Lundi 23 septembre – Musique : Linkin Park, Somewhere I belong
Il y a quatre façons de constituer des groupes d’élèves : je décide, ils décident, entre voisins, ou par tirage au sort. Je teste mes 4e : ils ont le droit de se mettre avec leurs copains et copines. Pourront-ils rester sérieux ? Première observation : pas de mixité. Groupes de garçons ou de filles. Comme dans la cour. Comme chez eux. On voit ça dès le primaire, au moins. On est vraiment deux espèces à part, je me demande comment on arrive encore à se reproduire !
Avec les 5e, j’ai LA fameuse séance où on parle de fécondité très élevée en RDC (Congo), et comment on fait pour faire moins d’enfants, et donc comment on fait pour en avoir. Je marche sur le fil du stérilet. Mais ça passe, avec beaucoup de rigolade. Parce que bon. S’ils se marrent pas là… quand ?
Avec les 3e, chapitre sur les espaces faiblement peuplés en France. Une chanson rigolote en parle très bien : Marly Gomont, de Kamini. Tout le cours y est. Les élèves adorent. Par contre, au bout de 4 fois de suite, la chanson, elle reste !
Mardi 24 septembre – Musique : TV Girl, Blue Hair (proposition d’élève)
Première « évaluation » de l’année avec les 3e. Je me souviens encore du même moment l’an dernier. Sacrebleu : le temps passe vite.
Deux classes de 4e ont réussi le test des groupes. Une l’a raté, les garçons ont fait n’importe quoi. Je les avais prévenus : ils n’auront plus le droit de choisir. Dans ces cas-là, j’ai une façon de leur dire les choses, très calme… on entend une mouche (bébé) voler dans la classe.
Imran et Léa (1) sont en 3e, en couple depuis l’an dernier. Je les croise parfois, dans la cour, sur un banc. Je ne les ai plus cette année mais on se fait toujours signe. Ce midi, pendant que je vais au self, ils m’appellent (je suis de dos) pour me dire bonjour avec deux grands sourire. Puis, au self, je me lave les mains à côté d’Assia, ancienne élève que je n’ai presque jamais entendue de l’année. « Monsieur, c’était bien vos cours ! ». Puis je déjeune dehors, seul (mes collègues restent enfermés), sur une table réservée aux profs. Léane et Julia, en 4ème, courent jusqu’au grillage qui nous isole de la cour, me crient « bon appétit monsieur, à tout à l’heure ! »
Trois petites paroles, à la suite, qui rappellent pourquoi je fais ce boulot. Pour le plaisir des élèves, leur « merci » sincère quand ils quittent la salle… De toute façon, à part eux, qui nous donne de la reconnaissance ?
Mercredi 25 septembre
Je suis déjà presque à la bourre dans la préparation des cours de 3e. Ça s’enchaine trop vite, le moindre accroc dans le quotidien se paye cher. On a plus de 20 chapitres à aborder, et avec un quart des heures prévues sur l’année qui sautent quoi qu’il arrive, ça laisse 4-5h, une semaine et demi, grand max, par chapitre. Evaluation comprise ! C’est absurde, tout le monde le sait, depuis au moins 1912 (avant Jésus-Christ).
Jeudi 26 septembre – Musique : Dire Straits, Romeo & Juliet
Dans une classe de 3e, dix absents, c’est énorme. Ils ratent une séance importante sur l’écriture d’un texte organisé (intro, développement, conclusion). Ils la rattraperont jamais vraiment, et partent donc avec 10 mètres de retard sur le sprint vers le brevet. 20 mètres, pour les plus fragiles. Double peine.
La mère de Tristan demande si je peux envoyer les leçons complètes des cours du lundi, car il sera toujours absent pour soins médicaux. Je lui dis que je ne peux pas. Je ne lui dis pas que chaque petite tache en plus est une charge que je ne veux plus supporter. Et il y a pire : on a 2 élèves non voyantes (pas dans mes classes), c’est chouette ! Mais sans les moyens pour les accompagner. Pour elles, il faut préparer tous les cours, tous les contrôles, sous format spécial, plusieurs jours à l’avance. Et les envoyer à un organisme qui traduit en braille. Une collègue est déjà à bout : plus de 10h de boulot, en 2 semaines, juste pour une de ces élèves.
Vendredi 27 septembre – Musique : Claudio Capeo, Un Homme Debout (proposition d’élève)
Dans une séance en groupes, des filles de 4e prononcent « quartier » et d’autres « quart-ch-ier » en mode banlieue-marseillaise-pied-noir. Ça s’appelle « affriquer » une consonne (merci Chloé pour l’info). En passant devant le groupe, je leur dis que non c’est pas un « quart-ch-ier ». Elles se marrent.
Quelques questions classiques de cette semaine…
- Elle : « Monsieur, c’est obligé d’écrire en rouge, ou je peux aussi le faire en violet ? »
- Moi : « En violet si tu veux, l’important c’est que ça ressorte bien » (toujours encourager l’enfant)
- Lui : « Monsieur, le document, faut le coller ? »
- Moi : « Non, tu peux en faire un avion, tu le lanceras dans le couloir à la récré » (véridique, effet garanti)
- Variante : « Non, sur la table, et tu la ramènes chez toi pour réviser » (bien observer le regard effaré de l’enfant)
- Moi : « Ce document, vous le collez à la fin du cahier… je répète : à la fin du cahier… je répète : à la FIN du cahier. »
- Elle : « Monsieur, faut le coller où ? »
- Moi : « Dans ton… !! » (non véridique, malheureusement)
Samedi 28 – Dimanche 29 septembre
Premières évaluations, donc premières corrections de copies. Pour deux classes de 3e, c’est au moins 4h tout compris : corriger, commenter, puis entrer les notes et « compétences » sur Pronote (l’outil numérique), trier les copies (je les trie par placement des élèves dans la classe, plus facile à distribuer). C’est une des principales occupations des soirées et weekends.
(1) Tous les prénoms sont modifiés