Lundi 4 novembre – Musique d’entrée en classe : Current Joys, New Flesh (proposition d’élève)
Après deux semaines de pause, je ne sais pas si c’est plus dur pour les élèves ou pour moi : ils ont l’air épuisés, mais peut-être ils se disent pareil pour le prof ?
Avec les 3e, je liquide en une heure la fin d’un chapitre. Trois cartes en couleur expliquées à l’arrache sur les espaces agricoles, industriels et touristiques en France. On pourrait s’éclater là-dessus, mais il faudrait que l’année scolaire dure jusqu’en 2030…
En salle des profs aussi, le retour est dur :
- "Ils sont trop mous ! Ça leur a pas réussi, les vacances !" Pour les profs, les élèves sont soit trop mous, soit trop agités. Et toujours « ils », comme si c’étaient des clones
- "Ils savent même pas qu’il y a des élections aux Etats-Unis !" (Encore « ils »)
- "Toute façon ils s’intéressent à rien, ils suivent même pas les infos…" (Qui ? Ah oui : "ils")
- "Mon fils en CM2 il sait déjà faire ce que font mes 5ème
- "Non mais celui-là, il a un petit pois dans la tête, on est d’accord ? Et encore, un pois cassé !" (8 et demi sur 10 en note artistique pour la vanne)
Et soudain, ma collègue Carine (1) m’amène une boite de chocolats : « c’est de la part d’Aïcha (1) ! » Aïcha était en 3ème l’an dernier, elle est revenue pour la cérémonie de remise des diplômes du brevet. Elle m’a amené un cadeau, comme à 2 ou 3 collègues. J’oublie vite les petits pois.
Mardi 5 novembre – Musique d’entrée en classe : The Rolling Stones, Angie
Elections aux Etats-Unis. Je fais un sondage auprès des 3e : qui est au courant du grand événement mondial du jour ? Classe 1, ils sont 5 à lever la main. Ah ! Donc « ils » savent un peu ce qui se passe dans le monde. Classe 2, les 2/3 lèvent le doigt (et la main collatérale, sinon faut découper juste un doigt, ça salit les tables).
- Moi: Tout ça ?
- Eux: La prof d’anglais nous en parlé ce matin !
- Moi: Ah, ouf, vous m’avez fait peur.
Comment leur en vouloir ? Franchement, vous étiez passionnés par la géopolitique, à 14 ans ?
Moi oui, mais c’est parce que j’écoutais France Info dans la cuisine, le matin, tout seul...
Encore en 3e, je démarre le programme d’histoire nouvelle formule (la mienne). On fait un tour de classe de tous les événements qu’ils ont trouvés entre 1914 et aujourd’hui. Ça nous prend une heure, et ils tiennent une heure, curieux et attentifs. J’ai même pas eu besoin de sortir l’arbalète.
Contrôle d’histoire avec les 3 classes de 4ème. Je n’ai préparé que 2 sujets différents : deux classes s’enchaînent, une à 10h l’autre à 11h, donc ils ont pas le temps de se refiler des infos. Sinon, il faudrait 3 sujets. Avec la dernière classe je m’amuse un peu : il reste 20 minutes, mais j’annonce « 5 minutes ! ». Panique à bord ! Levez la grand-voile ! Remontez les stylos ! Jetez du lest ! Je demande ensuite « combien de crises cardiaques ? ». Bilan : une demi classe décédée, ils rigolent, et retournent à leur contrôle.
Par contre je n’ai passé la musique qu’une fois : je le fais pas avant les contrôles (autre chose à penser), pas avec les 5e (entrée en classe trop instable), et pas avec une classe de 3e qui est arrivée quasi toute à la bourre. Là par contre j’ai sorti l’arbalète.
Mercredi 6 novembre – Musique : Clutch, Steppenwolf
Mercredi normal, à la maison, je prépare les cours, les contrôles. J’ai une grosse séquence d’histoire à créer : je voudrais que les élèves produisent eux-mêmes les cours pour le reste de la classe. En groupes. Sur les 4 premiers thèmes de l’année. Je dois fabriquer les documents pour les guider, avec des consignes détaillées sinon ils sauront pas quoi chercher. Et la grille d’évaluation, détaillée aussi, avec 3 notes à la fin, en partie par groupe en partie par élève. Et préparer aussi leur fiche à remplir avec un travail précis à chaque cours. Sinon leur principal boulot sera de papoter avec les copains. Je peux pas leur en vouloir non plus, la plupart des adultes feraient pareil !
J’ai eu le temps d’aller chercher du pain, couper l’herbe, passer l’aspirateur et faire la vaisselle. C’est fête. J’hésite à sortir les cotillons.
Jeudi 7 novembre – Musique d’entrée en classe : The Rolling Stones, Angie (rattrapage)
Séance de méthodologie en 3e : comment décrire une image ? Avec exercice d’application sur une photo de décombres d’immeuble en Ukraine. Regardez bien, si si y’a quelqu’un au milieu !

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Bilan n°1 : presque aucun élève ne voit la jeune femme au milieu. C’était prévu.
Bilan n°2 : pour certains, le haut de l’immeuble est en bas, ou à gauche, mais pas en haut ! Celle-là, je m’y attendais autant qu’à une victoire du PSG en Ligue des Champions. J’adore ce genre de surprises ! On discute angle de vue, façade éventrée qui perturbe les repères et images à double sens. J’en cherche en direct sur Internet : et il est où le lapin, et qui voit les deux visages ?

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Retour maison pour l’après-midi. Préparation de cours. Et aussi :
Echange avec la mère d’Aïcha : je lui écris pour qu’elle remercie sa fille de ma part, pour les chocolats.
Echanges avec la collègue qui encadre les élèves Ulis, pour préparer leur sujet de contrôle. Faut les prendre un peu plus par la main, déjà qu’ils ont du mal à tenir un stylo (je me moque pas, hein !)
Echanges avec le cinéma local pour organiser une sortie ciné avec les 3e.
Echanges avec les collègues en charge de la prévention du harcèlement, pour suivre le cas d’Emma (1), l’élève de 4e sur laquelle tout le monde rigole, dont j’ai parlé avant les vacances.
Echange avec les parents d’Emma pour les tenir au courant de l’opération de sauvetage.
Vendredi 8 novembre – Musique d’entrée en classe : Arctic Monkeys, 505 (proposition d’élève)
Aïcha répond à mon mail : avec 3 autres profs (qu’elle cite), on lui a permis de passer la meilleure année d’école de sa vie. Je transfère auxdites collègues, ça nous rend tout guillerets (mot qui n’est plus utilisé depuis 1987, je crois).
Trois cours ce matin pour Emma : mi-crise d’angoisse, mi-calme, et re-mi crise derrière (2). Elle finit à la Vie Scolaire, appel aux parents, faut qu’elle rentre chez elle. Les parents découvrent au passage que leur fille fait des crises à la maison ET à l’école.
Au self, les profs et les élèves font la queue ensemble. J’attends derrière un de mes élèves.
- Vous voulez pas passer devant nous, Monsieur ?
- Ben non, j’attends comme vous, vous avez faim vous aussi, non ?
- Ah bon ? Les autres profs, ils nous passent devant…
Au même moment, deux profs nous dépassent. On se regarde, le petit et moi ; on se comprend.
Chapitre sur les Lumières en 4e. J’explique la séparation des pouvoirs avec un exemple : deux élèves voisins décident que le premier qui dépasse la moitié de la table avec son coude prend une gifle. Top départ. Et paf, imaginons que d’un coup Clara (1) colle une gifle à Saïd (1). Allez Clara, vas-y !
Là, c’est marrant, tout le monde suit. Je pense qu’ils espèrent la gifle mais Clara ne craque pas. J’invente ensuite un élève juge indépendant. Et à la fin ils ont compris Montesquieu.
J’explique aussi qu’au XVIIIe siècle, il n’y avait que les livres pour faire connaitre ses idées. Karim (1) me demande si moi aussi j’ai connu la période où il y avait que les livres. Je me rappelle que moi non plus j’ai pas le droit de gifler les gosses, et je me marre en le remerciant. Allez Karim, bon weekend !
(1) Tous les prénoms sont modifiés
(2) quasi-copyright Astier / Kaamelott