Je me souviens de Nevache. C’est un village près de Briançon, auquel on accède par une mini-route pour 4L et 203, je pense au modèle camionnette, gris. Le nom se situe entre « névé » et « vache », ça fait rêver. J’y étais avec Sarah, enfin non, nous étions à Sestriere, station des riches Turinois. Nous nous sommes beaucoup promenées. Elle avait 14 ans. Sarah ne pouvait pas beaucoup marcher, elle sortait de la greffe et de deux années d’enfermement. Alors vive la voiture et les pas lents. Je voulais lui montrer la Terre, qu’elle avait oubliée, ou qui l’avait oubliée. Elle a été inapprochable, puis s’est laissé tenter. Sur la route du retour elle était apprivoisée. Nous sommes montées au plus haut village de France, Saint-Véran, il y avait un marché d’artisanat. Une jeune femme confectionnait des vêtements si magnifiques qu’on ne pouvait les trouver, à coup sûr, qu’à une telle altitude habitée. Je me suis exclamée : Ma chérie, regarde comme c’est beau ! Plus loin, dans un restaurant, elle a demandé une assiette de crudités, à ma stupéfaction. Après l’attente de la préparation, la patronne a apporté le résultat de son application (pas un logiciel : son travail minutieux). C’était une splendeur ! Encore une fois, j’ai explosé d’émerveillement : Oh ma chérie ! c’est magnifique ! La dame en a rosi de confusion et de plaisir, Sarah aussi, qui a savouré chaque bouchée, chaque brin. La dame nous a expliqué que tout venait de leur jardin, et était cueilli pour chaque assiette. Ma fille était baignée dans l’amour, elle était posée dans un nuage et tout son être le reflétait. On aurait dit une peinture italienne.
Comment imaginer qu’un jour ça la quitterait et qu’elle quitterait la vie, dans quel ordre ?
Ah oui. Je parlais de Nevache, car c’est le pays d’Emilie Carles, le pays des herbes sauvages, qu’on peut mettre dans sa soupe.