Le mercredi 25 septembre 2002, Bill Clinton délivrait un discours sur le Sida dans une université du Cap fréquentée par des étudiants d'origines modestes. Pour cette tournée de cinq pays en cinq jours (Ghana, Nigeria, Rwanda , Mozambique et donc Afrique du Sud), il avait emmené quelques amis avec lui. Juliette Bryant, étudiante en psychologie, avait décidé de sortir le 24 septembre 2002 au soir. Les soirées du bar-restaurant Asoka, rue Kloof, étaient connues pour ses "Model nights". Assez vite, une jeune Africaine-Américaine s'approche de Juliette et ses amies. Elle se dit importunée par un homme. Les étudiantes se veulent solidaires, mais l'histoire est fausse... L'importun n'existe pas. La jolie jeune femme s'appelle Naja Hill. Modèle, elle deviendra comédienne et poursuit aujourd'hui une carrière de journaliste et productrice télé...

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Pour l'heure, Naja demande à Juliette si elle est mannequin... Juliette répond qu'elle a bien fait quelques shootings. L'Américaine s'enthousiasme. Elle dit qu'elle connaît bien le milieu, elle évoque Jeffrey Epstein, qu'elle surnomme le "King of America". Naja Hill précise qu'Epstein possède une île personnelle dans les Caraïbes, et qu'il est de passage au Cap, justement, avec Bill Clinton, Kevin Spacey et Chris Tucker ! Quelques instants plus tard, après un trajet de 5-10 minutes en voiture, Juliette est présentée à la bande de puissants. Le cauchemar de Juliette Bryant commence bientôt, car Epstein apprécie la proie qui lui est offerte. Le lendemain, Juliette est invitée à écouter le speech de Bill Clinton sur le sida. Kevin Spacey, étrangement, filmait les étudiants jusque dans les couloirs. Enfin, les Américains s'en vont, et aussitôt les démarches pour arranger le visa de la Sud-Africaine se mettent en branle. Son calvaire démarrera quelques semaines plus tard à son arrivée en Amérique. Pour aller très vite, Juliette est devenue une des nombreuses esclaves sexuelles d'Epstein, qui se vantait de travailler pour la CIA et menaçait les récalcitrantes de représailles. Le réçit de Juliette Bryant est raconté assez abondemment sur l'Internet anglophone ; et elle a donné de nombreuses interviews à retrouver sur diverses plateformes. En Français, Profession Gendarme a fait un bon travail d'interview-traduction. J'ai voulu revenir en particulier sur le volet français de l'affaire Epstein. Car Ghislaine Maxwell n'était pas la seule française qui entourait le monstre...
L'entretien ci-dessous s'est déroulé sur plus d'un an. Une première version avait été publiée ici-même et dépubliée par Mediapart, à la demande d'une personne citée.
Pouvez-vous nous raconter vos premiers pas en Amérique ?
J'étais si excitée et nerveuse que je n'ai pas pu dormir pendant les 20 heures de vol. Lorsque l'avion a atterri, j'ai regardé dehors. L'effervescence de New York, venant d'Afrique, était un choc énorme. Lorsque je suis descendue de l'avion, un homme m'attendait avec mon nom inscrit sur un panneau - je me sentais comme une célébrité.
Nous sommes montées dans une voiture noire élégante. En roulant vers la ville, je regardais les panneaux d'affichage en rêvant qu'un jour je pourrais être sur l'un d'eux. J'imaginais pouvoir m'occuper de ma famille : acheter une maison à ma mère, des voitures à mes frères et faire en sorte que tout aille pour le mieux. Nous sommes arrivés au 301 East 66th Street. J'ai sauté de la voiture avec mes sacs et j'ai poussé la porte. Le portier m'a donné une clé de l'appartement où je pensais rester. Je ne pouvais pas croire que j'allais rester dans mon propre appartement à New York. Je n’avais jamais eu de logement propre. Environ cinq minutes après avoir posé mes sacs, le téléphone a sonné. C’était Sarah Kellen. Elle m’a dit de prendre une douche et de préparer un sac plus petit car la voiture revenait me chercher pour m’emmener à l’avion privé d’Epstein. Nous partions pour les Caraïbes. J’étais confuse. Je venais juste d’arriver à New York et on ne m’avait pas dit que j’irais aux Caraïbes. Je me suis dit que c'était pour une mission de mannequinat. Je ne pouvais pas appeler ma famille car je n’avais pas de téléphone avec moi. Nous étions en 2002. Je n’avais pas non plus d’argent sur moi, le bureau d’Epstein m’avait dit que je n’aurais pas besoin d’apporter d’argent et que mon billet et mon logement seraient déduits du « travail de mannequinat ».
J’ai emballé quelques affaires dans un petit sac. Le chauffeur est revenu me prendre et nous avons roulé jusqu’à l’aéroport de Teterboro. Je n'avais jamais vu d'aéroport privé. C'était impressionnant. Je suis montée dans l'avion. Epstein était assis à l'avant, à droite, Sarah Kellen et Andrea Metrowich à gauche. Elles étaient deux des trois femmes que j'avais rencontrées pour le "casting" au Cap. Epstein a tapoté la chaise à côté de lui pour m'indiquer de venir m'asseoir là. J'étais nerveuse et épuisée. Je me suis assise docilement.
Alors que l'avion décollait, Epstein a poussé sa main entre mes jambes et a commencé à me pousser et à me toucher très fort au niveau de l'entrejambe. J'étais absolument terrifiée. Je n'avais eu que deux petits amis dans ma vie et j'étais encore très naïve sexuellement. J'ai réalisé aussitôt le danger dans lequel je me trouvais. J'ai littéralement pensé qu'ils allaient me tuer. J'ai pensé ne plus jamais revoir ma famille. Puis j'ai réalisé que je devais faire ce qu'il voulait pour survivre.
Mon nom n'a jamais été mentionné dans ce carnet de vol, donc si quelque chose m'était arrivé, ma famille aurait pensé que j'avais disparu à New York. C'est très étrange que mon nom n'apparaisse pour ce vol, car il figure sur tous les autres vols que j'ai pris avec eux.
Après environ 3 heures et demie, nous avons atterri aux Caraïbes. Lorsque nous atterrissions quelque part, nos bagages et nos passeports n'étaient pas contrôlés. Nous passions directement. Nous avons donc atterri sur l'île principale des Caraïbes et nous avons été transférés dans un hélicoptère qui nous a emmenés sur l'île d'Epstein. Il y avait deux employés sud-africains sur l'île. Un mari et une femme appelés Miles et Cathy Alexander. Ils m'aidaient à me sentir un peu plus en sécurité, éant à la fois de mon pays d'origine et très gentils. Ils faisaient de leur mieux pour s'occuper de moi et des autres filles. Je pouvais voir dans leurs yeux qu'ils n'aimaient pas ce qui se passait. Je pense qu'ils avaient très peur d'Epstein et de Maxwell, qui pourrait les blâmer ? Je pense que beaucoup de membres du personnel étaient dans la même situation.
On m'a conduit dans un petit chalet sur l'île - c'était l'endroit où je devais dormir pendant mon séjour.
En entrant, j'ai vu une grande œuvre picturale représentant une créature marine préhistorique essayant de violer une jeune fille avec un électrocardiogramme attaché à sa poitrine. C'était effrayant.

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Très peu de temps après mon atterrissage, Sarah Kellen m'a convoquée dans la chambre d'Epstein. Il faisait noir et froid et Epstein était allongé nu sur son lit. Il m'a dit de retirer mes vêtements, j'ai fait ce qu'il m'a dit. J'étais pétrifiée, confuse, terrorisée. Epstein a commencé à toucher mon corps et a remis sa main entre mes jambes.
Il voulait toujours faire jouir les filles. C'était très difficile pour moi car j'étais terrifiée et je n'avais jamais eu d'orgasme auparavant. Il utilisait un appareil de massage. C'était très douloureux car il le poussait très fort pour essayer de forcer un orgasme. Quand une fille atteignait enfin l'orgasme, cela le faisait jouir. Il terminait parfois par un étrange bruit strident et aigu, absolument effrayant. Il me demandait aussi de lui pincer les tétons aussi fort que possible.
Il avait du mal à avoir des relations sexuelles car son pénis était très petit, mais il s'acharnait.
Très peu de temps après mon atterrissage, Sarah Kellen m'a convoquée dans la chambre d'Epstein. Il faisait noir et froid et Epstein était allongé nu sur son lit. Il m'a dit de retirer mes vêtements, j'ai fait ce qu'il m'a dit. J'étais pétrifiée, confuse, terrorisée. Epstein a commencé à toucher mon corps et a remis sa main entre mes jambes.
Que s'est-il passé ensuite ?
Le lendemain, une autre fille est arrivée. Le soir, alors qu'elle regardait un film, elle a commencé à faire une fellation à Epstein devant moi. Je me suis enfuie en pleurant. Au fil des jours, de plus en plus de filles allaient et venaient. J'ai dû en voir uen soixantaine autour d'Epstein.
Il y avait du personnel différent dans chaque propriété. Il y avait beaucoup de couples mariés, sans doute une façon de les piéger ? Ils devaient être terrifiés. Même s'ils étaient bien payés, en fin de compte, ils étaient probablement piégés. L'énergie qui entourait Maxwell et Epstein était malsaine. Ils étaient très stricts avec le personnel. Ils voulaient que tout soit parfait, réalisé selon leurs souhaits. Le personnel avait trop peur de les regarder dans les yeux. Les cuisines étaient très bien approvisionnées en nourriture et il y avait toujours un chef qui préparait les déjeuners et les dîners.
La nourriture était souvent servie sur de grands plateaux. Et quand on nous donnait des assiettes, Epstein n'en avait généralement pas. Il mangeait dans les assiettes des autres. Comme s'il avait peur d'être empoisonné.
Il détestait aussi absolument les chats - un jour sur l'île, il y avait un chat noir dans les buissons qui nous regardait et il a complètement perdu son sang-froid, ce qui était assez inhabituel pour lui. Il était toujours calme, mais d'un calme glaçant. Il a exigé que le chat soit immédiatement emmené hors de l'île. Il prétendait petre allergique aux chats, mais le chat était à environ 30 mètres, donc il devait y avoir quelque chose d'autre.
Que faisiez-vous de votre temps « libre » ?
En général, les journées se déroulaient sur le même schéma, quelque soit l'endroit du monde. On m’a emmené dans toutes les propriétés d’Epstein – New York, The Island, Palm Beach, Paris et le Nouveau-Mexique. On se réveillait et on allait prendre le petit-déjeuner, puis on commençait à nous appeler dans la chambre d’Epstein. J’étais appelée au moins 2 à 3 fois par jour. Entre deux séances, je me promenais seule et je m’asseyais au bord de la piscine, ou alors je me promenais dans la propriété. C’était une expérience terrifiante, déroutante et solitaire.
Epstein avait toujours ses lieutenants très proches : Ghislaine Maxwell et Sarah Kellen, qui organisaient tout pour lui. Avant d’être renvoyé chez moi, Epstein m’a menacé en me disant qu’il avait le nom de ma famille sur une liste et qu’il travaillait pour la CIA. Il m'a aussi parlé d'une femme qui l'avait précédemment accusé de viol, il m'a dit qu'il avait placé de la drogue dans son appartement et l'avait fait envoyer en prison. J'étais absolument terrifiée et je savais qu'il n'y avait qu'à garder le silence.
Nous ne savions jamais où nous allions à l'avance. ils nous prévenaient au dernier moment, juste le temps de faire nos valises. « Nous partons pour Palm Beach dans une heure ».
Comment c'était à New York exactement ?
Le manoir de New York était décoré dans un style britannique - très différent de Palm Beach et du Nouveau Mexique. Il y avait une pièce avec environ 40 téléviseurs avec des caméras qui surveillaient le manoir. Un agent de sécurité m'a montré cela. Ca a ajouté à mon effroi Le milieu du manoir de New York était également partiellement creux, si on regardait en bas de la chambre dans laquelle j'étais, il y avait un grand dôme doré au milieu - je ne sais pas ce qu'il y avait à l'intérieur de ce dôme. Ensuite, au-dessus du dôme, le bâtiment était creux à l'intérieur - c'était très étrange.
Et l'île ?
C'était très basique, mais je n' ai même jamais vu sa chambre principale. Epstein m'emmenait dans une petite pièce sombre à côté de l'endroit où sa chambre semblait se trouver. En voyant une photo prise par un drone, j'ai réalisé que je n'avais jamais vu sa chambre principale avec son balcon. Le petit chalet dans lequel j'ai séjourné à mon arrivé avait cette œuvre d'art très étrange sur le mur, avec une fille nue et d'un gros morse dont j'ai parlé auparavant. Il y avait d'autres trucs bizarres dans sa maison, il y avait des photos de filles nues partout, et il y avait aussi beaucoup de photos nues de Ghislaine. Je n'ai jamais vu le temple sur l'île, mais nous étions toujours surveillés et n'étions pas libres de nous déplacer à notre guise. Un jour sur l'île, j'ai été emmené dans la chambre d'Epstein comme d'habitude - cette fois, alors qu'il jouissait, je l'ai regardé et il a soudainement commencé à se transformer en une autre créature. J'étais figé de peur. J'ai décidé de ne rien dire, de détourner le regard. Quand j'ai remis mes yeux sur lui, il était à nouveau Epstein. Ce que j'ai vu n'était pas en 3D comme nous en avons l'habitude, mais plutôt comme un hologramme en forme d'extraterrestre, avec certains aspects du dragon. J'ai vu les énormes yeux noirs, la bouche et la langue, les stries sur le visage et les cornes sur la tête. Un monstre vert foncé. J'essaie toujours de peindre ce que j'ai vu. Je n'ai jamais vu quelque chose comme ça auparavant. C'est très difficile à croire, mais c'est vraiment arrivé. Si je ne l’avais pas vu moi-même, j’aurais du mal à le croire, mais c’est arrivé. C’était là. J’étais complètement sobre, et même lorsque je buvais ou que j’expérimentais des drogues des années plus tard – je n’ai jamais rien vu ni eu d’hallucinations. Une autre victime d’Epstein, Maria Farmer, a également peint Maxwell comme un reptile et Epstein dans un OVNI. Juste une coïncidence après les choses que j’ai vues là-bas ? Et Maria et moi n’avons même jamais parlé…

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Et le Nouveau-Mexique ?
Le dernier endroit où Epstein m’a emmené était le Nouveau-Mexique, j’y suis resté environ une semaine. Des choses très étranges se sont produites là-bas.
Une nuit, je fumais une cigarette dehors et soudain, 3 énormes lumières sont apparues au-dessus de moi dans le ciel, ça ne pouvait être qu'un OVNI. Les lumières ont commencé à tourner à l'unisson, incroyablement vite. J'ai eu peur et j'ai essayé de rentrer à l'intérieur, mais les portes étaient fermées. J'ai fait le tour de la maison et j'ai finalement trouvé quelqu'un pour me laisser entrer après une quinzaine de minutes.
Cette nuit-là, après m'être endormi, je me suis soudainement réveillé dans un laboratoire. J'étais paralysée sur une table dans une pièce blanche avec une femme médecin et six autres personnes en combinaison Hazmat tout autour de moi. Je ne sais pas si ceux en combinaison étaient des humains car je ne pouvais pas voir à travers. J'avais les yeux ouverts mais mon corps ne bougeait pas et je ne pouvais pas parler. J'étais pétrifée. Alors que je reprenais conscience, la femme médecin s'est approchée de ma tête et m'a dit de me plus calme et que tout allait bien, je ne me souviens de rien après ça...

J'ai aussi rencontré le réalisateur Michael Bay lors de ce voyage. Il était là la nuit où cela s'est produit. Dans une interview, j'ai dit l'avoir rencontré dans la propriété d'Epstein. Il a nié et dit qu'il n'avait jamais rencontré Epstein ni été dans aucune de ses propriétés. Mais je l'ai vu là-bas, et d'autres filles aussi. Ses dénégations m'ont poussé à enquêter plus en profondeur. Beaucoup de films de Michael Bay parlent d'IA, de robotique, de COVID23, etc. Le film The Island me questionne. Il est sorti en 2005, alors que je l'ai rencontré au ranch d'Epstein en 2004. Peut-être qu'il était là pour faire des recherches ? Le film parle d'une installation souterraine de clonage où les super riches fabriquent des répliques d'eux-mêmes au cas où ils auraient besoin d'organes, de sang ou de bébés. Dans le film, les clones s’échappent, lorsqu’ils sortent de l’installation et arrivent en extérieur. Les paysages ressemblent beaucoup au Nouveau-Mexique…

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Epstein n’a pas abusé sexuellement de moi lors de ce dernier voyage, mais avant que je sois renvoyée chez moi, il m’a emmenée dans une petite pièce et m’a fait m’asseoir nue sur une table – il a palpé mon ventre et ma région pelvienne, un peu comme le ferait un médecin. Je me suis toujours demandé s’ils n’avaient pas collecté des ovules humains, car ceux-ci sont nécessaires au clonage. C’était la dernière fois qu’Epstein m’emmenait dans l’une de ses propriétés.
Pourriez-vous nous dire ce que vous avez fait à Paris ? Combien de fois y êtes-vous allé ? Quand ? Combien de temps y êtes-vous resté ?
On m'a emmené à Paris une fois, pendant 5 jours environ. Nous ne restions jamais plus de 5 jours au même endroit. A l'aéroport, les douanes ne semblaient pas vérifier nos passeports ou nos bagages.

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Epstein faisait souvent venir deux voitures : une pour les passagers et une autre pour les bagages. Ce qui me paraît bizarre : pourquoi prendre des bagages ? Ils auraient dû avoir ce qu'il fallait dans chaque propriété... A Paris, nous sommes essentiellement restée dans l'appartement. Nous sommes sortis pour une fois dans un café, et pour voir la tour Eiffel. J'étais avec une autre victime, Teala Davies. Permi le personnel, il y avait Michael Liffman et Magali Blachon. En descendant le couloir de la propriété où nous logions, avenue Foch, j'ai vu de nombreuses filles qui ressemblaient à des mannequins, dans les chambres. Elles ne semblaient pas parler anglais. Je ne leur ai pas été présenté.

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Avez-vous fait des séances photo pour votre carrière de mannequin ?
Cela m'est arrivé, mais jamais par l'intermédiaire d'Epstein. J'ai fait du mannequinat uniquement chez moi, en Afrique du Sud. En revanche, j'ai été emmenée à Los Angeles pour faire du théâtre pendant trois mois en 2005. Une agence essayait de m'arranger des papiers de travail. Mais j'ai eu le mal du pays et je suis partie de là-bas et je n'y suis pas retournée. Los Angeles était effrayant.
Maxwell était-elle à Paris ? Et Sarah Kellen ?
Oui, elles étaient là. Quand nous avons pris l'avion pour New York - nous nous sommes arrêtés à Terre-Neuve pour faire apparemment le plein de l'avion.
Quels aéroports avez-vous utilisé ?
J'ai pris l'avion depuis l'Afrique du Sud pour Charles De Gaulle, Epstein m'a aidé à obtenir un visa français, en passant par le Consulat de France au Cap. Ensuite, je ne me souviens plus de quel aéroport nous sommes partis. C'était peut-être le même aéroport ou un aéroport privé.
Comment était sa propriété de l'Avenue Foch ?
Je n'ai vu que la chambre où je logeais, la cuisine et le salon principal. Il était décoré de manière très coûteuse, comme la plupart des propriétés. L'appartement parisien était décoré de beaucoup de blanc. C'est vieux. Il m'est difficile de me souvenir des détails, d'autant que j'étais bouleversé. C'était un appartement très luxueux. Il avait son style propre. Toutes les propriétés étaient décorées dans des styles différents. Cela ressemblait presque à un club de membres. Cela ne ressemblait pas au goût d'une seule personne.
Je ne vois pas vraiment, que voulez-vous dire ?
Je veux dire que les propriétés semblaient appartenir à un groupe, pas à une seule personne. Les styles de chaque propriété étaient si différents les uns des autres.
Qu'en est-il des chambres de Ghislaine Maxwell ?
Je n'ai jamais vu aucune des chambres de Ghislaine Maxwell - mais je suppose qu'elle devait avoir sa propre chambre à Paris. Elle semblait avoir sa propre chambre dans la plupart des propriétés, mais à New York, elle avait son propre appartement à proximité d'Epstein.
Pouvez-vous nommer d'autres victimes à Paris ? Ou d'autres violeurs là-bas ?
J'y ai rencontré un mannequin appelé Sephora Vanites - mais je n'ai été présenté à aucune des autres filles que j'ai vues y séjourner. Une autre victime, Teala Davies (sœur de Chauntae Davies) était également là.
Vous avez écrit que de nombreuses filles ne parlaient pas anglais. Étaient-elles toutes originaires d'Europe de l'Est ?
Il semblerait que oui.
Vous souvenez-vous de quelqu'un du personnel ?
Je ne me souviens pas des noms des gens qui travaillaient là-bas. Mais le personnel qui a voyagé avec Epstein était là. Comme Michael Liffman, ou la jeune française Magali Blachon, qui apparemment était son entraîneur personnel. D'ailleurs, Epstein lui a fait faire un travail avec moi. À un moment donné, il m'a fait suivre pour m'empêcher de fumer des cigarettes. J'avais le droit de fumer 3 cigarettes par jour - une au petit-déjeuner, une au déjeuner, une au dîner.
Qui surveillait vos allées et venues ?
Il y avait des caméras, et nous étions toujours entourés par certains membres du personnel.
Qu'en est-il de la justice ?
J'ai été indemnisée par le fond d'indemnisation pour les survivants. Je n'ai entendu parler de personne ayant reçu plus de 1,5 million de dollars mais je ne connais pas beaucoup de victimes. J'ai obtenu un peu plus de la moitié de cette somme. C'est étrange de voir que si peu de filles se sont manifestées alors que 125 l'ont apparemment réclamé.
J'étudie la possibilité d'entamer des poursuites en France, et partout où cela pourrait être utile à d'autres personnes.
Avez-vous fait des fêtes ? Des orgies ? Vu ou consommé la drogue ?
Jamais de fêtes. Il était interdit de boire. Idem pour la drogue (à ma connaissance). Epstein était très opposé à tout ça. J'ai vu une fille lui faire une fellation une fois mais j'ai eu peur et je me suis enfui - il ne l'a plus fait devant moi après ça. Parfois nous regardions ensemble un film le soir. Epstein nous emmenait aussi au cinéma à Palm Beach. Il n'y avait pas d'autres sorties, et je n'ai jamais vu de fêtes là-bas.
Quand je suis rentré malade (empoisonné ? droguée ?) en 2003, dans la nuit, de la seule fête à laquelle Epstein m'avait autorisé (et encouragé) à aller à New York, il m'a immédiatement renvoyé en Afrique du Sud. Malheureusement, en juillet 2004, il m'a ramené là-bas, au Nouveau-Mexique.
Epstein vous payait-il ?
Il m'a proposé de l'argent, mais je ne l'ai pas accepté. Il m'a proposé 4 000 $ par mois pour travailler et vivre avec lui, et 2 000 $ pour toutes les jeunes filles que j'amènerais. Je n'ai rien fait de tout cela. Il m'a envoyé 500 $ une fois et m'a donné 300 $ deux fois en liquide. Donc au total, Epstein m'a donné environ 1 100 $. C'était de l'argent pour obtenir un visa et aussi pour prendre des taxis. Je n'étais pas payé par eux.
Travaillait-il parfois ?
Il était beaucoup au téléphone, souvent avec Clinton ou Bush. Il dormait à des heures bizarres, il faisait souvent la sieste pendant la journée. On aurait dit qu'il dormait quelques heures plusieurs fois par jour. Il se levait tôt et buvait du thé Earl Grey.
Pourquoi n'avez-vous pas fui ?
Tout d'abord, j'étais pétrifiée par Epstein, en particulier après l'avoir vu se transformer sous cette forme hybride entre extraterrestre et dragon. Il m'a également dit qu'il travaillait avec la CIA et que le nom de ma famille était sur une liste - et que lorsqu'une fille l'avait accusé de viol, il avait placé de la drogue dans son appartement et l'avait fait envoyer en prison. Après avoir été kidnappée pour la première fois, je suis rentrée chez moi très différente. Je pense que j'ai aussi été hypnotisée par Epstein. Je pense que beaucoup l'ont été. C'était un maître criminel et c'était très intimidant et effrayant d'être à ses côtés, j'étais très jeune et effrayée.
Ma famille n'a été au courant des abus qu'après la mort d'Epstein. Je n'en ai jamais parlé à personne, sauf à un petit ami que j'avais eu il y a des années. Il a payé des thérapies et m'a aidé à me rétablir. Il est toujours l'un de mes meilleurs amis.
N'ayant pas organisé le mannequinat comme prévu, Epstein disait à ma mère qu'il voulait investir dans mon éducation et que je pouvais étudier tout ce que je voulais. Il a fait comme s'il pensait que j'étais très intelligente et serait mon bienfaiteur. C'était un menteur compulsif. Je voulais faire du théâtre - mais il disait que je pouvais choisir n'importe quoi sauf le théâtre. Mais je ne voulais pas non plus être liée à lui. Je n'ai donc jamais étudié aux États-Unis. Je voulais m'éloigner.
Qu'en est-il de votre histoire familiale plus longue ?
Je n'ai jamais rencontré mon grand-père, Harry Bryant. Il travaillait pour la NASA. Il est mort deux heures avant ma naissance, le 23 juillet 1982.
Il y a aussi quelque chose de bizarre qui vous est arrivé en 1997, n'est-ce pas ?
En effet. Quand j’avais 14 ans, un homme m’a abordée à Greenmarket Square, un marché en plein air du Cap. J’étais seule avec une amie, j’avais pris le train pour m’y rendre car ma famille n’avait pas beaucoup d’argent. L'homme m’a dit qu’il travaillait pour Elite Models et voulait que j’assiste à un casting de mannequin. Ma mère et son amie ont insisté pour y assister avec moi. Elles ont dit aux agents de mannequins que je ne ferais pas ces voyages pour devenir mannequin car j’étais trop jeune. Ma mère dit qu’elle les considérait comme des marchands d’esclaves. J’ai eu beaucoup de chance qu'elle m’ait protégée à un si jeune âge, qu’en est-il des autres qui ont été enlevées ?

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Quelques années plus tard, lorsque j'ai rencontré Jeffrey Epstein et Bill Clinton à 20 ans, ils ont organisé un casting de mannequinat. Ma mère a voulu parler à Epstein pour s’assurer que je serais en sécurité. Ils se sont parlés pendant 30 minutes au téléphone. Mais étant très bon menteur, il a fait croire à ma mère que ce serait une énorme opportunité qui changerait ma vie. Il a également dit à ma mère qu’en plus du mannequinat, il pourrait peut-être m’aider à payer mes études, car il pensait que j’avais du potentiel. Ma mère voulait vraiment que j’aie une bonne éducation. Elle s’inquiétait de me voir voyager seule, mais elle ne pouvait pas m’empêcher d’essayer de suivre mon rêve de devenir mannequin. Ce rêve devenu un cauchemar.
Quand avez-vous enfin vu Epstein pour la dernière fois ?
La dernière fois qu'il m'a emmenée là-bas, c'était en 2004 au Nouveau-Mexique. En 2011, j'avais un petit ami à New York et je suis restée en contact avec une fille qui travaillait pour Epstein ; je l'ai rencontrée à New York pour déjeuner et j'ai vu Epstein brièvement avant de partir. Sinon, je ne l'ai plus jamais revu.
A-t-il essayé de rester en contact par la suite ? Jusqu'à quand ?
Il m'envoyait parfois des e-mails. Je lui envoyais aussi des e-mails car j'avais l'impression qu'il me surveillait à travers la caméra de l'ordinateur. Je voulais qu'il sache que je pouvais le sentir. La dernière fois qu'il m'a envoyé un e-mail, c'était un mois avant sa mort. Il m'a demandé de lui envoyer des photos nues. Je ne lui ai jamais envoyé de photos nues.
Dans quel état d'esprit étiez-vous après l'accord d'indemnisation ?
Ce fut un énorme soulagement d'obtenir l'indemnisation financière car cela m'a donné le temps de me concentrer sur ma santé. J'ai terriblement souffert des années durant après que cela m'est arrivé. Finalement, je suis devenue assez forte pour affronter cette histoire et analyser ce qui s'est passé. Après de nombreuses recherches, j'ai réalisé que je devais parler, pour les victimes qui ne sont plus en mesure de le faire.
Quelle est votre théorie sur le symbolisme du papillon ?
C'est très difficile à expliquer, mais le symbole est clairement là. Il y a une référence à MK Ultra, Monarch Programming, etc.

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Mais il va aussi bien plus loin. La forme du papillon ressemble à celle des hanches humaines. S'ils retiraient des œufs, cela expliquerait leur « Projet Papillon ». Le papillon est aussi un symbole de transformation. Je poursuis mes recherches et j'inclurai des informations et des théories possibles à ce sujet dans mon livre, qui, je l'espère, sera bientôt prêt.

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On peut lire sur votre compte X (@DragonAppleB) que vous avez peur pour votre vie. Que vous est-il arrivé depuis que vous avez commencé à parler à voix haute ?
J'ai été suivie dans ma voiture la nuit - par une camionnette blanche et j'ai dû conduire très vite pour m'enfuir. Les pneus de ma voiture ont également été crevés et poignardés. J'ai également été suivie sur la plage avec mon enfant et photographiée. Quelqu’un est venu à la porte de ma maison une nuit, les voisins m’ont gardée en sécurité. Une autre fois, la montagne à côté de moi a été incendiée pendant que je dormais. J’ai aussi été agressée récemment, mais je préfère ne pas en parler, je vais bien et je guéris. Heureusement, je vis maintenant dans une résidence sécurisée et je ne sors plus jamais seule.
Pour aller plus loin :
1. Vidéo proposant une explication du tableau du morse et de la jeune femme.
https://www.youtube.com/watch?v=wDP7VY0-TRI
2. Photo d'Harry Bryant, le grand-père de Juliette, qui travaillait indirectement pour la NASA : https://www.sarao.ac.za/about/hartrao/deep-space-station-51/
3. Suivre Juliette Bryant sur X : @DragonAppleB