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Billet de blog 29 juin 2015

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Grèce : on remet l'heureux couvert !

Je remets ici en ligne cet article daté du 1er novembre 2011, on comprendra pourquoi, ayant remplacé quelques patronymes par d'autres...

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Je remets ici en ligne cet article daté du 1er novembre 2011, on comprendra pourquoi, ayant remplacé quelques patronymes par d'autres...


PAPANDREOU, L'ENFANT PRODIGUE

01 NOVEMBRE 2011 |  PAR EMMANUEL TUGNY

Patatras! Voilà qu'un de ces «caprices d'enfant» chers à Michel Audiard met à bas un dispositif adulte.

Voilà que le laborieux tour de table, que la pénible macération de la voiture de masques incarnant la responsabilité, la gravité de la raison (celle qui sait rire avec la morgue du sage, face aux micros, de la déraison que le rire définit en creux) se voit rompre en visière par un enfantillage.

Voilà que le succès de la politique, de cette politique inféodée au beau tropisme de réaction, de cette politique dont la dignité est de tirer des conséquences, de modérer, de concilier, de baigner dans le jus aride des dossiers proposés par l'objective objectivité des situations se voit contester contre toute attente par un "dehors" irresponsable.

Angela Merkel, Nicolas Sarkozy, Jean-Claude Trichet avaient évité le pire: ils avaient concédé à la Grèce de persévérer dans l'emprunt sous condition de sérieux gestionnaire.Ils avaient obtenu des banques qu'elles participassent à la formation continue d'un état banquier.Ils avaient convoqué la Grèce à la poursuite de l'adhésion à une logique dont la nature irréfragable ressortit pour eux non plus à l'économie qui est la définition relative et partant possiblement démocratique de la manutention du foyer politique mais à l'ontologie, à ce qui est.

Il avaient permis à la Grèce non pas de prospérer dans la tenue de la maison Polis mais de continuer à être dans l'être puisqu'aussi bien l'être de la politique est en eux la gestion mesurée de la dépense, l'observation obsessionnelle des flux monétaires, le déni de l'ailleurs du dispositif monétariste.Ils avaient appris à la Grèce de rêver à l'Arcadie d'un remboursement possible, de nouveaux emprunts, d'un pacte enfin renouvelé avec ce qui est et avec son peuple.

D'un pacte de souffrance?

D'un pacte de souffrance, certes, mais d'un pacte de reconnaissance comme essentielle, comme fatale, d'une souffrance dont la téléologie certaine quoique lointaine est le jouir, le gaudeamus consumériste...

L'Euro fort était sauvé, l'économie d'expansion fondée sur la castration des entreprises non solvables (éducation, culture, santé...), sur la foi en un salut par la création de la valeur ajoutée monétaire, pouvait envisager de ne pas mourir de soi même (comme si un être courait ce risque...). L'Histoire pouvait continuer d`être morte...

Le sérieux de celui qui voit, la gravité de celui qui reconnaît le réel avaient prévalu.Tout juste fallait-il que le réel s'ìmposât davantage encore à celui qui en souffre comme d'une nécessité.Tout juste fallait-il que celui qui souffre reconnût, sous le dispositif, le réel.Tout juste fallait-il que l'enfant fût châtié de son aveuglement ; de cet indigne aveuglement indigné d'enfant qui, le conduisant à s'interroger sur la nature véritablement ontologique de ce dont il souffre, l'incitait à y voir la relativité d'un dispositif, la fragilité d'un agencement, à faire la démonstration par l'absurde de la nature politiquement optionnelle de ce qui lui était présenté comme le réel en minant du dedans l'oikonomía.

En terre de sophisme, on est par trop enclin à considérer le réel comme le produit d'un choix charismatique.

En terre de sophisme, on est trop enclin à poser la vérité politique comme un coup de dés abolissant dialectiquement et provisoirement le hasard.La vérité politique est, point n'est besoin d'ìnterroger qui la reçoit comme être dans l'incarnation quotidienne du châtiment.Il ne s'agissait pas, enfant mauvais, fol enfant, de voter, mais de reconnaître !Le sage politique contemporain ne cherche pas, il trouve.Il ne construit pas le sort de son peuple, il le reçoit de l'ordre des choses...

Patatras !

Voilà que l'ingrat Georges Papandréou commet l'irréparable : il demande à son peuple de voter pour l'adhésion ou non au réel...

Voilà que l'ìnfantile premier ministre grec fait dépendre du suffrage démocratique de ses administrés étranglés la reconnaissance de ce qui est.Non pas de ce qui est en l'actuel mais bien de ce qui est, l'Histoire ayant délivré son verdict. L'opinion va être appelée à reconnaître ou pas ce qui est...Le corps politique va se voir autorisé à prendre barre sur la politique... La cité va se voir doter du pouvoir de trancher entre assomption du vrai et dévotion au faux.L'être et le non-être vont se voir mis en un état d`équivalence odieux au motif que le fatum politique fait souffrir ses brebis...

Ses moutons.

Il ne s'agit plus, alors, de chausser le masque du rieur face à la farcesque impuissance berlusconienne mais de chausser le masque tragique de celui qui voit l'être politique réduit à ce qu'ìl ne saurait être : le produit d'une volonté populaire de vivre heureux ensemble.George Papandréou a commis l'irréparable : il a défini le politique comme ce qu‘il est, c'est à dire rien qui ne soit le produit d'une volonté populaire de vivre heureux ensemble définissant des agencements toujours relatifs puisque toujours soumis à leur contestation dialectique par des agencements alternatifs.

Georges Papandréou est un enfant prodigue, un Orphée revenu des enfers du dogme, de l'ontologie fausse, de l'humilation du fait et de l'Histoire démocratiques.

On l'embrasserait!

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