L’ANC: ... Pierre... Peux-tu nous présenter l’événement et ce qui y a conduit..
- Pierre: C’est un peu pour moi une histoire familiale. Mes parents sont des Juifs arrivés (...) en France en 1938. Ils venaient d’un pays qui n’existe plus, la Bessarabie, roumaine a cette époque et partagée aujourd’hui entre Moldavie et Ukraine.
(...) ils ont plongé dans la clandestinité dès le début de l’occupation. Ils étaient dans le MOI (Main d’d’œuvre Immigrée) qui était le bras armé du Parti Communiste. Ma mère Dvoira Vainberg avait milité avec Olga Bancic. Elle a été agent de liaison. (...)
Mon père, Yacov Stambul, était étudiant en chimie et c’est à ce titre qu’il a été recruté par le groupe de résistants qui sera connu sous le nom de groupe «Manouchian». (...) Il y avait le groupe Boczor-Glasz-Stambul. Mon père a participé à des déraillâtes de trains.
C’est la police française, les sinistres Brigades Spéciales, dirigées par l’inspecteur Barrachin qui vont réussir à démanteler le groupe. Une soixantaine de personnes ont été arrêtées le 17 novembre 1943. Seul un petit nombre (Cristina Boico, Boris Holban...) ont échappé à la rafle. Mon père sera torture pendant 21 jours à la prison de Fresnes. Il aura un simulacre d’exécution.
Il sera livré aux Allemands, d’abord transfère à Compiègne-Royallieu, puis à Buchenwald jusqu’à la libération du camp (avril 1945). Il a été sauvé par le fait que les Nazis ne savaient pas que Stambul est un nom juif.
(...) Boczor et Glasz seront fusillés avec Manouchian et ses compagnons le 21 février 1944 au Mont Valérien. Pour les Nazis (c’est la fameuse Affiche rouge), ces résistants étaient «l’armée du crime».
Ils ont été les principaux résistants à Paris fin 1943 et à Aragon et a Léo Ferré qu’on doit le fait que leur lutte exemplaire est aujourd’hui reconnue. Ils étaient italiens, espagnols, arméniens, juifs... tous «métèques» et révolutionnaires et haïs comme tels par les fascistes.
À la fin de sa vie, mon père qui avait rompu avec le communisme, me disait: «On savait que si on ne résistait pas, on était condamné et si on résistait on était aussi condamné. Alors on a résisté.»
Pierre Stambul 20 février 2021 Les plumes de l’UJPF
Choix, découpage, E’M.C.