Lundi 6 octobre – Musique d’entrée en classe : Serrure#5 (La Rvfleuze – prononcer « rafleuse », proposition d’élève)
Je commence par une surprise à mes 3e : l’évaluation prévue aujourd’hui n’a pas lieu ! Je lis avec délice les regards d’effarement, d’incrédulité, de joie (y’a pas éval !!!!), de déception (mais… j’ai révisé pour rien !!!!). Et j’explique : je ne vais pas faire 21 éval dans l’année, pour les 21 chapitres qu’on survole au pas de charge. Donc parfois, y’aura pas éval. Mais jamais l’inverse : toujours pas d’interro surprise. Et vous n’avez pas bossé pour rien, puisque la prochaine éval portera sur ce chapitre aussi.
Bon. Il reste quand même 2-3 filles qui ont 18 de moyenne et la déception au bord des cils. Mais c’est pas de ma faute si elles sont trop sérieuses.
En échange, lesdits 3e travaillent en groupes, sur des cartes de France où ils doivent placer les lieux touristiques, ceux des productions agricoles, à partir de… rien. Juste ce qu’ils savent et ce qu’ils imaginent. Nouveau moment d’effarement, j’adore ! Ils ont du mal à se mettre dans le bain, même pour situer les plages, mais tout le monde essaye. Je teste ce petit « jeu » sur un chapitre aussi ennuyeux qu’une pub pour de la lessive. Et peut-être que les faire réfléchir avant leur permettra de mieux mémoriser ensuite les vraies cartes ?
Alma (2), en 5e, a bien fait l’andouille vendredi. Elle a récolté 1 page de leçon à recopier, et comme elle s’est pas arrêtée elle en a cueilli une 2e juste derrière. Aujourd’hui, elle l’a évidemment « oubliée ». Dans ce cas-là : on la refait en classe. Elle n’a le temps de l’écrire qu’une fois, et marque à la fin « désolée pour mon comportement, je ne le referai plus ».
- Promis ?
- Oui, promis monsieur
- Bon, alors tu ne la recopies pas une 2e fois
- Merci monsieur !! Et vous pouvez me changer de place pour que je sois sérieuse ?
- D’accord. Je te changerai de place
Bienveillance, leitmotiv non négociable.
Mardi 7 octobre – Musique : Somewhere I belong (Linkin Park)
Il y a des signes qui ne trompent pas.
Quand dès le réveil, tu entends aux infos les résultats d’une étude internationale sur le métier de prof, qui classe la France au dernier rang pour le moral : aucune valorisation, démunis face à des élèves aux profils variés jusqu’à la grande violence, charge de travail, gestion de la classe, manque de formation… et on ne parle même pas d’argent…

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Quand, après avoir amené le petit à l’école, tu te plantes de route et prends le chemin pour rentrer chez toi au lieu de celui du collège…
Quand tu sais pas quoi faire devant des gamins qui n’osent pas parler, alors que tu les portes à bout de bras, et que tu oublies que la SEULE solution (1) c’est de les y obliger gentiment par tirage au sort...
Quand un gamin de 4ème répond « je sais pas » quand tu lui demandes de situer l’Amérique du Sud, puis « je sais pas » quand tu lui demandes les 5 continents, et que tu ne le crois pas, que tu oublies de le laisser tranquille – il a eu 6 à la 1ère éval assez facile de l’année – que tu perds de vue ton leitmotiv rappelé à l’instant…
Quand une amie, douée pour les figures de style, t’explique que « l’éducation nationale te demande de monter l’Everest en claquettes, donc un petit Pic Saint-Loup sera déjà mieux que rien » (elle est de Montpellier)…
Quand tu te rends compte que – coïncidence – la musique que tu as choisie pour les élèves ce matin c’est Somewhere I Belong (« quelque part où je me sens chez moi »), ce qui est rigoureusement l’inverse de ce que t’offre ton institution…
Quand tu t’endors sur le canapé juste après 20h30 et 4 pages de Stephen King…
Alors c’est qu’il est peut-être temps de faire une pause.
Je préviens le collège : je ne serai pas là demain.
Mercredi 8 octobre
Le médecin confirme : une pause sera bienvenue. Trois jours, pour commencer.
Programme du jour : PRESQUE rien.
Un prof en arrêt maladie est rarement en arrêt maladie.
Je fais juste le point sur mes échanges avec les parents de nos anciens élèves. Avec une collègue, on voudrait organiser (bénévolement) des rencontres entre nos anciens et nos actuels : avec leurs mots d’ados, les anciens seront bien meilleurs que nous pour parler du présent et de l’avenir. Donc envoi de mails, réception de mails, réponse aux mails, tri des réponses… C’est pas compliqué, ça prend juste un peu de temps.
Et le temps, vous le savez maintenant que vous êtes assidu à ce blog depuis un an… (3)
Jeudi 9 octobre
Je prépare le prochain chapitre pour les 3e, parce qu’il démarre la semaine prochaine et que, comme tous les autres, je dois le repenser puisque maintenant je donne aux élèves la leçon encore plus courte et déjà imprimée.
La pause me permet de réaliser combien je ne supporte plus l’enseignement « classique » : leçon, exercices, leçon, exercices, une blague pour motiver les troupes, leçon, exercice, leçon, petit débat sur la Palestine, exercice, leçon, exercice, leçon, exercice, leçon, évaluation, exercice, leçon, exercice, leçon, exercice, leçon, évaluation…
C’est chiant à lire, hein ?
Alors imaginez, à faire, pour le prof.
Et à vivre, pour les enfants.
J’ai déjà testé quelques trucs un peu différents, qui m’ont plu, bien qu’imparfaits. Et plu aux enfants aussi.
Alors c’est décidé : je change. A moyenne échelle d’abord, avec la grande dans le viseur.
Je déjeune avec une collègue qui aborde depuis 30 ans la classe de façon complètement différente. Ça fait du bien, du vent frais. Un projet commence à prendre forme…
M’en vais relever les manches et le défi. Ce qui est un zeugme classique, mais efficace.
(1) La seule que j’ai trouvée, ça ne veut pas dire qu’il n’y en a pas d’autres
(2) Tous les prénoms sont modifiés
(3) Au fait : MERCI !