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Billet de blog 27 novembre 2021

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La solitude du dragueur lourd...

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La solitude du dragueur lourd…

Comme je suis toujours avide de conseils judicieux à donner aux jeunes générations, juste après l’émission d’Envoyé spécial consacrée aux tribulations de Nicola Hulot en Corse, à Paris, à Moscou, dans des lieux divers et dans un certain nombre de véhicules motorisés (mais sans le parachute, les bouteilles de plongée et la cohorte d’hélicoptères du temps d’Ushuaia), j’ai eu la curiosité d’aller voir ce que donnaient les commentaires sur les réseaux sociaux, pas longtemps, mais suffisamment pour mon édification. Et je n’ai pas été déçue.

– Alors, le gars, il essaye, elle dit non, finalement il n’insiste pas et elle trouve que c’est une agression sexuelle ? Ben alors, elle aurait pu porter plainte parce qu’il lui aurait frôlé le poignet sans le faire exprès, aussi ?
– Ah, ah, MDR.

Ben oui, et d’ailleurs, on l’avait déjà dit au moment de l’affaire DSK, il n’y avait même pas mort d’homme et il était détendu en sortant de l’ascenseur. En plus de ça, un succès, ce gars-là, un pouvoir de séduction… Comme pour Baupin, parfois un peu lourd, certes, mais on ne dira jamais assez combien la drague lourde est un grand bonheur pour celles qui en sont l’objet. Surtout quand tu es très jeune et que tous ces hommes d’âge mûr te font l’insigne honneur de s’intéresser à toi. Et inutile d’aller raconter que tu étais tétanisée, personne ne te croira : il y en a cinquante qui attendent derrière la porte, parce qu’elles en rêvent ! C’est ça, la vérité, on en rêve toutes, de se faire embrasser par surprise et sans sommation par un vieux type célèbre… Il suffit d’aller visionner tout ce que la terre compte de films pornos pour savoir que c’est la vraie vérité. Après, on y repense parfois pendant des années mais c’est juste parce qu’on est des hystériques, fragiles du cerveau, exactement comme au dix-neuvième siècle.

Je suis donc allée trouver ma nièce, toute jolie, toute mignonne, à peine dix-huit ans et qui voudrait faire un stage dans la communication. Un peu frêle, un peu fluette, à mon avis. Timide, quoi.

– En tous les cas, n’oublie pas, Amélie, si ton directeur de stage ou ton patron essaye de t’embrasser par surprise, pareil s’il entreprend de te faire tâter son bazar, tu dis non et tu lui défonces la gueule. Sinon, ce sera du consentement et tu ne viendras pas te plaindre quarante ans plus tard. Tu l’auras bien mérité.
– Oui, Tatan. Mais, euh, ça se fait souvent, ce genre de trucs ?
– Quoi ?
– Ben, ce que tu dis.
– Qu’un type que tu connais à peine t’embrasse pour savoir si tu es d’accord ou qu’il te propose une fellation pour savoir si ça te plaît ?
– Par exemple.
– Oui tout à fait, mais l’important est de bien montrer tout de suite que tu n’es pas d’accord et je reconnais que ça demande un peu d’expérience. Par exemple, s’il essaye de t’embrasser, c’est de la drague lourde, mais s’il entreprend de te mettre son bingala entre les pattes, c’est de la drague lourde vraiment lourde. Peut-être même une agression sexuelle mais tant que les tribunaux ne se seront pas prononcés, et dans le respect de la présomption d’innocence, on ne le saura jamais. En revanche, s’il s’efface en sortant de l‘ascenseur tout en te frôlant les fesses, c’est juste de la galanterie à la française.
– Alors je fais comment, pour savoir si je lui défonce la gueule tout de suite ? Si c’est d’abord de la galanterie à la française, ensuite de la drague lourde et enfin de la drague lourde vraiment lourde ? Et, en plus, si c’est mon patron, ça ne va pas être bon pour ma note de stage ?
– Faudrait déjà que tu y arrives, ma chérie, à lui défoncer la gueule. En tous les cas, je t’aurai prévenue. Dans le doute, tu peux toujours essayer la tarte, la gifle ou la crise de nerf.
– Mais qu’est-ce qui va lui arriver, après, au dragueur lourd ?
– Cela dépend de son degré de notoriété. S’il a encore des supers-pouvoirs, qu’il est bien entouré, bien introduit dans les milieux qui comptent, comme le conseil des ministres, il ne se passera rien et tu seras virée. S’il est déjà en voie de relégation et qu’il ne compte plus tant que ça, il est foutu et il viendra pleurer dans les médias, pour dire que la drague lourde ça permettait de belles rencontres sans lendemain dont il garde un souvenir approximatif, qu’il est anéanti, que sa famille, que l’œuvre de sa vie, et personne ne le croira.
– Comme moi au départ, alors ?
– Oui, tout à fait.
– Le pauvre !
– Comment ça, le pauvre, bon débarras, tu veux dire ?
– Non, mais, quand même, le tribunal médiatique…
– Le tribunal médiatique, il a bon dos, parce que tous ces gens-là ont bien construit leur notoriété à travers le cirque médiatique, sans rechigner, et qu’à ce moment-là, ça ne leur posait aucun problème, la médiatisation. Alors la solitude du dragueur lourd au moment où le boomerang lui revient dans la figure, je crois que je n’en ai vraiment rien à cirer.

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