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Billet de blog 10 mai 2022

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Le récit de la sécurité sociale est faux ! par Bernard Friot

Le récit de la sécurité sociale est celui d'une institution née en 1945 sous l'impulsion du CNR. L'affaiblissement du patronat et le contexte fordiste auraient permis la mise en place d'une institution de solidarité par un partage de la valeur ajoutée plus favorable aux travailleurs, etc. Bernard Friot récuse ce récit...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans ses derniers travaux, Bernard Friot a déconstruit le récit actuel de la sécurité sociale. "Tout ceci est faux !" nous explique-t-il, "en 1946, tout était déjà là !".

La vidéo ci-dessous, Bernard Friot explicite cette déconstruction en répondant à la question de la responsabilité de la recherche dans le récit de notre histoire sociale. Lors de cette conférence, Bernard Friot en profite au passage pour redéfinir les concepts de retraite, de travail et de salaire et pour mettre en lumière la différence entre "retraite capitaliste" versus "retraite communiste", "salaire capitaliste" versus "salaire communiste", ... en insistant donc sur l'importance du prédicat "capitaliste" / "communiste". Il effectue ainsi une tache essentielle qui lui incombe en tant que chercheur : offrir une analyse critique tout en ouvrant le champ des possibles et en proposant des alternatives, voire de nouveaux imaginaires.
Bernard Friot en profite aussi pour "blâmer" le positionnement et l'attitude de chercheurs via une autocritique quelque peu sévère...

Résumé : Le récit de la sécurité sociale est celui d'une institution née en 1945 sous l'impulsion du Conseil national de la Résistance. Face à un patronat affaibli par la collaboration et dans le contexte d'un capitalisme en phase fordiste, il a été possible de mettre en place une institution de solidarité par un partage de la valeur ajoutée plus favorable aux travailleurs. Depuis, la financiarisation globalisée du capital a fourni à ce dernier les capacités de mettre en cause ce compromis. Récuser ce récit qui, en mettant l'accent sur le partage de la valeur et la solidarité, fait l'impasse sur la mutation des rapports capitalistes de production qui s'initie alors, suppose la mise en évidence d'un acteur révolutionnaire et de lieux et objets insoupçonnés de la confrontation. Une telle mise en évidence n'est possible que si la recherche critique s'affranchit de la lecture du capitalisme comme système de domination. A la suite de Marx qui nous aide à historiciser toutes nos catégories analytiques, il s'agit de mettre en évidence, à partir du terrain du régime général de sécurité sociale, comment le travail, la valeur, le salaire et la monnaie sont non pas des institutions ahistoriques de la domination mais les lieux fondateurs de la possible sortie du capitalisme.

Cette conférence reprend en particulier des éléments publiés dans son dernier livre "En travail. Conversation sur le communisme" qu'il a écrit avec Frédéric Lordon (publié chez La Dispute en 2021).

Récit de notre histoire sociale, sécurité sociale et responsabilité de la recherche © Bernard Friot

Bio : Bernard Friot est professeur émérite à l’Université Paris Nanterre, est économiste et sociologue du travail. Ses travaux portent sur la sécurité sociale et plus généralement sur les institutions du salariat nées au 20ème siècle en Europe continentale. Chercheur à l’IDHES, il y est membre de l’Institut européen du salariat (www.ies-salariat.org). Adhérent à la FSU et au PCF, il participe à deux associations d’éducation populaire politique : Réseau Salariat (www.reseau-salariat.info) où il co-organise un séminaire mensuel à la Bourse du Travail de Paris, et L’Ardeur (www.ardeur.net) avec laquelle il donne deux conférences gesticulées : Oui à la révolution communiste du travail et Je veux décider du travail jusqu’à ma mort.

Ces dernières années, Bernard Friot a aussi publié

  • à La Dispute (Paris) Le travail, enjeu des retraites (2019), Vaincre Macron (2017), Emanciper le travail, entretiens avec Patrick Zech (2014, édition revue en 2015), L’enjeu du salaire (2012), Puissances du salariat (2012, nouvelle édition augmentée, première édition 1998, édition de poche en Points Essais aux éditions du Seuil, 2021) ;
  • à l’Atelier de création libertaire (Lyon), avec Denis Baba, Abolir la dette : travailler sans crédit (2020) et un débat avec Anselm Jappe : Après l’économie de marché ? Une controverse (2014) ;
  • chez PIE-Peter Lang (Bruxelles), avec Bernadette Clasquin, The Wage under Attack : Employment Policies in Europe (2013) ;
  • aux éditions Textuel (Paris), avec Judith Bernard, Un désir de communisme (2020).

PS. : Cette vidéo est extraite d'un cycle de conférences que j'organise avec des collègues (cycle "Comprendre et Agir" organisé par l'équipe de recherche STEEP). Je pense que ces vidéos (peu visibles) de "vulgarisation" de travaux scientifiques pourraient intéresser un public très large dont,  entres autres, les lecteurs du "Club". Je vous partage cette vidéo ici à titre personnel et non via ma casquette institutionnelle.

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