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Billet de blog 7 mars 2019

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Prisons : l’échec du modèle français.

On ne parle des prisons qu’à l’occasion des incidents impliquant des personnels pénitentiaires. Le récent exemple de Condé-sur-Sarthe, l’une des prisons les plus sécurisées de France montre l’échec du modèle Français. En 2000 il y a presque 20 ans, le Sénat alarmait sur la situation et annonçait déjà une partie des conséquences.

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Édouard Philippe, pour calmer les syndicats de personnels qui sur-réagissent à chaque incident, promet davantage d’atteintes à la dignité de toute la population carcérale ainsi qu’aux familles. Et cela en raison de quelques dizaines d’individus ultra-violents, parfaitement identifiés au sein d’une population qui compte près de 71 000 personnes détenues, dont une grande partie souffre d’affections mentales ou de handicaps physiques liés à des maladies ou à l’âge.

Il y a 20 ans, le Sénat s’alarmait déjà de la déconnexion entre la réalité carcérale et la structure de la population incarcérée et de ses conséquences sur les conditions de détention (voir ici). Rien n’a fondamentalement changé en 20 ans, la situation s’est même aggravée comme l’annonçait déjà le Sénat. Ces conditions dégradées génèrent de la frustration, de la colère, voire de la haine, dont la radicalisation n’est que l’un des aspects les plus démonstratifs.

« La croissance du nombre des condamnés depuis vingt ans s'est parallèlement accompagnée d'un bouleversement de la structure de la population carcérale : les délinquants sexuels, les malades mentaux et les toxicomanes représentent désormais, comme dans les pays étrangers, les trois principales composantes de la population des prisons françaises »

Ces populations étaient caractérisées par le Sénat qui mesurait l’inadaptation du milieu carcéral à ces profils :

  • «Les « pointeurs » : une population pénale paisible, soumise à une double peine

  • Les toxicomanes : une population fragile psychologiquement et très perturbée par le phénomène de manque. Elle est donc très exposée au risque de suicide et très dépendante des autres détenus dans sa quête de stupéfiants.

  • Les " malades mentaux " : près de 30 % de la population carcérale : une telle proportion s'explique principalement par une réforme du code pénal et par une évolution inquiétante de la psychiatrie en France. (en 2019 on est plus près des 40 % de pathologies mentales et plus de 80 % des détenus présentent au minimum un état anxieux généralisé ou une dépression)

Concernant les pathologies mentales, le Sénat dénonçait plus particulièrement la rédaction de l’article 122-1 du code pénal dont le deuxième alinéa est ainsi rédigé " La personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu'elle détermine la peine et en fixe le régime. ". Le Sénat avait constaté que certaines juridictions y ont vu l'opportunité d'appliquer une peine plus lourde. Il parlait même « d’un retour à la prison de l’ancien régime » (sic).

Les personnes âgées et le handicap préoccupait déjà le Sénat, alors qu’en 2000 ils étaient bien moins nombreux qu’aujourd’hui. Le Sénat écrivait : « Non seulement les cellules ne sont pas adaptées, mais l'architecture des prisons n'a pas été conçue pour des personnes invalides. Ainsi, il n'existe pas d'ascenseur et les distances à parcourir pour accéder aux cours de promenades, aux parloirs ou encore aux unités de soins sont souvent importantes.

Par ailleurs, dans les établissements spécialisés pour les personnes dépendantes, ces dernières bénéficient d'un personnel formé qui assure leurs soins. En prison, les détenus dépendants, impotents ou incontinents doivent se débrouiller tous seuls. Souvent, ils ne sortent plus de leurs cellules et leur hygiène peut s'avérer très précaire. ».

Vingt ans plus tard les mêmes constats peuvent être faits, y compris dans les établissements récents.

En octobre 2017 l’APF (Association des Paralysés de France) et Ban Public publiaient un plaidoyer commun sous le titre : « Prison & handicap : non à la double peine ! ». téléchargeable ici en pdf.

Le Sénat précisait l’origine du mal :

  • Echec du système scolaire, tout d'abord.

  • Echec du milieu familial, ensuite.

  • Echec du système économique, enfin.

Qu’avons-nous fait en vingt ans pour changer ce constat ?

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