Emmanuelle Favier
Autrice, pigiste culture
Journaliste à Mediapart

33 Billets

1 Éditions

Billet de blog 15 janv. 2023

Emmanuelle Favier
Autrice, pigiste culture
Journaliste à Mediapart

Perambulations – Épisode numéro 1, le boulevard Arago et ses fantômes

Per-am-bu-la-tion. Du latin perambulare, parcourir, voyager, divaguer. Promenade, voyage ou excursion, c’est là un mot désuet, rare, précieux comme je les aime. Je vous invite aujourd’hui sur le boulevard Arago, à la rencontre des artistes et des grands personnages qui y ont vécu, ou qui s’en sont inspirés. En route !

Emmanuelle Favier
Autrice, pigiste culture
Journaliste à Mediapart

Écouter l'émission sur Fréquence protestante

Illustration 1

Si j’ai décidé de commencer par ce boulevard, c’est parce qu’il est l’incipit de ma vie d’adulte, laquelle se confond avec mon installation à Paris, il y a plus de vingt ans aujourd’hui 

C’est en effet boulevard Arago – à l’angle de la rue Broca, précisément – que j’ai passé ma première nuit délibérée à Paris ; délibérée, c’est-à-dire non dictée par la volonté parentale ou par des nécessités pratiques. Une nuit de loisir, imprévue, joyeuse et libre. Je ne me souviens pas clairement de la nuit en elle-même, sinon que je l’avais passée à discuter avec un gentil garçon, dont j’avais en vain attendu un baiser. En revanche, je me rappelle très clairement de l’aube qui a suivi. J’avais 18 ans, il était 6 heures du matin et, pour la première fois, j’entrai dans le jour en posant le pied sur un trottoir parisien.

Paris n’était qu’à quelques kilomètres de la petite ville de banlieue où j’ai grandi, une ville décrite par Marguerite Duras, qui n’avait pas toujours tort, comme la moins culturelle de France. Je me rendais très fréquemment à la capitale depuis l’enfance, pour des visites au Louvre ou à quelque aïeule ; pourtant, Paris demeurait un territoire de rêve, une cocagne aussi inaccessible que si j’avais vécu à l’autre extrémité du globe. Ce matin-là, Paris m’était livré comme un cadeau de baptême, le gage d’un adoubement à la vie d’adulte.

Une fraîcheur lumineuse avait lavé les trottoirs, qui luisaient dans le potron-minet. C’était il y a vingt-quatre ans et c’était l’automne – tout comme aujourd’hui, peut-être même, et pourquoi pas ?, était-ce exactement le même jour : mon goût pour les coïncidences calendaires s’en trouverait parfaitement réjoui. Les éboueurs, les étals, tout ce qui se met à vibrer avant le reste du monde me parlait d’une liberté conquise. Paris était encore une fête, vierge des inquiétudes que l’âge nourrit, vierge des deux dernières décennies qui l’ont meurtrie et salie. C’est ma nostalgie qui parle ici. Car je serai toujours nostalgique de ce Paris-là, de cet instant-là, de ce petit matin frais où s’est très vite dissous le regret du baiser manqué, de cette liberté toute neuve, de cette vie devant soi, où tout est encore à faire et où l’on a tout le temps de le faire, où l’amour est plus léger que jamais et dont aucune peur sérieuse n’obscurcit encore l’horizon.

Un peu de morphologie : le boulevard Arago, long de plus de mille trois cent mètres et large de quarante, part du quartier Croulebarbe dans le XIIIe arrondissement et rejoint le quartier Montparnasse dans le XIVe. Son numéro 1 effleure le Ve arrondissement, puisqu’il naît au carrefour qu’il fait avec l’avenue des Gobelins, le boulevard de Port-Royal et le boulevard Saint-Marcel. Il établit ainsi un lien entre mes trois arrondissements favoris, ceux où, depuis cette matinée d’automne d’il y a un quart de siècle, je me sens chez moi – ce qui n’est pas peu dire, dans la mesure où j’ai grandi en banlieue et ne saurais, par conséquent, me défaire de l’impression que je viens de nulle part.

Créée en 1857, cette voie a été nommée quelques années plus tard d’après l’astronome, physicien et homme d’État François Arago (né en 1786 et mort en 1853), qui fut directeur de l’Observatoire de Paris. Il fut aussi l’un des fondateurs de la Société des gens de lettres, que nous aurons l’occasion de revoir dans un futur épisode et que François Arago a présidée de 1840 à 1844.

Illustration 2

Le boulevard Arago est aussi un parfait exemple de la voracité des travaux du baron Haussmann, puisque son ouverture en 1859 absorbe une partie de la rue des Marmousets-Saint-Marcel, anciennement rue des Marionnettes. J’apprends d’ailleurs, à l’occasion de mes recherches, que le mot de « marmouset », dont les sonorités m’ont toujours ravie, sans que je me sois jamais préoccupée d’en connaître l’étymologie, désigne une figurine grotesque.

L’ouverture du boulevard dévora également l’église Saint-Hippolyte, dont il ne reste qu’un fragment de portail, ainsi que le cul-de-sac de Longue-Avoine, délicieux odonyme.

L’odonymie – du grec ancien hodós, « route » et ónoma, « nom » – est une branche de la toponymie, qui s’occupe tout particulièrement des noms de voies. Cette science dit, presque benoîtement, les orientations publiques et politiques de son époque. Surtout, rues, allées, boulevards et passages entretiennent avec le nom qu’ils portent une relation féconde en identifications pour l’habitant, et en rêveries pour le promeneur solitaire. J’attribue parfois au fait que j’ai grandi dans une rue portant le nom d’un compositeur que je n’aime pas le sentiment de n’être jamais tout à fait à ma place.

Mais en route : arpentons le boulevard. Et pourquoi pas l’arpenter à rebours ? Par son dernier numéro, le 114, à l’orée de la place Denfert-Rochereau.

Illustration 3
Le lion de Denfert. © Emmanuelle Favier

Nous voici au pied du lion de Denfert ; la masse énorme du lion noir, faite de plaques de cuivre repoussé, patinée de vert-de-gris, se détache sur le ciel qui aujourd’hui est très bleu. Paris semble tourner autour de la statue, dans un ballet indifférent.

Sculpté par l’Alsacien Auguste Bartholdi, le lion de Belfort célèbre la résistance belfortaine durant la guerre franco-prussienne de 1870. Réplique au tiers de la statue de grès rose qui se dresse au pied de la citadelle de Belfort, le fauve parisien regarde en direction de la statue de la Liberté, également commise par Bartholdi et installée dans le XVe arrondissement. Le médaillon de bronze à la gloire du colonel Denfert-Rochereau que l’on voit sous la statue, après avoir été fondu par le régime de Vichy pour l’effort de guerre comme nombre de métaux commémoratifs parisiens, a été remplacé à la fin des années 1970.

C’est là que le boulevard Arago non pas commence mais se termine. Nous allons traverser la place Denfert-Rochereau pour entamer notre arpentage.

Ce « nous » n’est pas un nous de majesté, je le précise ; non seulement il vous englobe, chers auditeurs, que je souhaite emmener avec moi, mais c’est aussi que je me sens dans ma promenade accompagnée par un ange gardien. Qui sait, vous entendrez peut-être sa voix au loin. Cet ange a su pousser certaines portes que je n’aurais pas osé effleurer, voir certains détails que j’aurais ignorés. On ne déambule jamais vraiment seul.

Mais tournons le dos à la masse sombre du Lion de Belfort, et continuons.

Nous voici devant le no 102. C’est le siège de la Maison des Missions de la Société des missions évangéliques de Paris, devenue Service protestant de Mission. 

Le boulevard Arago est émaillé de plusieurs édifices protestants : au no 83 on trouve ainsi la faculté de théologie protestante de Paris, et au no 18 le temple protestant de Port-Royal, construit en 1898. Mais j’anticipe.

Une plaque indique que le culte a lieu le mardi à 9 heures. On trouve ici une bibliothèque d’histoire de la mission et de missiologie. Comme l’indique en caractères vaguement gothiques une inscription au fronton du bâtiment, la société des missions évangéliques a été fondée en 1822. Tout en haut de la façade, une soixantaine de gargouilles absolument drolatiques, fascinantes, grotesques, visages humains ou animaux, oiseaux de proie, monstres et cerbères scrutent le boulevard avec une attention féroce ou un sourire ironique.

Au 98 bis se trouvent les bâtiments pour le moins contrastés, certains modernes, certains en pierres de meulière, de l’Institut d’astrophysique de Paris, qui dépend du CNRS. On a là un premier clin d’œil à celui qui a donné son nom au boulevard. Les jardins de l’institut sont assez tentants, mais nous n’osons pas entrer. Il est fort probable qu’on nous demande une carte d’étudiant. Mais les jardins jouxtent un square, public celui-ci, qui n’est autre que le jardin de l’Observatoire… entrons.

Tout au fond du jardin, on devine le monument principal du quartier, l’Observatoire de Paris lui-même, qui étend jusqu’à nous son ombre, où la mémoire de François Arago tisse des profondeurs mélancoliques.

Dès l’entrée, j’aperçois une statue ; je suis un peu surprise, j’avais entendu dire que la statue de François Arago avait été détruite pendant l’Occupation, que comme le médaillon de Denfert-Rochereau, comme nombre d’autres monuments, elle avait été fondue comme chair à canons. Approchons-nous : tout s’explique ! C’est ici, en réalité, une version contemporaine de l’original, érigée dans les jardins en 2017. L’œuvre, une interprétation déformée de l’effigie d’Arago, est un peu vertigineuse dans ses volutes de métal tordu.

Illustration 4
Statue contemporaine de François Arago. © Emmanuelle Favier

Lisons ce que nous apprend le socle : « Cette sculpture a été conçue par Wim Delvoye, lauréat d’une consultation organisée par Ars Arago en 2016 pour remplacer la statue d’Alexandre Oliva, érigée en 1893 sur la place de l’Île-de-Sein et enlevée par l’État français en 1942 pour être fondue par les Allemands. » C’est bien ça… donc, cette statue « a été inaugurée le 2 octobre 2017 par Claude Catala, président de l’Observatoire de Paris et Hubert Lévy-Lambert, président d’Ars Arago, en présence de l’artiste, de Bruno Angles, président de l’AX et de François Bouchet, directeur général de l’Ecole polytechnique. »

À quelques pas de cette statue, en réalité j’aperçois bien un socle vide : c’est la souche d’un arbre rasé, sur laquelle la végétation a repris ses droits, réinvestissant l’espace. Je regarde autour de moi : une femme promène son chat parmi les bambous, une autre se remaquille. Un homme muni d’une canne, après s’être soulagé dans les buissons, retrouve le banc qui est probablement ce qui ressemble le plus, dans son existence errante, à un domicile. Au fond du square, on devine les jardins de la Société des gens de lettres. De l’autre côté, derrière un grillage, deux étranges sculptures qui semblent faites pour repérer les émanations extraterrestres. Un peu plus loin, des ruches et une serre métallique opaque tout droit sortie d’un film de science-fiction des années 1970.

Ressortons du Jardin de l’Observatoire, en face duquel se trouve l’original de la statue de François Arago : un socle au-dessus duquel flotte, en effet, une absence. Un socle jumeau de celui qui hante le parc.

Illustration 5
Socle de l'ancienne statue de François Arago. © Emmanuelle Favier

Une plaque rappelle l’importance du personnage. François Arago a dirigé, peu après la Révolution, le groupe de travail qui a élaboré le mètre étalon, lequel correspond à la dix-millionième partie d’un quart de méridien terrestre, soit un quart de cercle reliant un des deux pôles à l’équateur. Afin que la population se réfère bien à la même mesure, plusieurs mètres étalons sont installés un peu partout en France, au cœur des lieux les plus passants. Il y avait jadis 16 mètres étalons à Paris. Il n’en reste plus que deux, l’un place Vendôme et l’autre rue de Vaugirard. Ce nouveau système a mis du temps à être appliqué dans le pays, mais grâce aux conquêtes de Napoléon, il s’est répandu en Europe. Une grande partie du reste du monde finira par l’adopter.

Cette unification du système métrique a modifié le rapport de l’Occident tout entier à l’espace mais aussi au temps, puisqu’il s’appuyait sur le méridien de Paris, une ligne imaginaire reliant le Pôle Nord au Pôle Sud, dont la trajectoire avait été calculée par Arago lui-même. En 1911, après trente ans de négociations diplomatiques, les Britanniques finissent par avoir gain de cause, et le Méridien de Paris est abandonné au profit de celui de Greenwich, comme méridien 0.

Illustration 6
Mètre étalon de la rue de Vaugirard. © Emmanuelle Favier

Mais lisons ce que nous apprend le socle. La statue de François Arago, érigée en 1893, a été détruite en 1942 par le gouvernement de Vichy. La ville de Paris et l’État ont souhaité renouveler l’hommage public, en commandant à Jean Dibbets, en 1994…

Il s’agit bien sûr de l’artiste néerlandais Jan Dibbets, et non Jean comme le francise sur cette plaque, sans doute par réflexe nationaliste, l’employé de la mairie de Paris qui a généré ce petit texte mémoriel. En 1994, à l’occasion du bicentenaire de la naissance de l’astronome, l’artiste a rendu hommage à François Arago avec un monument dit « imaginaire ». Il a incrusté, sous le pavé parisien, 135 médaillons de cuivre de douze centimètres de diamètre, qui suivent le fameux méridien. La ligne que forment ces « clous Arago » passe par Montmartre, Pigalle, le Palais-Royal, le Louvre, le Pont des Arts, l’Institut de France, Saint-Sulpice, le Jardin du Luxembourg, l’Observatoire de Paris donc, ou encore la Cité universitaire.

Illustration 7
Un des médaillons Arago. © Emmanuelle Favier

Lorsque l’on est au pied de ce socle vide, un effet d’optique donne l’impression qu’il atteint la hauteur des immeubles, des toits haussmanniens, et qu’il surplombe les marronniers. Le vertige nous fait de nouveau baisser les yeux sur la plaque. Un médaillon y est scellé, dont on peut supposer qu’il est l’un des cent trente-cinq médaillons, des clous de Jan Dibbets. Nous sommes sur la place de l’île de Sein. Je ne sais pas très bien ce que l’île bretonne peut avoir comme rapport avec le boulevard Arago. Il va falloir faire une petite recherche.

Recherche faite, il apparaît que cette place, qui fait la jonction entre le boulevard Arago et la rue du Faubourg-Saint-Jacques, a été nommée ainsi en 1981 pour rendre hommage aux habitants mâles de l’Île-de-Sein qui, en juin 1940, ont tous sans exception rejoint l’appel du général de Gaulle. Je savoure le plaisir de retrouver ici quelques échos de la Bretagne que j’aime tant, qui plus est dans un contexte héroïque.

Je ne peux à présent résister à une petite digression buissonnière en citant, même s’il n’est pas précisément sur le boulevard, mais pour la seule poésie de son appellation, l’Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides, qui depuis une vingtaine d’années remplace le Bureau des longitudes – encore un nom délicieusement évocateur – fondé par l’abbé Grégoire.

Au numéro 91 du boulevard, un bâtiment moderne assez laid a remplacé l’immeuble où vécut Gustave Brion, peintre et dessinateur. Brion était principalement connu comme l’illustrateur des Misérables de Victor Hugo, mais aussi pour l’aventure que sa grand-tante eut avec Goethe, qui la décrit dans Vérité et poésie comme « un astre charmant » se levant sur un « ciel champêtre » – mais tout ceci est une autre histoire.

Quant à Victor Hugo, il a bien connu François Arago, qu’il décrivait comme un « grand et illustre savant libre » et qui lui a fait visiter l’Observatoire. Visite qu’Hugo raconte dans ses Proses philosophiques dont voici un extrait :

Je me rappelle qu’un soir d’été, il y a longtemps de cela, en 1834, j'allai à l’Observatoire. (…) La nuit était claire, l’air pur, le ciel serein, la lune à son croissant ; on distinguait à l’œil nu la rondeur obscure modelée, la lueur cendrée. Arago était chez lui, il me fit monter sur la plate-forme. Il y avait là une lunette qui grossissait quatre cents fois ; si vous voulez vous faire une idée de ce que c’est qu’un grossissement de quatre cents fois, représentez-vous le bougeoir que vous tenez à la main haut comme les tours de Notre-Dame. Arago disposa la lunette, et me dit : regardez.

Je regardai.

J’eus un mouvement de désappointement. Une espèce de trou dans l’obscur, voilà ce que j’avais devant les yeux ; j’étais comme un homme à qui l’on dirait : regardez, et qui verrait l’intérieur d’une bouteille à l’encre. Ma prunelle n’eut d’autre perception que quelque chose comme une brusque arrivée de ténèbres. Toute ma sensation fut celle que donne à l’œil dans une nuit profonde la plénitude du noir.

— Je ne vois rien, dis-je.

Arago répondit : — Vous voyez la lune.

J’insistai : — Je ne vois rien.

Arago reprit : — Regardez.

Un instant après, Arago poursuivit : — Vous venez de faire un voyage.

— Quel voyage ?

— Tout à l’heure, comme tous les habitants de la terre, vous étiez à quatre-vingt-dix mille lieues de la lune.

— Eh bien ?

— Vous en êtes maintenant à deux cent vingt-cinq lieues.

Le voyage que nous faisons aujourd’hui, s’il n’est pas aussi long en distance, nous projette dans le temps puisque, en arpentant ce boulevard, nous remontons près d’un siècle et demi d’histoire.

Au no 80, nichée entre une très belle demeure, un immeuble avec céramiques, bas-reliefs, brique, et un immeuble moderne extrêmement laid, on trouve la maison de l’écrivain américain Alden Brooks, né en 1882 comme Virginia Woolf – on a les repères temporels que l’on peut – et mort en 1964. L’architecture de la maison est plus marquante que son occupant, puisque Alden Brooks est surtout connu pour avoir tenté de priver Shakespeare de la paternité de son œuvre, un révisionnisme littéraire que j’ai personnellement en horreur.

La maison a été conçue par l’architecte Paul Nelson en 1928. C’est la première commande de Nelson, qui s’est formé notamment chez Auguste Perret – d’où l’ossature béton et la brique ; mais Nelson se montre plus moderne que son maître, en supprimant la symétrie dans l’emplacement des fenêtres, qui sont parfois horizontales ou carrées.

Même si elle n’a pas d’entrée sur le boulevard Arago, il est assez difficile d’ignorer la muraille de la prison de la Santé, qui a été inaugurée en 1868.

Illustration 8
Prison de la santé. © Emmanuelle Favier

Je n’ai jamais pu longer cette muraille sans essayer de m’imaginer à quoi pouvait ressembler l’existence des prisonniers, cette réalité muette, parallèle à la nôtre et pourtant au beau milieu de la ville. Je me demande s’ils entendent les sons du dehors, les voix du dehors, les voix de la vie, les cris normaux de la vraie vie, des voix qui ne sont pas des ordres. Des voix qui frémissent, qui s’interpellent, qui s’aiment. Des voix désirantes. Est-ce qu’ils entendent les voitures, les Klaxon ? Entendent-ils les gyrophares qui rassurent les badauds – l’ordre est maintenu, notre vie est bien gardée, le crime est l’affaire de ceux qui savent s’y prendre avec le mal ? Est-ce qu’ils entendent frémir le monde, celui qui n’est pas le leur, celui où l’on choisit sa compagnie et sa pitance, tandis qu’eux n’ont le choix de rien ?

À l’angle de la rue Messier, il y a une plaque : « Conrad Miret I Musté, 1906-1942, premier chef des groupes armés de la MOI, main-d’œuvre immigrée, décédé dans la prison de la Santé le 27 février 1942. Mort pour la France. »

À l’autre angle de la prison, à l’angle qu’elle fait avec la rue de la Santé qui lui a donné son nom, il y a une nouvelle plaque. Le texte est surmonté d’une croix de Lorraine et au-dessous, l’inévitable bouquet de fleurs séchées que la maire de Paris offre à ses disparus. Je lis : « En cette prison, le 11 novembre 1940, furent incarcérés des lycéens et des étudiants, qui à l’appel du général de Gaulle se dressèrent les premiers contre les occupants. » Sous le texte, quelqu’un a écrit « A bas les… » – on ne saura jamais quoi, les mots ayant été effacés.

Juste en face de cette plaque, non loin du numéro 47, à l’angle de la rue de la Santé, on trouve la toute dernière vespasienne de Paris.

Illustration 9
La dernière vespasienne de Paris. © Emmanuelle Favier
Illustration 10
La dernière vespasienne de Paris (vue depuis la chaussée). © Emmanuelle Favier

Ces urinoirs gratuits en forme de petites guérites, nous rappelle Nicolas d’Estienne d’Orves dans son Dictionnaire amoureux de Paris, datent de la monarchie de Juillet et servaient aussi bien à se soulager qu’à l’affichage des spectacles et, bien sûr, aux rendez-vous interlopes à la nuit tombée.

Au pied de la prison de la Santé, si l’on tend l’oreille, on peut entendre les appels à la grâce des condamnés à la guillotine exécutés publiquement, dont Max Bloch, un juif ukrainien condamné pour meurtre, fut en 1939 le tout dernier. Ses ultimes paroles furent À bas Hitler en yiddish. Occasion rêvée, pour Louis-Ferdinand Céline, de citer le boulevard et ses exécutions dans Mort à crédit.

Continuons. Entre les 61-67, boulevard Arago et la rue Léon-Maurice-Nordmann, se niche la Cité fleurie qu’il n’est pas difficile de manquer lorsque l’on passe, pressé par la conviction qu’il faut aller vite, d’un pas résolu sur le trottoir. Cette impasse privée regroupe une trentaine d’ateliers d’artistes, vingt-neuf chalets blancs à pans de bois construits entre 1878 et 1888, et où vécurent notamment Gauguin et Modigliani. Henri Cadiou, peintre et défenseur des cités d’artistes, fait partie des défenseurs historiques de cette cité, et un square porte son nom au no 69 du boulevard.

Pour replacer un peu les choses dans leur contexte artistique, précisons que l’année où le boulevard Arago prend son nom, 1863, est celle où s’ouvre le Salon des refusés, en marge du Salon officiel. Manet y fait scandale avec son Déjeuner sur l’herbe. C’est aussi l’année où naît le peintre Paul Signac et où meurent Delacroix, Horace Vernet et le poète Alfred de Vigny, marquant le passage d’un monde à l’autre.

Des photographies datant des années 1970, que j’ai consultées à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, montrent que la cité n’a pas changé d’apparence depuis près de cinquante ans. Surtout, elle est toujours réservée aux artistes. En 1971, elle a été sauvée d’une opération immobilière qui aurait entraîné sa destruction, et depuis 1994, ses façades et toitures sont partiellement inscrites au titre des monuments historiques. Le hameau et ses cours-jardins sont définitivement préservés.

Nous longeons, depuis le trottoir, les ateliers dont les hauts plafonds nous narguent, inaccessibles. Des passiflores grimpent le long des grilles en fer forgé, un beau figuier se dresse au milieu des bambous.

Voici, en guise d’aperçu de ce qu’était la Cité fleurie, un panneau « Histoire de Paris »

Ceux-là que l’on appelle des pelles ou des sucettes Starck, du nom du designer Philippe Starck qui les a conçues. Ces panneaux relatant le passé m’ont toujours semblé appartenir eux-mêmes à une époque lointaine, en une sorte de contamination métonymique du contenant par le contenu.

Lisons celui-ci : « En 1878, un promoteur entreprend de construire une série d’ateliers d’artistes avec les matériaux provenant du démontage de l’Exposition universelle, sur un terrain vague attenant à une petite maison du XVIIIe siècle. Le renom de ses locataires et occupants va rendre la Cité fameuse. Eugène Grasset, fondateur du style 1900 ou Pierre Roy, peintre de natures mortes surréalistes. Rodin, Bourdelle, Maillol y font patiner leurs bronzes. L’atelier de Daniel de Monfreid a été le logement précaire de Gauguin ; le n° 9, celui de Modigliani ; le n° 22 abrita Jean-Paul Laurens, puis César Domela. En 1973, l’opiniâtreté du peintre Cadiou et des artistes de la Cité Fleurie en a fait un site protégé. »

Voyons si nous pouvons y entrer, et trouver quelqu’un pour nous parler de ce que c’est que de vivre là… Mais la grille n’est pas fermée ! C’est l’ange gardien sans doute. Osons entrer à sa suite.

Dans le hall, une plaque rend hommage aux artistes et intellectuels patriotes philippins, qui se réunissaient ici dans les années 1980. Le nom de Cadiou apparaît toujours sur les plaques des boîtes aux lettres.

Entretien avec Géraldine Longueville, plasticienne.

La plasticienne Géraldine Longueville nous présente ensuite à Christophe Domino, historien d’art, qui habite également la Cité fleurie et préside l’association de défense du lieu. Il accepte de témoigner de ce qu’il aime dans le fait de vivre dans cet endroit atypique.

Entretien avec Christophe Domino, historien d’art.

Aux numéros 58 et 60, de nouveau des contrastes, puisque entre deux immeubles modernes particulièrement hideux se nichent deux très beaux bâtiments, dont l’un abrite la direction des relations internationales de l’université Panthéon Sorbonne, Paris I, avec son toit en ardoise à la Mansart, sa brique rouge et ses chiens-assis. Un vrai petit bijou.

Un des plaisirs, lorsque l’on déambule dans les grandes villes, est de dénicher les contrastes ; le choc qu’est parfois la juxtaposition d’immeubles d’époques très différentes s’apparente à celui qui vous saisit quand, de manière fugace, notre existence nous apparaît dans sa globalité, que soudain on est pris par le vertige du temps dont parle Marcel Proust à la fin du Temps retrouvé. Je cite un extrait : « J’éprouvais un sentiment de fatigue et d’effroi à sentir que tout ce temps si long non seulement avait, sans une interruption, été vécu, pensé, sécrété par moi, qu’il était ma vie, qu’il était moi-même, mais encore que j’avais à toute minute à le maintenir attaché à moi, qu’il me supportait, moi, juché à son sommet vertigineux, que je ne pouvais me mouvoir sans le déplacer. »

Au numéro 46, de nouveau, une façade remarquable, juste au-dessus d’une cordonnerie. Une rotonde avec bas-reliefs, feuilles d’acanthe, balcons en arc-de-cercle en fer forgé, des pilastres… c’est vraiment très beau. La cordonnerie elle-même n’est pas sans charme, avec son enseigne aux lettres apposées à la main, qui se décollent probablement depuis plus d’un demi-siècle.

Illustration 11

Il existe une photo, célèbre chez les passionnés de l’histoire parisienne, où l’on voit un troupeau de vaches arpenter le boulevard Arago, avec la même lenteur et la même curiosité que nous aujourd’hui. Sur cette photo, on reconnaît l’immeuble du numéro 46.

L’autobus 59 passe devant nous avec des soupirs de vieille dame. Je ne peux pas m’empêcher de penser à chaque fois à l’autobus S des Exercices de style de Raymond Queneau, comme si malgré la disparition des plates-formes et des poinçonneurs, l’autobus demeurait le moyen de transport du passé, où ne voyagent que des fantômes d’hier.

Nous voici au pied du 36 boulevard Arago. C’est l’immeuble où j’ai passé cette fameuse première nuit parisienne, dans la petite chambre tout en haut, au tout dernier étage. Les stores sont toujours les mêmes. Vingt-quatre ans… Nouveau vertige.

Le 36 se trouve à l’angle de la rue Broca, qui avait fait rêver mon enfance à travers les contes du même nom, le chef-d’œuvre de Pierre Gripari.

Quelques pas plus loin, à l’angle de la rue Pascal, se trouve le siège des éditions Karthala, spécialisées dans les essais et la littérature des pays en voie de développement. Voyons si l’on trouve quelqu’un pour nous parler.

Entretien avec Thibaut Aldrin, chargé de relations libraires pour les éditions Karthala.

Je n’ai pas pu m’empêcher de prendre un nouveau petit chemin de traverse, en m’éloignant du boulevard Arago, de quelques mètres seulement, pour emprunter la rue Pascal. Dans les jardins du centre de gérontologie qui dépend de l’hôpital Broca a survécu un pan de mur du couvent des Cordelières. Je lis le panneau historique de la Ville de Paris : « Fondation royale, le couvent des Cordelières est construit à la fin du XIIIe siècle sur le vœu de Marguerite de Provence, veuve de Saint-Louis. Cette propriété de huit hectares, hors Paris, se trouve enrichie par leur fille Blanche, qui y meurt en 1320. Plusieurs fois inondées par les crues de la Bièvre, l’église et ses annexes sont profanées et dévastées en 1590 lors du siège de Paris par Henri IV. Vendu en 1796, ce riche couvent devient le siège d’industries liées à la Bièvre : tanneries, blanchisseries. En 1834, les bâtiments sont transformés en hôpital de Lourcine. La construction du nouvel hôpital Broca, entre 1972 et 1982, les a fait disparaître, mais a permis de dégager les vestiges de l’ancien réfectoire gothique. »

Ce sont ces vestiges que depuis une vingtaine d’années j’aime revenir voir, après m’être une fois introduite dans les jardins, de nuit et par effraction – je ne devrais peut-être pas le dire à la radio, mais gageons qu’il y a prescription… C’est un endroit totalement féerique, surtout la nuit. Les résidents du centre de gérontologie bénéficient de l’une des plus belles vues possibles, une vue sur le passé qui les distrait de leur propre nostalgie.

Au no 12, tout près de l’église réformée de Port-Royal, il reste un fragment de portail que j’évoquais tout à l’heure. C’est le dernier vestige de l’église Saint-Hippolyte, détruite en 1857 au moment de l’ouverture du boulevard.

Là encore je lis le panneau historique : « Sous nos pieds se trouvent les fondations d’une église qui date peut-être de Robert le Pieux, roi en l’an mille. Au XIIIe siècle, la chapelle primitive est reconstruite et peu à peu agrandie : c’est la paroisse des Gobelins. L’église est ornée des œuvres des plus grands peintres, tapissiers, orfèvres. De nombreux membres de la famille Gobelins, les peintres et dessinateurs Michel Corneille, Van der Meulen, Jean-Baptiste Martin, Sébastien Leclerc, l’industriel et collectionneur Jean de Julienne y sont inhumés. Vendues en 1792, ces merveilles sont dispersées ou anéanties. Elle est bientôt détruite, à l’exception d’un mur latéral de la nef gothique, qui disparaît en 1867 avec le percement du boulevard Arago. »

Un nom manque parmi les personnalités inhumées dans ce fantôme d’église, celui du compositeur Marin Marais, musicien du roi.

Nous voici au terme de notre promenade, qui s’achève devant le numéro 1 du boulevard Arago, au grand carrefour des Gobelins. Dans le texte que Joris-Karl Huysmans consacre à la rivière de la Bièvre (dont il fait, je cite, « le plus parfait symbole de la misère féminine exploitée par une grande ville » et qu’il compare à « une fillette à peine pubère, (…) une naïade toute petite, jouant encore à la poupée, sous les saules »), il rappelle que la Bièvre « s’enfonce d’un côté sous les boulevards Arago et de Port-Royal, et de l’autre longe la ruelle des Gobelins ».

Tandis que filent vers l’ouest, en effet, les boulevards Arago et de Port-Royal, et vers l’est le boulevard Saint-Marcel, l’avenue des Gobelins qui n’est plus une ruelle grimpe vers le sud. Côté nord, on devine les débuts de la rue Mouffetard que j’ai fréquentée durant toute ma jeunesse, avec à son pied la librairie des Traversées qui fut longtemps L’Arbre à lettres Mouffetard.

Cette librairie a accueilli mes débuts hésitants en littérature, puisque j’y avais mis en dépôt mon premier recueil de poèmes. Je crois bien d’ailleurs qu’ils n’en avaient vendu qu’un seul exemplaire. Bien plus tard, j’ai appris que le romancier et poète chilien Roberto Bolaño – un de mes écrivains favoris – y avait fait son unique présentation dans une librairie parisienne, quelques mois avant sa mort survenue en juillet 2003. La libraire m’avait précisé que Bolaño logeait alors dans un hôtel du boulevard Arago. Depuis, je ne passe pas sur ce boulevard sans me demander quel était cet hôtel, s’il existe toujours ou s’il a été détruit. Dans un poème, j’imaginais même qu’il y vidait une bouteille de mezcal pour oublier que personne n’était venu à sa présentation, pour oublier qu’il allait mourir, pour oublier que la littérature n’était pas parvenue à le sauver et continuait sa route péripatéticienne sur les trottoirs de Paris, Santiago et Barcelone sans jeter un seul regard à sa future dépouille.

En réalité, j’ai eu beau chercher, il n’y a pas, il n’y a peut-être jamais eu d’hôtel sur le boulevard Arago, ce qui confirme Bolaño dans son statut de spectre, cette présence fantomatique qui est la sienne à mes yeux depuis que j’ai découvert son œuvre.

C’est donc avec le fantôme de Roberto Bolaño que nous achevons cette perambulation. Avec tous les fantômes de la littérature, de l’art, de l’histoire et de la science, qui ont un jour sillonné ce boulevard, peut-être attentifs aux mêmes détails que nous, en relevant d’autres sans doute qui nous ont échappé, à mon ange gardien et à moi-même. Je m’imagine, puisque j’ai tous les droits pour peupler le silence, que certains ont vécu des moments décisifs à tel angle de rue, sur telle portion du trottoir, des disputes, des ruptures, mais aussi des baisers, qui rachètent au centuple celui que je n’ai pas reçu lors de cette nuit d’il y a vingt-quatre ans. Je les imagine éprouvant des émotions qu’ils n’ont pas pris la peine de noter mais qui ont resurgi çà et là dans leur œuvre, parfois des années plus tard, car les lieux nous façonnent bien plus insidieusement qu’on ne le pense.

Quoique la littérature soit ce qui me préoccupe au premier chef, j’ai choisi pour commencer cette série une voie qui n’a que peu de références littéraires, contrairement à tant d’autres rues parisiennes. Pour compenser, j’aimerais évoquer en guise de conclusion, ultime buissonnade, une rue proche du boulevard Arago mais qui n’existe plus, la rue de Lourcine. Outre qu’elle a inspiré une célèbre comédie de Labiche, qu’elle est citée par Hugo dans Les Misérables – encore lui ! – et par Hector Malot dans Sans Famille, le fait qu’elle a disparu me paraît éminemment poétique. Elle reliait la rue Mouffetard à la rue de la Santé et traversait ce qui était, jusqu’en 1860 et l’agrandissement de Paris, le douzième arrondissement de la capitale. Elle correspondait à l’actuelle rue Léon-Maurice-Nordmann, de l’autre côté du boulevard Arago, à la rue Édouard-Quenu où se niche ma chère librairie, et enfin à la rue Broca, que j’aimerais toute ma vie en souvenir de mon enfance autant que de mes dix-huit ans. Il y aurait déjà là toutes les raisons d’aimer cette rue fantôme ; mais une dernière gît dans l’origine de son nom : « terra de lococinerium », soit le « lieu des cendres ».

Il n’est pas innocent que le générique de cette émission emprunte au groupe Sixteen Horsepower son morceau « Cinder Alley », que l’on peut traduire par « allée de cendres ». Il n’y a pas de rue des Cendres à Paris, mais une rue des Cendriers, dans le vingtième arrondissement ; rue des Franc-Bourgeois, où nous irons peut-être lors d’un prochain épisode, on trouve la Société des cendres du Marais, qui m’a toujours intriguée. Il s’agissait d’une usine de traitement des déchets des bijoutiers et joaillers, qui tentaient de récupérer l’or, l’argent ou encore le platine parmi les cendres et les poussières.

Pour en revenir à « Cinder Alley », en dehors du fait que j’aime beaucoup cette chanson, son titre m’évoque l’idée que chaque sillon qui constitue la géographie d’une ville est une perspective – au sens russe du terme – vers le passé, vers l’histoire de sa construction et de ses habitants, et qu’il s’agit de fouiller parmi les cendres qu’ils ont laissées derrière eux pour en saisir l’essence.

À bientôt, pour une nouvelle perambulation.

Cette émission a été diffusée pour la première fois le samedi 31 décembre 2022 à 19 h 00 sur l’antenne de Fréquence protestante (100.7 FM). Mixage : Arno. Un nouvel épisode sera disponible le 29 avril, et chaque cinquième samedi de l’année 2023 (soit les 30 septembre et 30 décembre).

Le générique est conçu à partir du morceau « Cinder Alley », extrait de l’album Secret South (2000) du groupe 16 Horsepower.

Voix : Jean-Baptiste Andrea

Textes cités :

Friedrich Nietzsche, Le Crépuscule des idoles

Victor Hugo, Proses philosophiques

Goethe, Vérité et poésie

Nicolas d’Estienne d’Orves, Dictionnaire amoureux de Paris

Louis-Ferdinand Céline, Mort à crédit

Marcel Proust, Le Temps retrouvé

Pierre Gripari, Contes de la rue Broca

Joris-Karl Huysmans, La Bièvre

Victor Hugo, Les Misérables

Hector Malot, Sans-Famille

Extraits sonores :

Reportage France 3 Île-de-France du 3 octobre 2017 (lien)

Roberto Bolaño, « Sobre las miserias del oficio del escritor » (lien)

Teaser de L’Affaire de la rue de Lourcine par la compagnie Les Modits, mise en scène Justine Vultaggio (lien)

Van Morrison, « Cyprus Avenue », Astral Weeks, 1968

Franck Sinatra, « Autumn Leaves »,

Jordi Savall, « Improvisation sur les Folies d’Espagne » de Marin Marais


Remerciements :

Merci à Arno pour son aide précieuse, son inventivité et sa patience. Merci à Géraldine Longueville, Christophe Domino et Thibaut Aldrin pour leurs témoignages. Merci à Jean-Baptiste Andrea pour avoir prêté sa voix à la citation de Nietzsche.

Bienvenue dans Le Club de Mediapart

Tout·e abonné·e à Mediapart dispose d’un blog et peut exercer sa liberté d’expression dans le respect de notre charte de participation.

Les textes ne sont ni validés, ni modérés en amont de leur publication.

Voir notre charte