Il n’y a pratiquement plus aucune décision qui ne soit prise par des magistrats, en particulier ceux en charge de l’application des peines, sans qu’une expertise psychiatrique ne soit ordonnée. A quelle fin ?
On est en droit de se le demander lorsque l’on constate la vigueur avec laquelle ces mêmes magistrats rejettent ces expertises lorsqu’on veut les appliquer à leurs personnes. Le syndicat de la magistrature affirme que « sous une dangereuse apparence de scientificité, ils ne permettent en rien d'améliorer le recrutement des magistrats »(2) et déplore que « les critères retenus par la commission sont les mêmes que ceux utilisés par les experts psychiatres dans le cas d'expertises de criminels » (8). On a envie de leur répondre ; encore heureux !
Ils affirment que « ce n’est pas par défiance de principe à l’égard de toute modification du concours ou pour flatter un corporatisme mal placé que nous appelions de nos vœux la suppression de ces tests mais bien parce qu’ils sont dénués de toute fiabilité et de toute utilité.» (10). Dont acte.
Le secrétaire adjoint de FO Magistrats, Jean de Maillard, ne mâche pas ses mots, pour lui il s’agit d’ « Une vaste fumisterie, l'archétype de la fausse bonne idée », voire « même dangereux puisque cela pouvait véhiculer des stéréotypes. »(2)
Pourtant ce ne sont pas des stéréotypes mais des réalités que le syndicat des jeunes magistrats rapporte : « Les aléas de la vie peuvent conduire à des troubles de la personnalité ou des difficultés relationnelles importantes. L’exigence imposée par le fait de rendre la justice doit être la même en début de carrière comme tout le long. Des solutions efficaces doivent être apportées pour aider les magistrats en difficultés mais des solutions doivent aussi être trouvées pour éviter que des personnalités n’apportant pas toutes les garanties continuent à rendre la justice. » On ne peut qu’être d’accord.
Il confirme que « En cas de pathologie mentale, il parait nécessaire qu’une procédure permette un examen psychiatrique. En cas de troubles de la personnalité ayant des incidences sur l’activité professionnelle, les procédures disciplinaires doivent pouvoir être plus efficaces. »
Mais en dépit de cela il conclut, paradoxalement que «les tests psychologiques et de personnalités sont inefficaces, contre productifs et inutiles » (3)
Ces levées de bouclier apparues dès 2008 lorsqu’il a été décidé de faire passer des tests psychologiques aux futurs magistrats, n’ont eu de cesse jusqu’à obtenir la disparition de ces pratiques en 2017. Disparition saluée par toute la profession (2).
Les magistrats ne voient une utilité aux expertises psychiatriques pour eux-même que lorsqu’elles leur permettent d’éviter de se sanctionner mutuellement. Ils demeurent pratiquement les seuls en France à éviter toute poursuite pour « abolition du discernement » et échapper ainsi à toute sanction en dépit de graves faits avérés (6).
Mais ces magistrats, qui se sont tant battus pour ne pas y être soumis, imposent ces expertises « dénuées de toute fiabilité et de toute utilité » aux justiciables dans le seul but de se prémunir de toute critique, ou dans celui d’étayer des dossiers, par ailleurs vides de preuves, dans lesquels ils veulent toutefois pouvoir condamner.
En Italie, on a proposé de soumettre les magistrats annuellement à une évaluation psychiatrique. Les magistrats Français ont trouvé cette proposition scandaleuse. On se demande quel mal ils trouvent à subir une évaluation qu’ils imposent aux autres ?
Il est certain que l’interdiction définitive d’exercer ses fonctions pour près de trente pour cent des magistrats atteints de troubles graves de la personnalité, comme l’objectivaient les tests à l’ENM, créerait des difficultés dans le fonctionnement de ce que l’on qualifie encore de justice.
Contraindre à l’inactivité temporaire une bonne partie des autres, qui en raison d’« aléas de la vie ont des troubles de la personnalité ou des difficultés relationnelles importantes », achèverait de paralyser le système judiciaire et retirerait toute crédibilité aux magistrats. Ce dont s’inquiétait déjà la Cour de Cassation en 2007 : « Cette approche de la responsabilité met alors en lumière une première difficulté : comment assurer que la mise en cause du juge du fait de son comportement ou de sa décision ne portera pas atteinte à son autorité ou n’émoussera pas sa faculté de trancher ? »(7)
Il semble donc prioritaire pour la cour de cassation que rien ne vienne fragiliser l’autorité du juge.
Ce à quoi d’autres répondent : « C’est sans doute pourquoi le sentiment de toute-puissance de la profession attire certains profils psycho pathologiques : pas de responsabilité de ses actes, pas de conséquences pour des propos malséants tenus (mur des cons), ni pour des prises publiques de position militantes, et de surcroît avec la bénédiction heureuse du pouvoir exécutif. »(8)
Sources :
- http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/08/29/01016-20090829ARTFIG00157-les-futurs-magistrats-soumis-a-des-tests-psychologiques-.php
- https://www.ouest-france.fr/societe/justice/les-futurs-juges-n-auront-plus-passer-de-tests-psychologiques-4981452
- https://www.jeunesmagistrats.fr/v2/Reflexions-sur-les-tests.html
- https://www.francetvinfo.fr/france/dans-les-coulisses-de-l-expertise-psychiatrique_39515.html
- https://www.village-justice.com/articles/expertise-medico-psychologique,19966.html
- http://www.conseil-superieur-magistrature.fr/missions/discipline/p057
- https://www.courdecassation.fr/IMG/File/pdf_2007/publications_2007/responsabilite_juges.pdf
- https://ripostelaique.com/qui-jugera-les-juges-incompetents-ou-militants-video.html
- http://www.syndicat-magistrature.org/IMG/pdf/observations_SM_recrutement.pdf
- http://www.syndicat-magistrature.org/Tests-psychologiques-a-l-entree-de.html