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Enseignante retraitée, écri-vaine aux heures toujours perdues, mystique matérialiste, utopiste pessimiste, fataliste optimiste...

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Billet de blog 20 mai 2023

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C'est quoi la vérité ?

Des affaires me posent problème car je me fais une opinion, puis me voilà contrainte de m’en défaire. Il me semble que c’est comme ça depuis que je regarde la télévision et lis plus les journaux, car plus je m’informe moins j’en sais. Ou plus j’en sais, plus ça devient désespérant et je n’ai plus d’opinion. Tiens, le chef des Yanomamis a monté les marches au Festival de Cannes. Ça alors.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Première affaire : le massacre des bisons en dehors du parc de Yellowstone par des chasseurs issus de la population locale. Mince alors ! tuerie d’animaux devenus rares, non je n'aime pas. Attaque contre des peuples premiers qui n’existent presque plus, non plus. Très ennuyeux. En fait, du coup, je n’avais pas d’opinion, aucun avis, juste un sentiment de désolation nourri par les images des animaux massacrés, dont les corps jonchaient la neige encore présente. Ils sortent du parc où ils n’ont plus suffisamment de nourriture à cette saison.

Quelques semaines plus tard je regarde un reportage consacré à la sauvegarde du parc naturel de Yellowstone, le plus ancien du monde. L’idée centrale était la réintroduction du loup dans le parc, et ses effets quasi miraculeux sur non seulement la population animale du parc mais aussi sur la régénération de la flore qui s’est ensuivie. Je ne vais pas rapporter l’ensemble du reportage, mais parler de ce qui est dit sur les bisons, qui sont trop nombreux dans le parc, détruisent tout sur leur passage du fait de leur manie de  brouter en permanence et de leur poids massif. Tout cela n’avait pas d’incidence, on peut le supposer, à l’époque où leurs immenses troupeaux migraient à travers tout le territoire et où la végétation avait largement le temps de se régénérer, d’autant que tout n’était pas dévoré jusqu’à la racine. Dans le parc, les loups ne peuvent attaquer que quelques bébés imprudents et des animaux mourants.

Est-ce que les chasseurs poursuivant leur pratique traditionnelle, dès qu’elle est possible, ne rendrait pas service au parc du Yellowstone ? Où est la vérité ? En fait, dans cette affaire je me fais un avis, mais est-il juste ? Pour la sauvegarde du bison, peut-on se contenter de conserver juste quelques centaines de bêtes dans un coin finalement presque paumé, alors qu’elles étaient des millions. Vaste et crucial sujet de réflexion.

Deuxième affaire : Johnny Depp et Amber Heard. J’ai regardé un reportage sur France 5, bien connu, qui relate le procès de Fairfax du point de vue de Amber Heard. J’en suis ressortie avec un sentiment de haine prononcée contre Johnny Depp et les mouvements masculinistes. Je tiens à préciser qu’avant le visionnage de ce documentaire, je n’étais au courant de rien ! Les affaires people ne m’intéressent pas vraiment. Je me suis donc fait une opinion très tranchée, assortie de sentiments forts, sur une affaire qui ne me touchait a priori pas du tout. A posteriori, c’est quand même sidérant, mais ça avait l’odeur et le goût de la vérité.

Dernièrement, il en a été question dans des commentaires à propos de je ne sais plus quel article dans Mediapart. J’ai cité le documentaire, comme beaucoup. D’autres commentateurs ont dit qu’il était bullshit. Ah ! des masculinistes, certainement. Ça m’a quand même trotté dans la tête et je suis finalement allée sur Wiki, considérant que les articles sont souvent bien informés. Là, c’était le genre d’article super répétitif, narrant tout deux ou trois fois, en vue d’argumentation croisée sur plusieurs aspects de l’affaire. J’en suis ressortie avec l’impression qu’il s’agissait en fait d’une affaire totalement privée qui avait été portée sur le devant de la scène et dans laquelle pas mal de gens ont pataugé. Dans la foulée j’ai lu quelques articles un peu anciens qui m’ont confortée dans cette nouvelle opinion. Ils se sont bien maltraités tous les deux et JD était bien alcoolique et souvent drogué. Well. Ça me regarde toujours aussi peu, que fais-je là ? Merci aux commentateurs non main stream qui m’ont partiellement incitée à m’informer plus. Partiellement, car l’autre motivation était issue de la présence de JD dans le premier film présenté au Festival de Cannes. Là-dessus, je n’ai encore aucune opinion ! Faudrait peut-être voir le film, mais j’en ai une envie moyenne. J’aurais préféré qu’on parle des dernières créations de Woody Allen et de Polanski qui, eux, sont de vrais grands cinéastes et dont il est devenu impossible de voir un film, même (et surtout, peut-être) sur Netflix. Quelle est la vérité du festival ? Elle est politique, soit, mais quelle politique ? A une époque, en tous cas, on n’aurait pas jeté le peintre de Guernica aux orties. Mais bon, à chaque époque sa vérité. C’est bien ça ?

Troisième affaire : mais c’est laquelle, bon sang, je ne me rappelle plus. Clairement, je ne voulais pas parler de la guerre en Ukraine, c’est un sujet trop sensible sur lequel je ne me fais pas tellement d’opinion car c’est un sacré gâchis, et j’aimerais juste que les livraisons d’armes cessent pour que cesse la guerre. J’ai déjà écrit un billet à ce sujet. Non, la troisième affaire, c’est le Yémen. Voilà un endroit désolé dans le monde, que je ne voyais que comme des ruines, des bouts de désert, des campements peuplés d’enfants subissant la famine. Grâce à des bribes de culture économiques acquises de gré ou de force, j’ai bien compris que ces gens-là possédaient (enfin, si on veut) quelque chose que voulaient tous les autres. Du pétrole apparemment, oh surprise. Et je découvre un article dont le sujet est : pétrole vs coraux. Oh surprise. En fait le Yémen, qu’on l’accepte ou non, est situé dans une région du monde très belle, au bord d’une mer magnifique dans laquelle il devrait faire bon patauger, à moins qu’il n’y ait des requins (possible, ça, non ?). En tous cas, il y a des coraux en grand danger à cause du pétrole.  Les habitants doivent construire des barques typiques et on pourrait ériger un complexe hôtelier classieux à la place de l’extraction du pétrole.  Changement d’image, non ? Enfin, le complexe hôtelier, ce n’est pas obligé, c’est sûrement mieux sans, en fait. Mais c’est pour faire image. C’est quoi, le Yémen ? On en entend parler depuis presque une décennie, c’est une tragédie, ça oui, mais en fait qu’est-ce qu’on sait ? Que c’est un désastre ? La seule opinion qu’on peut avoir est que les désastres ne devraient pas avoir lieu. On ne sait plus à qui on peut envoyer un peu d’argent pour dire qu’on est solidaire, tellement il y en a. Pour dire qu’on soutient, dans une misère totale, des réfugiés à cause des désastres, quelques-uns climatiques, mais pour la plupart entièrement dus à des tarés.

En fait, je ne voulais pas, en commençant cet article, aller jusque-là. Souvent, quand on commence à parler, on ne sait pas sur quel fond désespéré se situe le problème. J’étais simplement déroutée par l’information, mais le fond de l’information est bien le sujet même de l’information, qui n’est pas si souvent abordé par l’information. Bisons et peuples premiers dans le monde nouveau, où ni les uns ni les autres n’ont de place. Une crise de couple mondialisée par les media et les réseaux sociaux. Des guerres, sur lesquelles plein de gens ont des opinions émises, et des actions, qui sont meurtrières. Ce qu’on appelle le caractère performatif du langage.

Comme tous les vieux, apparemment, je vis dans un monde auquel je ne comprends plus rien. Des filtres doivent avoir sauté.

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