J’ai pris deux décisions ce weekend.
Samedi – Je ne ferai pas d’évaluation aux 3e à la fin du chapitre qu’on travaille en ce moment, comme le voudrait la tradition. Je grouperai avec l’éval sur le chapitre suivant. Une éval par chapitre, 22 éval dans l’année pour eux, à corriger pour moi, non, je veux pas. Besoin de répit.
Dimanche – Je ne corrigerai pas de copies aujourd’hui. Je sais que je le paierai plus tard, mais là, non, je veux pas. Besoin de répit.
Lundi 29 septembre – Musique d’entrée en classe : Carmen, Ouverture (Georges Bizet)
Aux 5e et 4e, je rappelle la méthode pour « présenter-un-document », exercice incontournable de l’histoire-géo-moderne. Il faut donner la nature, l’auteur, la date, l’idée générale et la source d’un document. Je distribue la fiche méthode, ils la collent (presque tous), j’explique, puis exercice. D’abord trouver les 5 infos ; on corrige ; puis écrire les 5 infos en faisant des phrases ; on corrige ; et on recommence avec un 2ème document. Le tout en 55 minutes théoriques, 45 minutes réelles, 30 minutes efficaces. Je suis content d’avoir bouclé en une séance !
Suite de l’affaire des stylos volés (relisez les anciens épisodes) : je reçois en tête-à-tête l’élève qui avait été dénoncé par toute la classe vendredi alors qu’il était absent. Il nie farouchement, avec ses mots à lui (« nier » et « farouchement », il connait pas). Bon. Puisque 25 dénonciations ne font toujours pas un coupable, je ne peux rien faire. On en restera là. Par contre, la confiance entre la classe et moi, elle va mettre du temps à remonter. Et ils le savent.
Mardi 30 septembre – Musique : La France, itinéraire d’une polémique (Sniper, proposition d’élève)
Evaluation ce matin en 4e : « Monsieur, je comprends pas, une fois qu’on a lu le texte, on fait quoi ? » Il me faut bien 30 secondes pour lui faire réaliser que sous le texte, il y a des questions. « Ah oui, j’avais pas vu ! ». Lesdites questions prennent environ un quart de la page, je précise parce que sinon, je vous connais, vous allez dire que j’avais écrit trop petit.
Même éval : les élèves n’ont toujours pas droit à la trousse ni aux cahiers sur la table. Et je leur fais même le coup de « montrez tous l’intérieur de vos mains ». Pour vérifier. Bonne pioche ! Une élève a écrit un bout de leçon sur sa paume. Punie.
Punie aussi, celle qui s’asperge de parfum à la fin du cours, alors que j’ai rappelé juste avant, en sentant subitement une odeur de sous-Sephora-périmé, qu’on était dans une salle de classe, pas dans une salle de bain. J’étais content de ma blague, mais apparemment elle avait nui à l’explicite.
Je n’ai qu’une heure de cours cet aprem, le reste du temps je corrige des copies, longtemps. J’ai pas le temps de noter toutes les perles, je repère juste une petite de 5e qui comprend un texte entièrement de traviole. Par exemple, il est écrit « un enfant sur six travaille », et dans sa tête ça devient « les enfants travaillent dès six ans ».
Je dis souvent à mes proches que la moitié de nos élèves ne savent pas lire. J’ai pas vraiment le chiffre exact, mais l’idée est là. Même en 3e…
Et dans les couloirs, dans la salle des profs, aux toilettes, devant la photocopieuse, à la cantine, toujours les mêmes mots, les mêmes regards entre nous : déjà fatigués, sous l’eau, ras le bol.
Mercredi 1er octobre
Rien de spécial. On ne va pas inventer pour le plaisir de tirer à la ligne !
Jeudi 2 octobre – Pas de musique
En 4e : 1h de contrôle, pas de musique dans ce cas-là. Sauf le bruit des élèves qui se parlent malgré l’interdiction et ma surveillance assidue, ça me fatigue et je leur prouve. Avec des phrases courtes.
Avec « mes » 4e : élection des délégués, dans la salle « culture » habillée en bureau de vote pour l’occasion, donc pas de musique. Les applaudissements et cris de joie des élèves remplacent bien ! On a une belle ambiance, avec discours enflammés des candidats, dépouillement par les observateurs indépendants mandatés par l’ONU, on a hésité à appeler France Télé. Les heureux élus sont heureux, les perdants ont le sourire, on a passé un joli moment tous ensemble.
Me reste 1h de cours avec les 3e, j’ai eu la flemme de chercher une musique. Je leur fais étudier un extrait d’article du Monde sorti vendredi, sur les manifs des agriculteurs contre l’accord UE-Mercosur. Un bonne intro (j’espère) au chapitre sur les espaces productifs qui doivent se démerder face à la mondialisation. Et ça marche : les élèves ont plein de questions, j’explique les droits de douane et le libre-échange, et la plupart font comme moi : enlever une chaussure pour voir où c’est fabriqué. Le chapitre est lancé !
A midi je rentre chez moi. Après le bilan de la matinée et la préparation de demain, il est déjà 15h. Ça laisse peu de temps…
Vendredi 3 octobre – Musique : Maldito (Orange Blossom)
Je repère deux autres élèves qui ont triché pendant une éval. Ils étaient voisins, ils ont écrit les mêmes réponses, avec les mêmes erreurs. Ils admettent juste un peu. Donc, sous-entendu : tout. Je ne leur retire qu’un point chacun (ils avaient déjà pas une note bien haute). Bizarrement, ils râlent pas !
Un mois après son entrée au collège, une 6e parle encore de « la maitresse » pour décrire sa prof de français. C’est mignon, les petits. Mais je préfère quand même les grands : j’ai les 3e ce matin en ½ classes, on se connait bien, ils sont appliqués même quand ils bossent avec leurs copains/copines, on papote, on fait des blagues, on est à deux doigts de l’apérococazéro, et à la fin tout le monde a travaillé. Ça fait du bien, ce moment (rare !) où je ne suis pas sur le qui-vive.
J’attaque en 4e le chapitre sur l’esclavage. Avec le mot « nègre » écrit en gros au tableau, ça fait toujours son petit effet. Chaque classe arrive vite à faire le lien nègre = noir = esclavage = commerce triangulaire. Leur intelligence collective n’est plus à démontrer…
Je distribue des photos de classes, apportées en plein cours par un surveillant. Oui, on fait ça, aussi ! Je distribue avant la sonnerie, un grand moment de joie mêlée de honte pour les élèves découvrant, comparant, décryptant leurs portraits. Deux filles font le bilan : « tu vois, t’aurais pas dû mouiller autant ! ». Elles parlent des cheveux, on est bien d’accord.
Samedi 4 – Pendant que l’enfant fait la sieste, je corrige des copies. Quand l’enfant part pour sa nuit, je corrige des copies.
Dimanche 5 – Je me réveille à 5h, me lève à 6, j’en profite (est-ce le terme adapté), de 6 à 8 je rentre les notes sur Pronote, je refais les derniers plans de classes, je fais le bilan de la semaine (normalement c’est le vendredi mais j’avais une soirée), et je prépare les cours pour demain. Aurai-je un peu de répit, une fois dans le weekend, dimanche soir ? Oui. Je l’exploite pour boucler cet article.