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Billet de blog 27 avril 2024

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Mon entretien avec Agbéyomé Kodjo, peu avant sa disparition.

Je vous propose ci-dessous un résumé, question par question, de l'entretien qu'Agbéyomé Kodjo m'a donné au téléphone le jeudi 29 février 2024. Cet entretien fait suite à un premier que nous avions eu ensemble en octobre 2021.

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Agbéyomé Kodjo était un opposant politique et ancien Premier ministre togolais. Il a aussi été Ministre de l'Intérieur et présidé l'Assemblée Nationale togolaise, du temps du père de l'actuel dictateur. Il a selon, toute vraisemblance tant le régime est corrompu et haï, remporté le dernier scrutin présidentiel de février 2020. Il est mort le week-end suivant notre discussion.

D'abord, laissez moi dire un mot sur l'actualité du Togo, en cette fin avril 2024. Je publie ce texte à la veille d'élections législatives et régionales togolaises, plusieurs fois repoussées. Ce sont les premières élections régionales qui se tiennent dans le pays. Elles vont permettre de constituer un Sénat. Au-delà de cette innovation, toute l'architecture des institutions est en train d'évoluer profondément. La nouvelle Assemblée Nationale élira le prochain président du Conseil, qui sera le chef de l'exécutif. Le chef de l'Etat reste le président de la République, mais son rôle sera secondaire (comme en Italie ou dans la France des III et IVe République). D'ailleurs, il ne pourra faire qu'un mandat. La nouvelle Constitution qui implémente ces modifications en apparence fondamentales, a été votée précipitemment par des députés dont le mandat avait expiré. L'opposition subodore que le dictateur Faure Gnassingbé, président de la République depuis qu'il a succédé illégalement à son père en 2005 (lui-même arrivé par la force en 1967), se fera élire indéfiniment comme Président du Conseil par la prochaine Assemblée Nationale. Aucune élection transparente ne s'est jamais tenue au Togo, indépendant de la France, sur le papier du moins, depuis 1960.

Sauf citations signalées par des guillemets, les paragraphes ci-dessous se veulent un résumé des propos tenus par mon interlocuteur. J'ai ajouté, entre parenthèses, de rares commentaires. J'ai supprimé quelques propos, dans un souci de faciliter la lecture.

L'entretien audio est disponible en intégralité (1 heure et 46 minutes) sur Youtube.

Ma première question concerne l'enquête sur le viol de sa fille à Lomé, en 2023. Agbéyomé Kodjo m'indiquait qu'après avoir subi ce crime l'an dernier, sa fille a quitté le Togo pour les Etats-Unis. Comme elle est aussi de nationalité étatsunienne, l'ambassade des USA était intervenue dans l'enquête. La police avait présenté à la victime des profils d'hommes, dont aucun n'a été reconnue par elle (pourtant, et j'aurais dû rebondir là-dessus, la police togolaise dit avoir mis la main sur au moins un des violeurs. Un dénommé Alphonse BB qui serait de nationalité ivoirienne.).

Je reviens ensuite sur l'évolution de la situation au Togo : la cause togolaise a t-elle progressé depuis la dernière fois où nous nous sommes parlés ? Kodjo ne voyait aucun progrès. Il est revenu sur le décès, début janvier de Monseigneur Kpodzro, archevêque émérite de Lomé. Mort à 93 ans en exil en Suède, où une enquête a été ouverté pour meurtre, des soupçons pesant sur l'entourage togolais qui l'assistait.

Ensuite, Agbéyomé Kodjo déroule assez longuement son argumentaire, pointant notamment les conditions de son exil et la place centrale de la France dans le maintien de la dictature.

Kodjo vivait depuis 2020 dans la clandestinité au Ghana (sa mort a révélé son pays d'accueil, qu'il cachait), dans la brousse disait-il, loin de toute aménité.

« Je ne peux même pas voir un infirmier à mon âge. »

« Je suis profondément déçu du comportement d'Emmanuel Macron, qui connaissait très bien la situation. ».

« La France devrait permettre que l'alternance s'installe. »

Kodjo rappelait les fausses lettres de félicitations que Gnassingbé a brandi, notant que celle de l'Allemagne, par exemple, ne portait pas le cachet de la RFA, avec l'aigle allemand. Celle de la France avait été dénoncée à l'Assemblée Nationale par Sébastien Nadot, ancien député macroniste passé à l'opposition. Kodjo dénoncait l'utilisation de l'influence de RFI (Radio France Internationale), très écoutée, dans l'annonce de la fausse reconnaissance de la réélection de Gnassingbé par l'Elysée. Enfin, Kodjo regrettait que Macron ait reçu Gnassingbé, treize mois après le scrutin, permettant au dictateur de redevenir fréquentable au niveau mondial. Kodjo disait que l'ambassadeur d'Allemagne avait reconnu la défaite de Gnassingbé. Quant à l'ambassadeur américain, il aurait été menacé dans son bureau par des émissaires de Gnassingbé. (C'est, à vrai dire, ce qui m'a le plus étonné dans cet entretien.)

« L'Allemagne, si elle avait le primat, aurait imposé la victoire du peuple togolais. »

« Vous savez très bien que celui qui donne le la, c'est la France, à cause de leur victoire lors de la Première Guerre mondiale. » (le Togo, colonie allemande, est revenue à la France en 1918, sous forme de mandat de la SDN).

« Emmanuel Macron a confié à Koffi Yamgane que personne n'a reconnu Faure. »

« Les chancelleries occidentales à Lomé sont complices. »

« La France me fait honte. »

Kodjo est également revenu sur les trois condamnations de Gnassingbé à la Cour de Justice de la CEDEAO, restées sans effets. Il se plaignait de son isolement médiatique : « Ils m'ont blacklisté sur l'ensemble des chaînes. ». Ce silence médiatique (dans l'écosystème français) avait cependant été brisé en novembre 2023 grâce à l'entretien donné à Denise Epoté dans Et si vous me disiez toute la vérité. Kodjo nous indiquait qu'après cette émission sur TV5 Monde, certains de ses proches sont allés voir Antonio Guterres pour lui montrer l'émission et lui demander d'intervenir. Mais le secrétaire général des Nations Unies aurait répondu que c'était trop compliqué de revenir sur ce scrutin qui avait été validé par la communauté internationale.

« C'est pas la France de René Cassin, de Badinter, de Mitterrand, de Chirac, de De Gaulle... Ce n'est pas cette France là que nous avons aimé. »

« Il faut mieux fermer l'ambassade de France au Togo. »

« C'est de la mauvaise foi, ou c'est de l'incompétence, ou c'est le manque de connaissance de l'histoire. Vous n'avez plus de diplomates chevronnés qui connaissent les dossiers au Quai d'Orsay. Des gens comme Laurent Bigot auraient dit 'non ne faites pas comme ça.' »

« Emmanuel Macron, je le hais. Il est irresponsable et malhonnête. »

« Je ne demande pas à la France de m'aider, je demande la justice pour mon peuple. »

« Je ne peux plus avoir une posture diplomatique avec la France officielle. »

« Que quelqu'un utilise de faux messages de félicitations, utilise RFI, pour berner la population, et

« Macron, j'ai pitié pour lui. Il n'est pas différent du comportement de Foccart et des autres.»

« Si demain il y a un mouvement de colère, les gens vont s'attaquer à l'Ambassade de France. »

« Macron a pris combien ? Les Togolais le maudissent, pour ne pas dire les Africains. »

« On nomme des valets, des préfets qui sont au service de la France. »

Agbéyomé Kodjo a évoqué des "sacrifices humains", faisant référence aux incendits de marchés à répétition, qui ont défrayé la chronique et qu'il attribuait au pouvoir.

Kodjo dénonçait aussi le manque de courage du général béninois Francis Béhanzin, commissaire au département Politique, paix et sécurité de la commission de la Cédéao. Il aurait reconnu la défaite de Faure Gnassingbé sans rien faire contre la reconnaissance de sa reconduction.

J'ai interrogé ensuite mon interlocuteur sur les origines de la DMP (Dynamique de la Majorité du Peuple, qui participe aux élections régionales et législatives à venir... et l'origine de son différend avec la DMK (Dynamique Monseigneur Kpodzro, coalition née pendant la présidentielle 2020, qui prône le boycott du futur scrutin).

Kodjo disait ne pas vouloir transiger. Il était le président élu en 2020. Il disait qu'il avait refusé les propositions d'argent et de partage du pouvoir : on lui avait proposé le poste de Premier ministre et un pactole de 15 millions d'euros.

Kodjo disait que Mgr Kpodzro non plus ne voulait pas suivre Kafui Adjamagbo-Johnson, leader de la DMP. Kodjo regrettait la cassure advenue en avril 2023, quand d'anciens de la DMK ont fondé la DMP pour aller aux élections.

Au-delà, Kodjo dénonçait la faillite des institutions : l'expiration du mandat de l'Assemblée Nationale en décembre 2023 n'autorisait pas les députés et ministres à poursuivre leur politique comme si de rien n'était. De même, les membres de la CENI (commission électorale) auraient dû quitter leurs postes depuis un an. Ensuite, le Conseil Constitutionnel n'était plus constitué que de 4 personnes.

Kodjo fit ensuite un détour par l'histoire pour, si j'ai bien compris, illustrer comment une transition pourrait s'opérer par la négociation. Il est revenu sur l'année 1992, quand la Constitution de la IVe République entrait en vigueur. L'ancien chef d'Etat,  ancien tirailleur colonial, avait dû céder partiellement et momentanément une partie du pouvoir. Il avait imposé un gouvernement mixte paritaire, avec 50% du gouvernement au RPT (ancien parti-Etat) et 50% à l'opposition, pour une transition qui devait durer un an selon la Conférence nationale. Kodjo appelait de ses voeux des Assises.

J'ai posé ensuite une question portant sur les liens entretenus avec l'ambassade de France à Lomé, en citant un article de presse disant que la DMK avait fait pression sur l'ambassade pour qu'elle demande à Faure Gnassingbé de laisser la manifestation se dérouler. Le moyen de pression était la menace de prendre l'ambassade pour cible en cas de blocage.

Kodjo a reconnu les interactions avec l'ambassade. Il a tenu à rappeler que ses avocats français sont allés à l'ambassade chercher (en vain) la trace de la lettre de félicitation que l'Elysée aurait adressé en 2020 au président proclamé réélu.

Kodjo a ensuite admis la stratégie de la DMK de faire pression sur l'ambassade de France. Celle-ci, en cas de troubles, deviendrait une cible, et pourrait être amenée à fermer. L'ambassade serait donc intervenue auprès de l'exécutif pour laisser le meeting se tenir, bien que des forces antiémeutes étaient présentes pour dissuader les curieux ou les timorés.

J'ai demandé à Agbéyomé Kodjo ce qu'il ferait en cas d'union des candidats de l'opposition.

Dans un tel cas de figure, Kodjo nous a dit qu'il appellerait à voter pour l'opposition. Il dit que "le Togolais sait s'unir et se dresser".

J'ai ensuite cherché à connaître le point de vue de l'ex Premeir Ministre sur le processus de décentralisation, soutenu par l'UE.

Kodjo nous a rappelé que les élections régionales vont déboucher sur un Sénat. Pour lui, cette nouvelle chambre est superflue. D'ailleurs, le Sénégal a supprimé le Sénat, jugé budgétivore. "Nous n'avons pas besoin de Sénat."

Kodjo nous a dit avoir fait parti de ceux ayant appelé à la décentralisation. Il avait même animé des séminaires à la demande du gouvernement. Cependant, il estimait que le temps n'était pas encore venu d'aller plus loin. "Les communes n'ont pas expérimenté tout le potentiel sur la décentralisation."

Kodjo jugeait que le Togo n'avait pas encore tiré les leçons de l'expérience de la décentralisation. Il faudrait au moins 10 ans pour juger de l'expérience communale. Les élections régionales étaient pour lui une instrumentalisation du régime pour plaire à la communauté internationale.

J'ai voulu connaître l'avis d'Agbéyomé Kodjo sur les soucis entourant les élections : CENI, caution, carte électorale.

Kodjo nous a dit que le fichier électoral était caduc, car il n'intégrait pas les Togolais ayant atteint la majorité depuis le dernier scrutin. Il dénoncait aussi le nouveau découpage des circonscriptions, qui perpétue la sureprésentation des régions du Nord. Quant à la région maritime, elle est sous-représentée. Ce système permet à des députés d'être élus avec 15 fois moins de voix que d'autres.

"le découpage est fait en faveur d'UNIR, le parti de Faure Gnassingbé"

Le montant de la caution était initialement établie à 500 000 FCFA, puis après contestation de ce montant jugé élevé par l'opposition, à 300 000 FCFA. Kodjo y voyait un lien avec la dépendance du régime aux bailleurs de fonds et aux marchés financiers.

"La Cedeao est contrôlée par la France, elle est instrumentalisée par la France."

"Je suis profondément déçu de la nouvelle équipe française, je le dis pour ceux qui ne comprennent pas : le coeur de la politique au Togo est en France"

J'ai posé une question sur le remaniement qui venait d'avoir lieu au sein de la DMK (c'est-à-dire son gouvernement en exil, ou qu'on appelle parfois shadow government).

Kodjo se félicitait du travail fait, notamment en février (hommage à Kpodzro, adresses à la Nation, lobbying à Washington et à Moscou). Il justifiait l'élargissement du gouvernement à de "nouvelles énergies" et actait le remplacement de certains éléments fatigués.

J'ai demandé à mon interlocuteur ce qu'il pensait de l'arrivée d'instructeurs militaires au Nord du Togo (en proie à une crise sécuritaire à la frontière avec le Burkina Faso).

Réponse : "Je ne sais pas si ce sont des Russes ou des Biélorusses, il y a une différence." Puis de souligner le pragmatisme de Poutine. Kodjo a encore placé une punchline contre Paris : "Ce que nous refusons, c'est le fonctionnement de la Françafrique (...) c'est le comportement prédateur de la Françafrique". Et attaqué les "médias mainstream" qui par leur silence font le jeu du statu quo.

J'ai demandé à l'opposant si malgré tout, le régime n'était pas habile. Je faisais référence à la diplomatie active du Togo, reconnue internationalement.

"Il faut être sérieux, le régime est défait." L'absence de libertés, la persécution des journalistes et médias indépendants. Kodjo dénonçait Strauss-Kahn et les conseillers du régime. "Ils n'ont pas le droit d'être là, si l'on veut respecter le droit international."

J'ai voulu en savoir plus sur les origines de la Commission Nationale des Droits de l'Homme, un organisme togolais né en 1987.

Yawovi Agboyibo avait convaincu le Général Eyadéma, chef de l'Etat, de mettre ça en place. Yao Agboyibor et Aboudou Assouma ont été mandaté pour mettre sur pied cette organisation, qui a été un "succès relatif". Kodjo dit que la CNDH a eu un rôle dans le cours des événements menant à la conférence nationale. Aujourd'hui, il regrette le manque de latitude de la commission, qui lui a rendu visite lors de son arrestation de février 2020, mais n'a rien pu faire d'autre. Il mentionne Koffi Kounte, qui a remué un peu trop en 2012. Il a donc été mis à pied par le tout puissant constitutionnaliste français, conseiller de Faure Gnassingbé, Charles Debbasch. On a même voulu le tuer avance Kodjo. En tout cas, il s'est exilé en France.

L'histoire est racontée ici.

Je veux ensuite savoir si une amnistie est souhaitable.

Certes, me dit Kodjo, mais la plupart des prisonniers et exilés politiques (dont lui-même) n'ont pas été condamnés.

Je demande s'il voit d'un bon oeil l'activisme de Farida Nabourema, qui vit aux Etats-Unis.

Kodjo Son père est à l'ANC, elle est radicale. Il n'a pas de contact avec mais reconnait son combat.

Je pose la question des liens avec d'autres mouvements africains.

Kodjo nous dit avoir de nombreux liens en Afrique : Gabon, Burkina, Mali, Sénégal...

Quid de la Chine ?

Non, mais parfois des informations sont envoyées au ministère des affaires étrangères chinois.

L'ordre militaire et oecuménique Saint-Jean de Malte ?

Ils sont plus dans l'humanitaire : hôpital, médicaments. "En tout cas, c'est la face visible, je ne sais pas s'ils font d'autres choses en-dessous"

Et la franc-maçonnerie ? La visite récente du Grand Maître du GODF était-elle liée au remplacement de Ignace Kokouvi Clomegah ?

Non, Clomegah, décédé en février 2023, était de la GLNT, liée à la GLNF (l'Église catholique togolaise lui a refusé des obsèques catholiques, ses funérailles ont eu lieu en l’église méthodiste Salem de Hanoukopé).

rappelle qu'il y a aussi la GLNF, qui a sa branche togolaise

Ont-ils une influence politique ?

"Un peu" Il était conseiller du président, il avait de l'influence en France, dans les médias, les structures.

Mais Faure Gnassingbé est un bon catholique, proche du Vatican ?

Kodjo prend des précautions en utilisant le conditionnel. "Les gens lui prêtent d'appartenir à la franc-maconnerie, il serait initié au Congo-Brazzaville chez Sassou Nguesso." "De tout façon, la plupart des gens travaillant avec Faure sont des Francs-Maçons, ceci pourrait expliquer cela." (Kodjo était lui-même franc-maçon ? C'est ce que m'assure quelqu'un l'ayant bien connu. Mais dans mon premier entretien, il avait clairement récusé cette appartenance.) 

L'Eglise peut-elle faire contre-poids ?

L'Eglise à un réseau qui pourrait défier le pouvoir mais son influence reste limitée. En 2020, Faure a réfusé les observateurs de l'Eglise, qui soutenait l'alternance et dont Faure Gnassingbé se méfiait. Pour lui, l'Eglise était juge et partie. Personne n'a le courage d'aller à la télévision pour dire que Faure n'a pas gagné.

"Il se raconte qu'Eyadéma a déposé une grosse fortune au Vatican."

Quid de la Francophonie, qui travaille avec la commission électorale togolaise ?

Kodjo rappelle que les institutions issues de la France sont décridibilisées.

"Le France se met aux côtés des tyrans."

"La Françafrique n'a jamais été aussi flamboyante que sous Emmanuel Macron."

Je rappelle que la France de Chirac a réinstallé Sassou dans un bain de sang en 1997.

Kodjo dit oui mais... Il bifurque sur les élections présidentielles togolaises de 1998, dont le vainqueur était Gilchrist Olympio. Chirac est venu à Lomé pour rencontrer l'opposition et contraindre Eyadéma à accepter de partir 5 ans plus tard (ce qui semble avoir satisfait notre interlocuteur, qui devenait Premier Ministre en 2000).

J'évoque la Cour de justice de la CEDEAO et ses décisions sans effets.

"Il faut mieux supprimer cette cour (...) entièrement contrôlée par la France."

"La CEDEAO se comporte comme un syndicat de chefs d'Etat."

Kodjo considère que les dirigeants qui ont tour à tour été à la tête de la CEDEAO et de l'UA (Buhari, Tsishékédi, Macky Sall, Embalo) sont achetés par l'argent.

Comment expliquer que le Nigeria actuel paraisse aligné sur la France ?

Kodjo ne sait pas. "C'est la première fois que je vois ça."

L'Afrique du Sud peut-elle jouer un rôle ?

Kodjo reconnaît qu'il s'agit d'un "pays très solide" par rapport à sa défense de la Palestine à La Haye, mais Pretoria vend des armes au Togo.

Et Israël ?

Israël est impliqué dans la sécurisation du régime.

Avez-vous été visé par Pegasus ?

"C'est naturel."

"J'avais des bailleurs de fonds potentiels, on les a appelés un à un pour les décourager."

"J'ai changé tous mes téléphones."

Kodjo a dû sécuriser ses téléphones, et passer par d'autres canaux.

Est-ce qu'Alain Juillet pourrait faire quelque chose ?

Kodjo nous rappelle sa proximité nouée à l'université de Dakhla, au Maroc (dit Agbéyomé Kodjo, pour moi c'est au Sahara Occidental). A Lyon, Juillet (de retour de Russie après les élections russes) lui a dit que l'Elysée lui a confié le dossier de sa candidature.

Mais il s'exprime sur des médias indépendants, pourquoi ne parle t-il pas de vous ?

"Si il a parlé de moi, il a parlé de Soro."

 (Voir ici la cérémonie où Guillaume Soro et Agbéyomé Kodjo sont faits Docteur Honoris Causa par l'Ecole de commerce de Lyon.)

Un scénario à la Guinée de Doumbouya ou à la Gabonaise pourrait arriver ?

"Faure repose sur une branche de l'armée qui domine les autres."

"Je ne sais pas. Je ne suis pas sûr que toute l'armée va accepter encore longtemps d'être trainée dans la boue."

Pourquoi trainée dans la boue ?

"Parce que le numéro 2 du parti en 2020 m'a dit que le parti au pouvoir à le monopole des forces de sécurité. C'est humiliant, pour une armée, d'être le sujet d'un parti."

Le colonel Madjoulba, tué en avril 2020, ne sera inhumé qu'en mars 2024. Selon la DMK, le colonel Madjoulba a été tué pour avoir refusé d'exécuter Agbéyomé Kodjo.

Que feriez-vous pour rétablir la paix et la sécurité au Nord du Togo ?

Des assises nationales. Refondation. Transition. Constituante.

Comment analysez-vous la situation militaire à la frontière avec le Burkina ?

C'est un peu compliqué, parce que des gens ont décidé de destabiliser le Burkina, Niger, Mali.

Il y a eu des incursions de terroristes burkinabè dans le Nord. Ces attaques sont cachées à la population.

Il faut créer de l'adhésion à la politique du pays. Comme les forces de défense et de sécurité sont un instrument d'oppression, les gens ne veulent pas se battre pour l'armée togolaise.

Et en matière économique ?

Développer l'agriculture.

Régler la question foncière (un terrain appartenant à plusieurs propriétaires) et privilégier les investissements nationaux. Lutter contre les baux emphytéotiques alloués aux pays et ressortissants étrangers. (Quand je lui demande de citer des noms, Kodjo dit qu'il est à la conquête du pouvoir et ne peux pas en donner.)

Développer l'accès au matériel agricole.

Rendre accessibles les produits de base : nourriture, médicaments.

Former des gens, notamment dans le domaine médical pour venir à bout des déserts médicaux.

Qu'en est-il de la DMP (Dynamique de la Majorité du Peuple), née en avril 2023, et qui va aux élections ?

Agbéyomé Kodjo rappelle qu'on lui a proposé 15 millions d'euros et le poste de Premier Ministre après le scrutin présidentiel de février 2020. Il  ne reconnait par Faure Gnassingbé comme président de la République et dénonce des institutions démonétisées. La Cour constitutionnelle n'est plus constituée que de 4 membres effectif. Le mandat de l'Assemblée Nationale a expiré depuis le 1er janvier, provoquant un vide constitutionnel qui renforce encore l'illégitimité de l'exécutif. La DMK se veut intransigeante avec les principes et ne pas valider le simulacre d'élections qui se prépare.

"Ceux qui veulent aller aux élections ont fait une cassure pour créer la DMP."

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