Lundi 28 avril – Musique d’entrée : Stromae, Ma Meilleure Ennemie (proposition d’élève)
Les vacances ont presque été des vacances : je n’ai pas beaucoup travaillé. Besoin d’une vraie pause, coupure, déconnexion, entourez les mentions utiles. A ma 1ère classe du matin, je laisse 3 minutes pour se raconter les vacances entre eux. Ils sont contents, et ça me laisse 3 minutes de plus pour me souvenir comment je m’appelle et ce que je fais dans cette salle.
Dans la salle des profs : même ambiance ! Ça se raconte les vacances, et ça râle sur les élèves.
J’ai trois heures de « trous », que je consacre, entre autres, à imprimer, trier, compter les sujets des « épreuves communes » de la semaine prochaine. Toutes les classes, aux mêmes moments, auront 4 grosses évaluations de 1 à 2h, dans 4 matières, réparties sur deux matinées entières. Sorte de petit entrainement au brevet, de la 6ème à la 3ème. Les sujets triés par classe sont à rendre demain midi. Il faut aussi compter les sujets « aménagés » pour les élèves avec des troubles reconnus. Déjà, faut trouver la liste à jour…
En fin de journée, il est 21h, un collègue annonce sur WhatsApp : la secrétaire lui a précisé qu’il faut écrire les prénoms des élèves concernés sur les sujets aménagés. Tiens, c’était pas dans les consignes de départ… A faire demain matin, donc. Avant les cours, ou pendant une récré. Mais bon, les pauses qui n’en sont pas vraiment, c’est aussi le quotidien.
Mardi 29 avril – Musique d’entrée : Offspring, Come Out and Play
On continue avec les 3ème les oraux par groupes. L’un d’eux (trois !... En plus ils sont vraiment trois)… L’un des groupes, donc, se vautre : deux filles sont bien, mais Romain (1) déchiffre à peine son texte, et toute la dynamique s’effondre. Il vient me voir à la fin, au bord des larmes : « Monsieur, c’est ma faute, j’ai pas travaillé, mais je veux pas que les autres le payent ». Au même moment, Lisa (1), excellente élève qui était dans son groupe, sort. Elle est aussi à deux doigts de l’averse. En colère et déçue de la mauvaise note à venir. Je félicite Romain pour son geste, et je vais ajouter deux points aux filles…
En salle des profs, des collègues s’étonnent (encore) que les 3ème ne réussissent pas une question qui demandait une prise de recul, une mise en contexte. Une autre, qu’ils ratent un exercice de type lycée (alors qu’ils rament déjà sur ceux de niveau 3ème). La même collègue avoue que, quand elle était en lycée pro, elle en demandait beaucoup moins aux élèves. Et qu’elle est plus exigeante maintenant. Pourtant, un bon tiers de nos élèves vont ensuite aller… en lycée pro. Donc forcément, ils sont paumés.
Je me pose la question : est-ce que les élèves ratent « parce qu’ils sont nuls et ne foutent rien », ou parce qu’on leur en demande trop, vu ce qu’on a été capables de leur apprendre depuis la maternelle ?
Et pis d’abord, c’est qui, « ils » ? Une classe, c’est 26, 28, 30 individus, dont certains savent à peine lire et d’autres pourraient déjà être en première…
A propos d’apprendre, des 5ème ne connaissent pas bien leur droite et leur gauche. Ils me demandent. Je trouve un petit truc, improvisé :
- Tu es droitière ou gauchère ?
- Droitière.
- Et c’est quelle main ?
- Celle-là.
- Et ben voilà, c’est la droite.
- (…………le temps que ça fasse tilt………….) Aaaah ouaiiiiiiiiis !!
- Tu vois, t’auras pas fait 10 ans d’école pour rien.
Mercredi 30 avril – Jeudi 1er mai
Deux jours sans collège, jour férié oblige. Je corriger l’éval que les 5ème ont faite hier, sur un gros chapitre d’histoire. Je veux leur rendre avant le weekend :
- Pour moi, car la semaine prochaine, avec les épreuves communes, je vais repartir avec une belle brouette de copies à corriger. Six classes d’un coup !
- Pour eux, pour qu’ils sachent à quel point il faut bien réviser avant lesdites épreuves communes.
Je veux aussi finir de corriger les leçons que les 3ème ont écrites en groupes, et finir de préparer mes leçons de géo prêtes à imprimer pour les mêmes 3ème.
Jeudi soir (pas férié pour tout le monde, donc) : c’est fait. C’est fête !
Vendredi 2 mai – Musique d’entrée : Michou, My Life (proposition d’élève)
Ça fait deux fois en peu de temps qu’on me demande de passer du Michou, un jeune youtubeur qui chante en autotune. Ça fait marrer une partie des gosses, mais ça me fait saigner des oreilles. Je préviens en rigolant : j’en passerai plus !
Je craignais un gros absentéisme, pour cause de pont sur initiative parentale après le 1er mai. Même France Inter en parlait ce matin. Mais non. Quelques chaises vides, pour des raisons valables le plus souvent.
J’annonce aux 3ème le courage de Romain qui s’est dénoncé. Il est content que je le prenne « bien », mais après tout il s’est puni tout seul, pourquoi en rajouter une couche ? Les deux filles de son groupe gagnent deux points, elles sont surprises et contentes. Justice est faite. C’est précieux.
J’ai donné (exceptionnel !) un exo à finir à la maison, à tous mes 4ème. Ça prenait, allez, 5 minutes max. Je vérifie : dans les 3 classes, la moitié de la classe ne l’a pas fait. J’avoue que le chiffre effraie (quatre « f » en deux mots, c’est une perfffformance). Bon ! Demander du boulot à la maison n’a définitivement aucun intérêt. Ça énerve tout le monde, ça épuise des gosses fatigués, et ça fait punir ceux qui sont déjà dans la m**** (2).
Pour entraîner mes élèves avant les « épreuves communes », on fait quelques exos de méthodologie. Un peu en urgence : je ne l’ai pas fait assez avant. Je plaide coupable, je me suis encore fait avoir. Entre le besoin d’enchaîner les chapitres et celui de proposer des cours pas trop ennuyeux, j’ai encore raté des étapes « entraînement ». Je cherche la quadrature en intégrale triple du cercle binomial par coordonnées sphériques inversées (3). Il me vient une idée, quasi définitive : donner toutes les leçons déjà imprimées, presque entièrement. Dès la 6ème. Pourquoi ?
- Tout le monde a la leçon écrite proprement, c’est pas anodin vu l’écriture de certain(e)s
- Equité parfaite, personne ne s’ennuie parce qu’il ou elle écrit vite, ni ne rame parce que l’inverse
- Gain de temps considérable, et on peut se concentrer sur l’essentiel : réfléchir, chercher, comprendre, le dire et l’écrire.
Prof, c’est un long apprentissage, quand même !
Il est vendredi, 16h35, j’ai fini ce que je voulais faire avec mes 4ème. Il reste 10 minutes. Tout le monde est crevé. Je fais quoi ? Soudain, Akram et Silvio (1), deux spécialistes des questions en rafales (j’adore !), reviennent sur la Corée du Nord, et pourquoi la Corée est coupée en deux, tout ça. Parfait ! Je sors Google Maps, mes feutres, et je commence par le début : l’empire colonial du Japon en 1939. Devant une classe qui regrette presque la sonnerie, dites-donc.
(1) Tous les prénoms sont modifiés
(2) Non, pas la marine, cherche encore
(3) Ne cherche pas, ça ne veut rien dire