indépendance sont nés de la contradiction entre les principes d’égalité affichés et leur non-application.(4)» (...)
•
Notes en fin de livre de D.S. (Pages 500-501)
(1) Expression empruntée au livre de Henry Rousso, Vichy, un passé qui ne passe pas, Fayard, 1953.
(2) Aide de camp du maréchal de Bourmont, intime d’un de ses fils, dans son
• Dictionnaire historique, géographique et biographique des croisades embrassant la lutte du christianisme et de l’islamisme (1852).
(3) Même s’il n’y a pas de définition généralement admise,
le terme de «crime contre l’humanité» désigne une
«violation délibérée et ignominieuse des droits fondamentaux d’un individu ou d’un groupe d’individus
inspirée par des motifs politiques,
philosophiques,
raciaux
ou religieux».
•
L’expression «crime de lèse-humanité» avait été utilisée en 1794 à propos de l’esclavage des Noirs par un orateur de la Convention.
•
Mais le concept de crime contre l’humanité apparaît pour la première fois dans le droit positif en 1945, dans le statut du tribunal militaire de Nuremberg. [f]
Qui refuse
délibérément
que s’y applique le principe de non-rétroactivité.
(Wikipédia).
(4) Libération, 16 février 2017.
•
L’églantine et le muguet, Danielle Sallenave, Gallimard. 2018
•
Notes, E’M.C.
• [a] Sur ce sujet voir docs. E’M.C. «Les inconvertissables», échec continu aux expéditions [incitations abjuratives] de retournements vénaux des missionnaires-escortes coloniales en Terres de Biens et Barbarie. Cf. Études islamiques -Lyon.
• [b] note différée
• [c] notant quasi similitude de dates, dans la même année au mois près: 17 janvier 17 réveil aux fenêtres de montante vive lune de Danièle Sallenave / 17 février 17 de la descente du candidat Macron Emmanu’el à la drague miraculeuse du poissonneux suffrage «musulmanes» [à l’instar de Hollande]
• [d] Poisseuse dé-parole attrape-mouches, acmé de duplicité du banquier orbité qui fut fait sire, sachant l’effet controversé que ça ferait des deux côtés du Fait, les censés abusés, les censeurs abusant.
La même triste suite félone ne tardant à confirmer la continuité de l’Alg’aérophagie aux mitigations des rencontres.
• [e] Et, pour cause de nost’Algérie heureuse, même tonitruante pour le Film Indigènes! Etc.
• [f] Estompe historique, académique pudicité de l’euphémisation à l’usage des genres, à l’énormité de l’insulte au sens «belge» du terme.
•
Choix, découpages, notes et notes réservées, bibliographie incitative et autre indicative, liens, chapô, E’M.C.