Emploi du Temps

Abonné·e de Mediapart

57 Billets

0 Édition

Billet de blog 23 novembre 2025

Emploi du Temps

Abonné·e de Mediapart

preuves en direct

Emploi du Temps

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Lundi 17 novembre – Musique d’entrée en classe : Song for Jedi (Dionysos)

Je travaille avec les 4e sur la méthode de description d’image. Au moment où j’explique qu’une photo n’est jamais la réalité, certains froncent les sourcils. Faisons la preuve en direct ! Qui a son téléphone avec lui, allumé ? Lucie ? (1) Alors viens au tableau, et prends la classe en photo. Là, les autres paniquent, je rassure : elle ne va pas vraiment la prendre !

  • C’est bon, Lucie, tu vois tout le monde ?
  • Non, pas ceux tout devant sur les côtés, je me déplace.
  • Et là, c’est bon ?
  • Oui !
  • (Un élève devant nous) Non, elle vous voit pas, monsieur !
  • Ah ! Alors je me déplace ?
  • Oui !
  • OK, mais vous voyez, c’est déjà plus la réalité… Et là, Lucie ?
  • C’est bon !
  • (Une autre élève) Oui mais on voit pas Lucie !
  • Ah ! Donc comment on fait ?
  • (Collectif) En selfiiiiiie !
  • OK, vas-y. Et du coup, c’est la réalité, cette photo ?
  • Ben….
  • Et Lucie, tu vois les cartes au mur ?
  • Ben… non…
  • Et le tableau ?
  • Non.
  • Et mon bureau ?
  • Non.
  • Et la porte ? Alouette. Tu peux retourner t’asseoir.

Ils ont compris.

Avec les 3e, c’est la droite et la gauche en politique, que j’explique, avant d’aborder le communisme et le fascisme de l’entre-deux-guerres. Par exemple, à droite on est plutôt pour les traditions, pour que les choses ne changent pas. Chloé (1) murmure : « ah bah alors je suis de droite ». Puis c’est l’extrême droite, ils me parlent direct de Zemmour (ils sont donc les seuls à se souvenir du gars). A la fin du cours, Chloé se précipite : « en vrai je suis pas de droite, hein, monsieur, je suis pas raciste ! » On a bien avancé.

En salle informatique juste à côté, une collègue a hurlé pendant toute l’heure. On a entendu une porte claquer. Chloé (la même) lâche : « elle les frappe ou quoi ? ». A priori non, mais c’est toujours un moment fragile, la salle info. Les gosses sont excités, les profs stressés. On s’amuse rarement.

Mardi 18 novembre – Musique : Trankillement (Fatal Bazooka, proposition d’élève)

En 4e on parle des Lumières et de philo, je leur déconseille de lire Kant, que même moi j’ai rien compris. Ah bon, disent-ils ? Je cherche en direct un extrait des « Prolégomènes à toute métaphysique future… », rien que le titre ils se marrent, et ça empire au fil des phrases.

  • (Eux) Mais c’est compliqué la philo !
  • (Moi) Pas forcément, on peut le faire en maternelle.
  • Mais non !
  • Mais si ! Tenez, par exemple : dans la cour, un enfant en frappe un autre, que doit faire l’autre ?

Et les voilà qui débattent : en parler à la maitresse ? Lui écraser la tronche ? Ne pas répondre ! Discuter avec celui qui a frappé… ? Et voilà, les enfants. Vous venez de faire de la philo, sur la question : comment rendre la justice ?

Silence dans la salle. On entendrait Kant méditer.

Autre démonstration en live de la séparation des pouvoirs, avec d’autres 4e. Prenons Léna et Hugo (1) à leur table, et Léna décide une nouvelle loi : celui qui dépasse de sa moitié de table prend une baffe. Puis elle prétend d’un seul coup que Hugo a dépassé, et lui colle une baffe.

  • (Léna, paniquée) En vrai, monsieur ??
  • Non, Léna, pas en vrai. Mais est-ce que ça vous parait juste ?
  • Non !
  • Et pourquoi ?
  • Ben, Hugo il a rien fait !
  • Voilà. Ça, c’est quand c’est le même qui fait les lois et qui juge. Et si on décide que c’est Rémi (1), derrière eux, qui va surveiller si quelqu’un dépasse sa moitié, et punir s’il y a faute ?
  • Ben, c’est mieux.
  • Voilà. Là, on a séparé les pouvoirs.
  • Ah, ouaiiiis…

Ils ont compris.

Rentré chez moi, je bosse tout l’aprem et une partie de la soirée : cinq heures au total. J’ai fait de tout, sauf préparer mes cours. Corrigé des éval, rempli des bulletins, préparé des réunions, répondu aux mails, j’en passe des vertes et des très, trop mûres.

Mercredi 19 novembre – Musique : Love is all (Roger Glover & Ronnie J. Dio)

Avec des 4e, petite vidéo sur les « salonnières » du XVIIIe siècle, qui tenaient salon au milieu des artistes, ministres et autres intellectuels. Les élèves me surprennent, posent des questions. On dérive sur le rôle des femmes chez les aristos, sur Desperate Housewives, sur « la richesse c’est l’espace » (slogan de géographe)…

La même classe découvre qu’une photo n’est pas la réalité. Même mise en scène, mais cette fois on va jusqu’à parler des yeux qui ne voient pas « tout », des longueurs d’onde de la lumière visible, des abeilles qui voient les fleurs en ultra-violets. « Mais monsieur, comment on sait que l’abeille elle voit comme ça ? » On voyage loin, en cours d’histoire !

Jeudi 20 novembre – Musique : Love is all

J’ai cette chanson dans la tête depuis trois jours ! Je la remets aujourd’hui, mais ça persiste. Je vais finir par devoir « Connemara-sardou-ter » pour oublier…

Elsa (1) est en 3e et en classe « Ulis » (donc avec handicap reconnu). Quand personne ne l’aide, elle n’essaie même pas de travailler : la trouille, et puis elle ne comprend vraiment pas tout. Ce matin ils bossent en groupe, je sens qu’elle va rien faire. Je lui propose de regarder une affiche de propagande hitlérienne, et chercher quelques infos dessus pour en parler ensuite aux copains du groupe. Elle écrit quatre lignes. C’est une petite victoire.

Encore de l’analyse d’image, avec ma dernière classe de 4e. « Monsieur, c’est ce que vous avez déjà fait avec les 4eF ? » Donc ils en parlent entre eux. Ça fait plaisir ! Je m’amuse avec la plongée et la contre-plongée, je monte sur une chaise pour en dominer deux, puis je m’assois à leurs pieds.

  • Alors, Amine (1), ça fait quel effet de me voir comme ça devant toi ?
  • Ben… C’est cool, monsieur !

CQFD.

Vendredi 21 novembre – Musique : Lesambilo (Ckycky, proposition d’élève)

A partir de 2026, les enseignants auront l’obligation d’adhérer à la mutuelle santé de la MGEN, qui gère déjà notre sécurité sociale. Les informations qui circulent, dans le milieu syndical et parmi certains députés, vont dans le même sens : il semble qu’on va parfois payer plus cher pour des prestations inférieures. Même si le Ministère en prend une partie en charge. Quelle joie. Et puis rien que le caractère obligatoire, déjà…

Retour en 4e, nouvelle improvisation : je prouve en direct qu’on peut décrire une image en faisant un TRÈS grand texte. Avec ChatGPT. Choqués, ils sont ! Evidemment, eux ils s’en servent que pour tricher et faire le boulot à leur place. Je demande d’abord à l’I. A. une description niveau CE1. Certain(e)s élèves réalisent qu’ils y sont à peine. Ensuite, niveau 4e : « ah oui, quand même ! » Une dizaine de lignes, c’est hors de portée pour la plupart. Et je m’amuse ensuite à demander une description en plus de 1000 mots. Sur l’écran, les lignes de texte défilent, longtemps… longtemps… longtemps… Ça finit par les faire rire, j’entends un « non mais là il raconte ses vacances ! »

Vous comprenez, qu’on peut ? Donc, petit exo pour lundi : vous essayez de compléter votre première description. Verdict lundi.

Fin de semaine avec les 5e, qui travaillent en groupes. Sont très agités, c’est vendredi aprem mais quand même. Il y en a un qui se lève pour attraper les cheveux de son voisin derrière, avec l’excuse « il me cherche ! ». Et en trois séances certains n’ont presque rien fait (c’était prévu, je les testais). Alors je m’énerve un bon coup, et je préviens : dès lundi, je resserre les boulons.

S’ils savent pas ce que ça veut dire, ils pourront toujours demander à ChatGPT.

(1) Tous les prénoms sont modifiés

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.