Lundi 30 juin
Le collège n’accueille plus d’élèves, mais les profs répondent encore à l’appel. Ce matin, les futurs 6e viennent découvrir à quoi ressemblera leur vie dans deux mois. Il est encore temps de fuir, malheureux !
Toute la journée, on constitue les classes de l’an prochain. Je suis dans l’équipe qui fabrique les classes de 3ème, en mélangeant les élèves qui sortent de 4ème. Avec des critères !
- Options et langues : on met dans les mêmes classes ceux qui font latin, allemand, etc.
- Elèves accompagné(e)s par une AESH : à regrouper, pour qu’une AESH en aide plusieurs à la fois
- Elèves à séparer : ceux qui s’entendent pas, et surtout ceux qui ont fait (ou feraient) les andouilles ensemble. Ceux-là, on les éparpille par petits bouts façon puzzle. Leur montrer qui c’est Raoul !
- Elèves à mettre ensemble : des filles, presque toujours, demandent à être avec des copines ; en général ce sont de chouettes gamin(e)s, alors on essaie de leur faire plaisir
- Faire des classes équilibrées en garçons et filles
- Faire des classes hétérogènes en niveau, avec des « 18 de moyenne » et aussi des 5
- Caler les redoublants et les nouveaux arrivants
On était une dizaine pour ce boulot, 6 classes à construire, en moins de deux heures. Avec de l’expérience et un bon tableau Excel, on fait des miracles.
On enchaine avec une réunion du « conseil pédagogique » : en gros, tout le monde et la cheffe. Qui présente une prévision pour la rentrée : nombre de 3ème redoublants, nombre de classes, d’heures, d’heures sup, de profs qui arrivent ou partent, pour chaque matière, etc. En tenant compte des infos partielles, tardives, changeantes, voire les trois, fournies par le Rectorat (ils sont joueurs, là-dedans). La cheffe a encore gagné trois brassées de cheveux blancs, mais elle y est arrivée.
Mardi 1er juillet
Je suis convoqué ! Pour corriger des copies du brevet. Ça doit durer deux jours, mais les correcteurs ont presque tous le même but : être assez efficace pour finir en une journée. Sans trop se dépêcher, pour rester juste dans l’évaluation.
Dans nos sujets de brevet, il y a toujours 4 exercices :
- Un commentaire de docs. Cette année c’est de la géo, la « Vallée de la Batterie » dans les Hauts de France
- Un texte construit. Cette année c’est donc de l’histoire : raconter l’indépendance d’une colonie, au choix. La plupart des copies parlent de l’Algérie, le cas le plus étudié en classe
- Une carte à remplir ou des dates à placer ; cette année, des dates
- Un exo d’EMC à partir de documents. Thème 2025 : l’égalité hommes-femme… qui ne faisait pas partie du programme. Les petits doivent se débrouiller avec les infos des documents et leurs connaissances personnelles.
Ce 1er juillet, il fait 40 degrés dehors et 55 copies dedans. On sue à petites gouttes, on corrige à la chaîne, en essayant de rester concentré jusqu’à la dernière ligne de la 55ème copie. Fatigant, cet exercice d’endurance multi-paramètres. Mais je veux finir : pas envie de revenir demain, pas envie de refaire 1h de route, surtout qu’il faut amener le petit à l’école avant…
Je corrige avec une dizaine d’autre collègues dans une même salle, chacun son tas de copies. On lutte pour comprendre le barème, pas toujours précis, et qu’en plus on est libres d’ajuster à notre sauce (où est donc la garantie d’équité ?). On s’annonce les plus belles perles, parce qu’il faut bien rire. On constate surtout la faiblesse des copies : cette année, je n’en corrige aucune de « très bonne », qui tournerait autour de 40 points sur 50. Tant d’efforts, pour ce résultat…
Et puis il est 16h30. J’ai fini. Je sors. Il fait 42°C. Je suis mort de fatigue.
Mais en vacances ? Pas encore.
Jeudi 3 et vendredi 4 juillet
Deux jours de réunions entre profs. Une dizaine en tout sont programmées, j’assiste à six d’entre elles.
1/ Réunion avec mes collègues d’histoire-géo. Principal point à aborder, la répartition des classes entre nous : qui prend quels niveaux, combien de classes par niveau ? On n’arrive pas à se mettre d’accord, on est trop nombreux à ne pas vouloir de 6ème cette année. C’est rare, mais ça arrive. Pas grave, la direction tranchera, et on avance.
2/ Réunion pour comprendre comment préparer les cours pour nos élèves non-voyantes ; oui, on a aussi des non-voyantes. J’en aurai sûrement une en classe l’an prochain. Ça demande un boulot de préparation assez conséquent, pour une seule élève, et c’est les profs qui s’y collent. L’école est inclusive, mais les moyens sont pas inclus.
3/ Réunion de l’équipe de prévention du harcèlement : bilan et perspectives. Equipe formée sur volontariat des profs, comme pour tous les projets de ce type, avec des heures de boulot soirs et weekends, non rémunérées, pour la beauté du geste.
4/ Réunion pour organiser des rencontres entre les anciens élèves et nos élèves de 4ème et 3ème. Une idée qu’on a eue, avec une collègue d’anglais. Si les anciens pouvaient nous aider à motiver les petits… Cette année, on a 20 élèves de 3ème sur le carreau, sans affectation : résultats trop faibles, « même » pour le lycée pro.
5/ Réunion pour préparer un plan commun d’évaluation des élèves. L’idée est de construire une base commune pour évaluer nos élèves, rester justes et équitables, offrir les meilleures chances au brevet sans tricher ni se faire engueuler par les parents, alors que l’accès au lycée (même « pro ») devient lui aussi de plus en plus sélectif… On est pas sortis du sable.
6/ Réunion sur le programme d’Education à la Vie Affective, Relationnelle et Sexuelle (EVARS) et l’Egalite Filles-Garçons (EVG). A mettre en place de la 6ème à la 3ème, plusieurs heures d’intervention par classe et par an, selon les textes. Trois profs coordonnent ça, des heures soirs et weekends, non rémunérées, pour la…
Et puis il est vendredi midi, apéro ! Les chefs font de petits discours et de grands sourires, ils sont contents (et ils ont raison) d’avoir traversé l’année sans trop de casse et avec une belle équipe. On offre des cadeaux aux collègues qui partent, qui étaient là que pour un an. On trinque, et puis on se dit au revoir, bonnes vacances, on en a bien besoin.
Et là, le prof, il part en vacances, non ?
Et bien non. Toujours pas.