Lundi 2 septembre
Je passe au collège pour déposer les outils de base : tasse, déca (j’amorce un sevrage partiel de la caféine), et paquet de gâteaux parce que j’ai faim toutes les 4h. Je lance les premières photocopies : ne JAMAIS les faire au dernier moment. Je repars avec un cheptel de 430 feuilles, juste pour les 12 premières heures de cours.
Retour à la maison. Jeter les vieux docs, trier, ranger, classer ceux qui restent. J’y passe du temps, mais j’en ai besoin. Bureau aligné pour esprit libéré (le premier qui chante « délivré » passe par la fenêtre). Je prépare les nouveaux plans de classe : l’an dernier mes salles avaient 4 rangées de 4 tables, cette année ce sera 3 rangées de 5. Il faut refaire les docs. Le plan de classe, c’est-à-dire quel(le) élève est à côté de qui, c’est un outil de survie : un plan mal fait, deux andouilles trop près l’un.e de l’autre, et ça devient l’entrée de Desigual un matin de Black Friday. Il faut aussi placer devant celles et ceux qui en ont besoin.
Mardi 3 septembre
Test du trajet « maison – école de l’enfant – collège ». OK, faudra partir tôt, ça circule gros. Nouvelles photocopies. Chez moi, depuis un fichier rempli par tous les profs, je récupère des infos sur certains de mes nouveaux élèves. C’est un fichier EXCEL, où les élèves sont rangés selon leur ANCIENNE classe. J’ai besoin d’un fichier WORD, où les élèves sont rangés selon leur NOUVELLE classe. Je fais la manip élève par élève : j'y passe une plombe, et j'ai pas fini.
Je découvre ce soir qu’une des classes de 3e est passée de 29 à 32 élèves. On nous avait annoncé un max de 30. Je signale le truc à la direction : les listes ne sont pas encore à jour, certains élèves sont en fait partis. Allez, une petite frayeur pour le plaisir.
Mercredi 4 septembre
C’est la rentrée ! Et le rituel : réveil sonne, café (le sevrage n’est que partiel), voiture, passage en salle des profs, ouverture de ma salle, des rideaux, allumage du PC, ouverture de la page « appel de la classe ». Je descends dans la cour chercher « mes » 4e, dont je suis prof principal. Petit coucou aux élèves que je connais déjà. Certains ont des sourires en tranches de pastèque. D’autres font semblant de ne pas me voir. Normal.
Mes 4e sont (presque) en rang. Ils me scrutent, s’entre-observent, se demandent si c’est moi, doivent déjà se dire plein de choses. En classe, j’explique les règles du collège (un peu nouvelles), le programme, le carnet, les codes réseau, la liste de leurs profs, là ils dressent une oreille. Au tirage au sort de leur place en classe, ils dressent les deux. Je leur raconte comment je fonctionne : pas de devoirs à la maison, pas de contrôle surprise, vous sortez à l’heure, vous avez de la musique en entrant en classe, et je ferai tout pour que vous soyez heureux d’être là. Ça vous va ? Ils votent pour, avec le regard de ces mecs qui viennent de traverser le Gobi et à qui tu proposes une bolée de cidre. Par contre, respect absolu des règles, et je vous préviens je rigole pas avec ça. Toujours d’accord ? Deuxième bolée de cidre.
Jeudi 5 septembre
Début des « vrais » cours, nouvelles classes, nouveaux élèves. Ne pas rater la rencontre. On n’a qu’une seule fois l’occasion de donner une mauvaise première impression (prenez le temps de relire, si besoin). C’est vrai pour les élèves mais aussi pour moi. Je sais que les élèves travaillent surtout parce qu’ils aiment bien le prof.
Je pense qu’ils ressentent vite que je suis gentil mais qu’il faut pas m'embêter. Je leur dis tout de suite que je souris pas beaucoup, mais ça veut pas dire que je suis pas content (de toute façon ils le verront), et que des fois je dis des gros mots (ça, ils l’ont déjà entendu). A la fin, une 4ème vient me voir : « Monsieur, je crois que vous êtes le seul prof qui pourra me faire aimer l’histoire-géo !! ». Bon. On a peut-être de bonnes bases.
Je retiens les premiers prénoms. Ca prendra du temps, ils sont 170. Je plains les profs de musique, de techno, de dessin : jusqu'à 18 classes, 500 prénoms à se coller dans les synapses...
Je retrouve les ex-4ème en 3ème, je les connais presque tous. Je suis vraiment heureux de les revoir, je le leur dis (juste après « bonjour »), en précisant que l’inverse n’est pas obligé. Ils se marrent. Avec eux les bases sont posées, je peux directement passer la seconde. Je me sens bien : j’ai retrouvé les enfants. Pas les « élèves », reproductibles chairs à copies, à cahiers, à contrôles, à compétences. Non : les enfants.
Vendredi 6 septembre
Je commence des cours, avec les classes que j’ai vues hier. Pour les autres, je rituelle l’accueil. Dans « ma » classe de 4ème (celle dont je suis prof principal), des filles veulent changer de place : elles sont à côté d’autres filles avec qui ça se frite. Et quand ça se frite, à 13 ans, ça fait très mal. Je leur promets une autre place. « Merci monsieur, c’est pas tous les profs qui feraient ça ».
Dans une classe de 3e, une fille est séparée de ses 3 copines, réunies dans une autre classe. Elle est désespérée. Une collègue, la CPE et moi on se dit qu'il faudrait y remédier. La cheffe est consultée : changement de classe accordé. Je retrouve la petite dans sa nouvelle classe, avec ses 3 copines. Elle est radieuse.
Ce soir, une fois le petit couché, je fais le bilan de la journée, à chaud sinon je vais oublier : remplir le cahier de texte numérique, y ajouter tous les docs distribués en classe, noter pour moi où je me suis arrêté avec chaque classe, répondre à toutes les demandes de changements de place (celui qui ou celle qui voit pas bien de loin, trop petit.e pour être au fond, assise près de filles qui la détestent…), mettre à jour les listes d’élèves, trier les docs jetés en vrac entre deux cours, préparer les cours de lundi… Tiens ? Il est 22h. Je finirai ce weekend.