Lundi 30 septembre – Musique : Dionysos, Song for Jedi
J’amène ma classe de 4e en salle info : ils se testent sur « Pix », un outil de l’éducation nationale pour l’apprentissage et de validation des compétences numériques. C’est marrant, dans cette phrase il y a plein de mots de plus de 3 syllabes, et tout de suite on s’emmerde. T’as vu ? Bon. Pendant les exercices, sur leurs ordis, le seul moment où les élèves me demandent de l’aide c’est pour savoir comment faire un tréma ou un @ sur le clavier. Je prends une bonne claque ! Décalage générationnel : certains ont appris le numérique sans jamais toucher un clavier.
En 4e, je commence le chapitre sur l’esclavage au XVIIIe siècle. J’écris en gros (et en noir !) le mot « nègre » au tableau. Exprès. Ça marche : ils sont gênés, choqués. Et on discute. Ils comprennent peu à peu la différence entre le mot d’hier (banal) et aujourd’hui (une insulte). J’espère quand même que ça les encouragera pas à relancer une mode. Le sujet est sensible ! L’an dernier, un élève n’avait pas compris que je parlais à la place des marchands du XVIIIe quand je lançais en classe : « l’esclavage, c'est génial ! ».
Pour Nassima (1), racisme et esclavage c’est la même chose. Je rame pour lui expliquer la différence. A cet âge-là, même pour les bons élèves, la connaissance précise des mots est loin d’être acquise.
- Moi : Nassima, racisme et esclavage ça ne peut pas vouloir dire la même chose, puisque quand l’esclavage est né (dans l’Antiquité !) le racisme n’existait pas. C’est un truc qui est né au XIXe siècle, quand les hommes ont commencé à « trier » les hommes. Et le mot « esclave » vient du peuple « slave » (d’ailleurs, c’est le mot anglais pour dire « esclave »). Et les slaves, c’est un peuple blanc qu’on a beaucoup mis en esclavage dans l’Antiquité. Des blancs esclaves des blancs, ça peut pas être du racisme ? Hein ? Nassima ?
- Elle : …..
- Moi : Nassima ? T’es là ?
- Elle : Oui oui…
- Moi : Bon (je m’éponge le front, les aisselles). Je sais, c’est pas simple. Mais tu comprends mieux ?
- Elle : Oui oui…
- Moi (je m’éponge les pieds, les genoux, et la tête, alouette) : Nassima ? Allô ? On a été coupés !
- Elle : Hi hi !
Elle a ri. J’ai gagné. J’essore l’éponge.
Mardi 1er octobre
J’ai pas école. Garde d’enfant malade.
Mercredi 2 octobre
Routine de préparation : les séances de la fin de semaine, ce que je dois faire pendant chaque heure avec chaque classe. Les prochains documents pour les activités en classe. Les leçons en partie préremplies pour limiter le temps d’écriture : les élèves sont trèèèèèèès lents. Ça m’évite donc d’en tuer – de chagrin ! (2), et on passe plus de temps sur des trucs vraiment utiles. Par contre, on dégomme une quantité de papier effarante à imprimer tout ça. Quel gâchis.
Préparer aussi les fiches de révision, qui leur indiquent ce qu’il faut travailler pour les « éval » (les contrôles).
Et préparer les susdites éval ! Un sujet par classe (sinon ils se refilent les infos d’une classe à l’autre) pour les élèves « classiques », un sujet par classe adapté pour les élèves avec troubles reconnus : troubles de l’attention, troubles autistiques, troubles de l’écriture, de la lecture, de la digestion du gluten après 19h (non, là je déconne) ; et un sujet adapté pour les élèves « Ulis » (Unité Localisée pour l’Inclusion Scolaire), ceux avec handicap reconnu. Qu’est-ce qu’on se marre, quand même.
Jeudi 3 – Vendredi 4 octobre – Musique : Eels, Ant Farm
Je n’ai que 4h sur ces deux jours. J’ai déplacé des cours pour être libre vendredi après-midi. C’est le moment des premières éval en 4e. Pendant l’épreuve, les élèves posent plein de questions, toutes ultra pertinentes.
- Monsieur, les réponses faut les écrire sur la carte ?
- Relis le début de la question.
- « Sur la carte… »
- Voilà.
Avec les 3e, exercice d’écriture d’un texte organisé complet (intro, développement, conclusion). C’est très difficile pour certains. Beaucoup de consignes à respecter, entre ce qu’il faut écrire (le contenu, la leçon, dans le bon ordre) et comment il faut l’écrire : des paragraphes, une intro précise, des exemples, des mots de liaison… Il y a ceux qui ont raté le cours où j’ai expliqué la méthode ; ceux qui ne se rappellent pas qu’il faut commencer par analyser le sujet (on a pourtant fait l’exercice 3 fois et je l’ai rappelé environ 87 fois virgule 4) ; ceux qui n’ont pas la leçon en entier, ceux qui bloquent sur le sujet en se demandant si c’est pas du bulgare, ceux qui ne comprennent presque rien depuis le CE1, ceux qui parlent à peine le français…
Et puis il y a ceux qui ont tout compris du premier coup, qui ont 18 de moyenne depuis le CE1, et qui depuis le CE1 s’ennuient en attendant le troupeau. Avec l’écriture d’un texte, les inégalités scolaires se voient comme un château d’eau dans le Kalahari.
Samedi 5 – Dimanche 7 octobre
Je passe le weekend en Eure et Loir (28, chef-lieu Chartres, révisez pour l’interro mardi). Fête de famille. Je ne bosse pas un instant pendant deux jours. Je sais que je vais le payer très cher. D’autant qu’un gros tas de copies va s’accumonceler (le verbe existe, j’te f’rais dire) dans les prochains jours. C’est un métier où se détendre a un côté face bien salé. D’ailleurs, impossible de publier mon article dimanche : je suis même pas là. J’ai juste la force d’écrire une ébauche lundi. Après une journée de quinze heures sans pause.
(1) Tous les prénoms sont modifiés
(2) Réplique inspirée de la série Kaamelott