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Billet de blog 25 octobre 2024

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La vie quotidienne d'un prof - semaine 7

En vacances ? Pas tout à fait.

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Lundi 21 octobre

Les élèves sont en vacances, moi aussi.

Ils ont des devoirs, moi aussi.

     D’abord, le bilan de la semaine. Ce weekend j’ai pas eu / pris / eu envie de prendre le temps (rayez la mention inutile). Je compte les heures, et même les demi-heures passées avec chaque classe sur chaque chapitre. Pour voir si je suis en avance ou en retard sur le programme (p***** de programme). Je compte aussi les heures passées à autre chose que le programme (p***** de programme). Je note où je me suis arrêté avec chaque classe, pour préparer les cours suivants. Je finis de remplir le cahier de texte numérique. Je fais le bilan des élèves qui ont eu des punitions (p***** de punitions), ceux qui ont perdu des points pour comportement inadapté ou manque de travail en classe.

     Comportement inadapté ? Un chewing-gum, interdit. Pourtant y’en a un paquet (d’élèves, pas de chewing-gums… enfin, si, de chewing-gums aussi du coup, mais… bon, vous voyez ce que je veux dire ?). Manteau pas enlevé, interdit. Parler sans lever la main, interdit. Papoter avec les voisins, interdit. Regarder ailleurs que sur sa copie pendant l’évaluation, interdit… Je ne laisse pas passer grand-chose. Ça m’attriste, mais vu nos conditions de travail, c’est nécessaire. Ils sont 30, assis toute la journée, ils ont 13 ans et ne demandent qu’à faire des conneries. Et ils ont bien raison. Mais bon… Transmettre les règles de vie en société, c’est aussi mon boulot.

     Manque de travail en classe ? Avec moi, ils n’ont jamais de devoirs à la maison. En retour je leur demande de bosser, même un peu, même pas tout, même si c’est pas juste, même si t’as l’impression que ta réponse est nulle, je m’en fous, l’important c’est pas de réussir c’est d’essayer. Tu peux me demander de l’aide autant que tu veux. Je serai toujours là. Par contre, si vraiment tu fais rien, t’essayes même pas un peu, et que manifestement c’est par flemme de bosser, là, non. Ça aussi, parfois ça me désespère. J’essaie de pas être trop pénible avec ça. Parfois, ils s’endorment en classe. Je leurs fous la paix.

     Je corrige les copies des 5e. Ce sera fait. Je prépare les cours du lundi de la rentrée. Ce sera fait. Je prépare une fiche de suivi de la classe dont je suis prof principal. Ce sera fait. Le principe : un tableau à double entrée des élèves et des matières. Chaque prof note quand un élève ne respecte pas une règle. On fait les comptes à la fin de semaine : 3 remarques ou plus, on sévit. Ça montre aux élèves que tous les profs sont ensemble pour les suivre, ça permet de repérer les élèves les plus « perturbateurs » ou fragiles, et ça ramène un peu dans leurs tranchées ceux qui poussent le bouchon un peu trop loin (Maurice).

Mardi 22 octobre

     J’ai des nouvelles de l’élève sur qui toute la classe rigole : elle sera reçue par la CPE dès le mardi de la rentrée. Sa mère m’écrit : savoir qu’on l’a écoutée et qu’on va faire quelque chose, la petite, elle se sent déjà mieux.

     J’ai des nouvelles d’Eva (1), qui m’avait raconté, tremblante, ses pensées sombres. Elle a bien été reçue par la psy du collège : a priori rien d’inquiétant, mais elle va la revoir à la rentrée. La psy me remercie de l’avoir alertée.

J’ai l’impression d’avoir fait mon boulot. Mais je ne sais toujours pas ce que c’est, en vrai, mon boulot.

     Je prépare les prochains chapitres. Celui sur la Révolution Française avec les 4e : celui-là, pas le choix, il faut le raconter aux élèves, sinon ils ne comprennent rien. Trop de dates au jour près, de changements politiques, d’événements. Et encore, je pense qu’on leur en dit 3 fois moins qu’il y a 30 ans ! Danton, Robespierre, on évoque à peine. Les Montagnards et les Girondins, pas le temps. La guerre des tranchées ? Non, Karim, ça c’est plus tard. Cela dit, je me demande ce qu’on comprenait vraiment, à mon époque. Allez. Si à la fin j’en ai les 2/3 qui se rappellent que c’est Louis croix-vé-bâton qu’est mort, on sera bien !

Mercredi 23 octobre

     Mes élèves ne savent pas comment décrire une image : premier plan, arrière-plan, contre-plongée, vue aérienne, pour la plupart c’est du bosniaque (le chinois c’est surfait). Je me demande à quel moment quelqu’un leur a appris. En tout cas, dans les exos, certains parcourent l’image comme s’ils faisaient les courses en allant chercher le chocolat noir, puis les chips, puis retour au chocolat au lait. Et une maison, un immeuble, un gratte-ciel, une église, pour certains ça reste un « bâtiment ». Alors que d'autres, pour le même exercice, écrivent une page entière, avec sous parties surlignées, mots de liaison et conditionnel subjonctif plus-que-parfait (2).

     Alors je m’y colle : je prépare une fiche méthodo sur la description d’une image. Attends… Est-ce que par hasard il y en aurait déjà sur le web ? (………..) Ah non. Comme d’hab, je vais me démerder tout seul. Y passer trois heures. Alors que plein de collègues ont déjà dû en faire. Mais partager, chez les profs, c’est pas trop une habitude.

     Suite du chapitre sur la Révolution. Avancer, autant que possible, comme quand tu sors des tranchées (je file la comparaison, faute d’un mauvais coton). Je prépare le programme d’histoire de 3e, que je voudrais faire avec un travail en groupes où les élèves choisissent leurs sujets et se débrouillent pour l’expliquer à toute la classe. Je dois préparer les consignes, la méthode d’évaluation, le timing précis. C’est coton (je file encore la… ah mais ta goule ! Prends donc des vacances !)

Ah oui, pas con.

(1) Tous les prénoms sont modifiés

 (2) - Pff, ça existe pas ! Bravo le prof qui connait même pas le français !

      - C’est fait exprès, patate

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