Ce poème d'une personne détenue dans une maison d'arrêt a été censuré une première fois par la direction de l'établissement. Il a été interdit à la publication dans le journal interne. A l'occasion d'une exposition de tableaux peints par des personnes détenues à la médiathèque de la ville, un acteur, qui avait lu le poème que lui avait transmis l'intervenante en arts plastiques, souhaitais le dire lors du vernissage. Le parquet alerté est intervenu pour "déconseiller fortement" cette lecture. Après avoir tenté de défendre le droit à la création artistique, l'acteur a finalement cédé aux menaces et renoncé à le dire...
Le voici:
Cris, colère, désespoir et folie
Cris ! Dans le désert de béton
La solitude me répond.
Je lance tous mes mots en l’air
Contre des maux que voudraient taire
Ceux qui érigent en tombeaux
La prison grise aux murs trop hauts.
Colère ! Sombre comme le sang
Qui afflue, gronde en bouillonnant
Dans un cœur fier qu’on avili,
Face au maton qui humilie,
Et au ciel par-dessus le toit
Qui me nargue et qui me déçoit.
Désespoir ! Devant le vide
D’un non avenir. Sordide
Destinée et innocence
Bafouée. Et ce silence
Que l’on aimerait m’imposer
Me mine. Menace d’imploser.
Folie ! En guise de refuge
A une vie brisée. Transfuge
Immobile, puis-je rêver ?
Est-ce folie que d’espérer
Qu’un peuple trouve la raison,
Et brise les murs des prisons ?
De ces cris morts dont personne
Ne veut, et qu’on me pardonne,
Je décorerai les tombeaux
Des présidents de tribunaux.
Et j’irai pisser sur leurs os
Pour honorer leurs oripeaux.
J’irai leur dire ma colère,
Quitte à creuser six pieds sous terre.
Ma rage. Mon obstination.
Défendre ma réputation
Brisée par leur incompétence.
Avilissante nonchalance.
Mon désespoir obscur et froid
M’anéantit jusqu’à l’effroi.
Je m’investis dans la parole
Mais je me perds en paraboles,
Vaincu, je plonge dans la nuit
De ma raison qui s’est enfuie.
Mais déjà la folie me guette
Du fond de ma douleur muette,
Où l’ombre froide du trépas
Vient de ses pas fouler mes pas.
Je meurs, mais vous suivrez ma voie
Car l’injustice, c’est la Loi !
Et je vous recommande pour illustrer ce glissement annoncé le témoignage poignant de la mère d'une personne détenue sur le blog de L'OIP