Maison d'arrêt de Bois d'Arcy (78), mi-octobre de cette année, ce détenu, placé en détention provisoire, apprend le décès de son père. Il demande et obtient de la juge d'instruction en charge de son dossier l'accord pour se rendre aux obsèques sous escorte. Les surveillants l'informent, une heure avant la cérémonie, que l'extraction n'aura pas lieu «faute de personnel pour l'escorter». Pourtant les services pénitentiaires avaient largement le temps de s'organiser en amont de cette extraction, et en cas de défaillance de l'administration pénitentiaire et jusque fin 2019 cette mission peut-être assurée par les forces de l'ordre (policiers ou gendarmes). Il semble qu'en l’occurrence, et en dépit des délais pour s'organiser, trois grandes administrations de l’État se soient trouvées dans l'incapacité de se coordonner.
Le cas n'est pas isolé.
Il y a quelques années, Pascal, détenu en maison centrale, obtient de la juge de l'application des peines le droit de se rendre sous escorte aux obsèques de sa mère, à trente minutes par la route de son lieu de détention. L'heure s'avance. Lorsqu'il s’aperçoit qu'il va être en retard à la cérémonie, Pascal frappe à la porte. L'heure du début de la cérémonie est dépassée lorsque l'on répond à ses appels. Quatre surveillants sont devant sa cellule : «Pourquoi tu tapes ?». Pascal explique, ordonnance de la juge en main, qu'il doit être extrait et que s'il ne l'est pas très vite, il arrivera aux obsèques en fin de cérémonie. Le surveillant l'informe alors qu'aucune extraction n'est prévue le concernant. Pascal, s'il entend l'information ne la comprend pas, fort de l'ordonnance qu'il serre dans ses mains, il tente d'avancer vers la coursive :«J'ai l'autorisation de la juge d'aller à l'enterrement de ma mère, il faut m'y emmener maintenant ou je serais en retard» dit-il. L'un des surveillants «avec des gants en cuir noir» me raconte-t-il, comme si ce détail avait marqué symboliquement sa mémoire, le saisit alors brutalement à la gorge et le repousse violemment dans la cellule. Pascal envahi par un sentiment d'injustice et d'incompréhension tente alors, à son tour, de repousser les surveillants et de sortir de sa cellule. Il sera violemment tabassé et conduit au quartier disciplinaire. Puis il sera poursuivi pour violences sur les surveillants et écopera de 600 euros de dommages et intérêt pour chacun des quatre surveillants et d'une année supplémentaire de prison.
Des histoires comme celles-ci, j'en aurais une quinzaine d'autres à rapporter ici. Auxquelles j'ai assisté, que j'ai personnellement vécue, ou que ceux qui les ont subies m'ont rapportées. Mais toutes se ressemblent sur le fond ou la forme et toutes décrivent le seul sens qu'on puisse, in fine, trouver à toute peine de prison : celle de l'inhumanité.
Il conviendrait déjà, dans un premier temps, d'inscrire dans la loi que la participation aux obsèques d'un proche est un droit des personnes détenues, et non pas une possibilité laissée à la bonne (?) volonté des magistrats, administration pénitentiaire et forces de l'ordre ...
Pour info :
Sortie d'un détenu en cas d'obsèques: quelle est la règle de droit ? (SlateFR - Aude Lorriaux — 21 octobre 2015)
Funérailles : un détenu peut-il y assister ? (lassurance.obsèques.fr)
Tout refus d’autoriser une permission de sortir à un détenu pour se rendre aux funérailles d’un proche doit être motivé par des motifs sérieux (Fararapej - Chroniques côté CEDH, format pdf)
Les événements familiaux (dossier OIP)