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Billet de blog 10 mai 2018

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Naomi Musenga. Un drame (ordinaire ?) de l'organisation des secours d'urgence

L'organisation des secours d'urgence en France repose sur trois systèmes insuffisamment coordonnés et trop souvent concurrentiels et soumis à des injonctions contradictoires.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les secours médicaux d'urgence en France reposent sur trois piliers: le 15 (SAMU), le 18 (Sapeurs-Pompiers) et Médigarde (médecins généralistes). Il existe de plus dans les villes des services privés de type "SOS médecin" qui fonctionnent sur des bases différentes.

Dans certains département ou secteurs, un rapprochement géographique de ces services s'est organisé : mêmes locaux, possibilité de basculement des appels d'un centre à l'autre. Ce n'est pas le cas partout. Mais même dans cet environnement "favorable", ni les missions des uns et des autres, ni les contraintes organisationnelles et financières ne sont les mêmes.

Le SAMU (centre 15) est par définition le service d'aide médicale urgente. L'organisation repose sur une régulation médicale très formatée. Les appels arrivent sur une plateforme et un(e) PARM (permanencier(e) auxiliaire de régulation médicale) prend l'appel. Aux heures de forte demande, il est possible qu'un message demande à l'appelant de renouveler son appel - ce qui est un problème en soi.

Le  (la) PARM recueille les éléments indispensables à toute intervention (localisation  et accessibilité de la victime, niveau d'urgence ressenti,...). Cette personne lorsqu'elle a de l'expérience est d'une aide capitale pour le médecin régulateur. En effet, dès lors que la demande de secours est reçu et la fiche renseignée, l'appel est placé en liste d'attente qui apparaît sur le poste d'appel du médecin avec le cas échéant un indicateur de priorité. De plus le poste de l'auxiliaire de régulation est le plus souvent juste en face du médecin et lorsque l'appel paraît hautement urgent l'appel peut être passé sans délai au médecin. Il faut toutefois savoir qu'aux heures de pointe le délai entre l'appel reçu par l'auxiliaire de régulation et le contre appel du médecin régulateur peut atteindre 45 minutes, voire davantage si l'appel n'a pas été perçu comme prioritaire par rapport à d'autres.

Le médecin décide alors d'engager les moyens qu'il estime nécessaire, mais la décision est influencée par la quantité et la disponibilité à un instant donné des moyens dont il dispose. Il doit alors arbitrer en fonction des informations reçues. Si ses équipes sont toutes mobilisée, il devra décider entre un délai qui pourra s'avérer fatal ou s'appuyer sur une autre structure (sapeurs pompiers ou Médigarde) dont il ne maîtrise ni les moyens ni la disponibilité au moment où il décide de déléguer. C'est dans ces circonstances qu'un lieu de régulation commun aux trois service prend toute son importance.

Médigarde a été mis en place essentiellement pour des raisons économiques. Depuis toujours, les médecins généralistes étaient organisés en systèmes de garde par secteurs qui fonctionnaient très bien. Les médecins d'un même secteur géographique se réunissaient pour se répartir les nuits, WE et jours fériés. Le médecin de garde ces jours là intervenait sur son secteur habituel auprès de populations qu'il connaissait bien et qui le connaissaient, soit à son cabinet, soit en visite à domicile. A partir des années 90, les appels qualifiées d'"appels de confort" ont augmenté. Le coût induit par ces comportements est apparu excessif pour la Sécurité Sociale. Pour réduire les coûts il a été décidé de réduire l'offre. Certains départements (en particulier de montagne) ont vu leurs secteur réduits drastiquement (des deux tiers). Pour éviter que les médecins de garde, ou les patients ne fassent des dizaines de kilomètres inutile, une régulation des gardes libérales a été crée sous divers statuts au départ... Le médecin régulateur étant en mesure de faire du conseil médical, voire de prescrire certains traitements sans avoir examiné directement le patient. La mission du médecin régulateur libéral étant clairement de limiter les déplacements du médecin de garde sur le secteur ou le déplacement du patient au cabinet de celui-ci pour tout ce qui relève de ce qui est considéré comme "appel de confort".

La régulation médicale est un exercice à haut risque et qui génère un stress élevé. Il nécessite une formation particulière pour les médecins qui l'exercent.

La plateforme d'appel des Sapeurs pompiers (18) est organisée selon les cas avec un répondant sapeur-pompier, assisté ou non d'un infirmier sapeur-pompier et/ou rarement d'un médecin régulateur sapeur-pompier. Dans les centres multiplateformes, lorsque la régulation médicale est nécessaire, l'appel est transféré au médecin du Samu, voire au médecin libéral.

Dans le cas de Naomi, j'ai cru comprendre que l'appel avait été transféré des sapeurs-pompiers vers le Samu, et que l'auxiliaire n'a pas cru bon de transmettre l'appel au médecin du Samu. Elle a demandé à Naomi de rappeler le service de régulation médicale. Si elle avait pu basculer directement l'appel vers le médecin régulateur libéral, peut être que les secours auraient pu être déclenchés plus rapidement.

Je plaide personnellement pour un numéro d'appel médical unique. Et que quel que soit le niveau d'urgence ressenti par l'appelant ou par l'auxiliaire de régulation, une régulation médicale par un médecin formé à l'exercice soit systématique, sans que le patient ait à se soucier de l'organisation des moyens qui seront déclenchés en fonction de son appel. Cela nécessite une réorganisation, des moyens, et l'aplanissement de problèmes d'égos et d'intérêts de la part des responsables des divers moyens de secours existants... Et parce que pour ne pas alourdir et complexifier mon propos, je n'ai rien voulu dire de l’interconnexion avec les ambulanciers privés pour la mobilisation des moyens

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