Littérature française
Marc Graciano, Le Sacret, Corti
Comme Liberté dans la montagne et Une forêt profonde et bleue, le nouveau livre de Marc Graciano, bref et dense, se situe dans un Moyen-Âge indéfini. Autour de la figure d’un garçon qui soigne un faucon blessé et d’une chasse, l’écrivain déploie, en une seule phrase travaillée, un univers à la poésie singulière.
Caroline Gutmann, Les papillons noirs, Lattès
Récit quasi autobiographique, Les papillons noirs revient sur l’expérience d’une maladie qui sépare des autres, sur la lutte pour une survie, sur l’invention d’une stratégie pour y parvenir. À partir de l’expérience intime, Caroline Gutmann diffracte les temporalités et explore son ascendance.
Stéphane Mosès, Instantanés, Gallimard
Les Instantanés de Stéphane Mosès apposent des souvenirs de son enfance berlinoise dans les années 30 et de l’exil de sa famille au Maroc pendant la guerre. Montage d’images-souvenirs, son livre invente un lien entre soi, le monde, sa mémoire, mais surtout ordonne un rapport unique entre la pensée et la littérature.
Nathalie Quintane, Un œil en moins, POL
On désespérait de lire un tel récit, en 2018, en France. Sans détours, Nathalie Quintane écrit dans le mouvement politique, reconsidéré par l’écriture. Loin du reportage ou du dogmatisme, Un œil en moins n’embellit rien de la complexité de la lutte politique et parvient, chose rare, à manifester qu’il se passe quelque chose en France aujourd’hui.
Pierre Sautreuil, Les guerres perdues de Youri Beliaev, Grasset
Pierre Sautreuil a rencontré des combattants du Donbass et en a fait un livre : Les guerres perdues de Youri Beliaev. Il y entremêle le journalisme à la forme romanesque, et c’est tout une manière de raconter l’éclatement de l’empire soviétique et le présent qui surgit.
Anthony Sitruk, La vie brève de Jan Palach, Le Dilettante
Enquête qui frôle toujours le roman, La vie brève de Jan Palach raconte tout autant l’immolation de cet étudiant de vingt ans en 1969, que la mémoire d’un grand mouvement lancé par Mai 68 et qui court jusqu’à l’effondrement du mur de Berlin en 89.
Littérature étrangère :
Rudyard Kipling, Le parfum des voyages, Chroniques et reportages (1887-1913), Bouquins
Rudyard Kipling a été longtemps l’écrivain britannique le plus lu au monde. Aujourd’hui quelque peu tombé en désuétude, il semble cantonné à un statut de célébrateur de la grandeur impériale du Royaume-Uni et à un auteur pour enfants. L’édition de Parfum des voyages, Chroniques et reportages (1887-1913) permet de relativiser ces jugements.
Laura Lindstedt, Oneiron (Quelques secondes après la mort, fantaisie), Gallimard
Oneiron est un étrange huis-clos construit autour de sept personnages de femmes venues des quatre coins du monde qui se retrouvent ensemble dans un lieu étrange où elles se rencontrent et se racontent sans fin.
Yshaï Sarid, Le troisième temple, Actes Sud
Natalie Levisalles a lu pour EaN, le roman dystopique de Yishaï Sarid, Le troisième temple. À partir de la lecture de cette « tragédie d’anticipation biblique », elle a interrogé son auteur sur la genèse de son livre, ce qu’il implique et les interprétations nombreuses qu’il suscite.
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Poésie
Jacques Darras, L’Embouchure de la Maye & À l’écoute, Castor astral
Grand spécialiste de la poésie anglaise et américaine, Jacques Darras n’a cessé d’incorporer son savoir encyclopédique à une écriture de soi, de croiser le particulier, sa pratique de traducteur surtout, avec la parole de ses poètes de prédilection. A l’occasion de la parution de L’embouchure de la Maye que viennent compléter des entretiens tout à fait éclairants, il a répondu aux questions d’EaN..
Essais
Régis Debray, Bilan de faillite, Gallimard & Civilisations : comment nous sommes devenus américains, Folio-Gallimard
Étant donné le monde dans lequel nous vivons, comment le fils de Régis Debray, futur bachelier, doit-il « s’orienter » ? Lettres, sciences-po, sciences dures ?... Dans Bilan de faillite, son père, au prétexte de répondre à ces questions, aborde l’effacement de notre civilisation dont il a parlé avec plus de détails dans l’excellent Civilisation : comment nous sommes devenus américains, publié en 2017.
Carlo Rovelli, L’ordre du temps, Flammarion
Après le succès de sept brèves leçons de physique, Carlo Rovelli explore, dans L’ordre du temps, l’une des questions les plus essentielles pour la science et la pensée d’aujourd’hui. Brillant, dynamique, son livre va puiser à toutes les sources du savoir et nous rappelle le plaisir qu’il y a à penser.
Histoire
Peter Linebaugh, Les pendus de Londres, Lux
Les pendus de Londres de Peter Linebaugh s’impose comme un classique de l’histoire sociale anglaise qui ravira les historiens et les lecteurs de Defoe, de Fielding ou de Dickens.
Philosophie
Henri Bergson, Histoire des théories de la mémoire, PUF, Thérèse Collins, Daniel Andler et Catherine Talon-Baudry (dir.), La cognition, du neurone à la société, Gallimard, Emmanuel Fournier, Insouciances du cerveau, L’Eclat & Siri Husvedt, Les mirages de la certitude, Actes Sud
En lisant les travaux du début du XXe siècle de Bergson comme en se plongeant dans les Insouciances du cerveau d’Emmanuel Fournier ou la petite encyclopédie intitulée La cognition, du neurone à la société, on pourra voir comment les avancées technologiques refondent des interrogations beaucoup plus anciennes de la philosophie.
Søren Kierkegaard, Œuvres t. I & II, Gallimard
La publication des œuvres complètes de Kierkegaard dans la Pléiade comble un vide et remet à l’honneur un philosophe dont l’influence a beaucoup décru depuis la fin des années 60. Pourtant cette édition, semblant vouloir réviser l’inscription du philosophe danois dans le courant existentialiste et le tirant du côté de la littérature, soulève bien des questions.
Claude Lévi-Strauss / Roman Jakobson, Correspondance 1942-1982, Seuil
La rencontre de Claude Lévi-Strauss et Roman Jakobson à New York où la guerre les avait exilés, n’est pas seulement celle de deux hommes mais celle de deux disciplines qui semblaient s’ignorer : l’ethnologie et la linguistique. Leur Correspondance, qui couvre quarante années, nous plonge dans l’aventure intellectuelle du structuralisme autant que dans leurs existences propres.
Arts
Gilles Tiberghien, Land Art Travelling, Fage
Land Art Travelling est un journal sur le vif tenu par Gilles Tiberghien au début des années 90. Le livre fourmille de détails et permet de se repérer dans l’évolution des pratiques du Land Art, loin des concepts arides qui l’ont un peu asséché.
Théâtre
Entretien avec Thomas Jolly
Alors qu’il monte Thyeste, Dominique Goy-Blanquet a rencontré pour EaN le metteur en scène Thomas Jolly. Leur conversation érudite et passionnante sur la réception de Sénèque, met en perspective cette mise en scène avec celle de Richard III il y a deux ans et propose des continuités, dessine des relations étonnantes entre le corpus shakespearien et la pièce de Sénèque.
Marivaux, Le Triomphe de l’amour. Mise en scène de Denis Podalydès
Le Triomphe de l’amour est une des grandes pièces de Marivaux les moins souvent représentées. La mise en scène de Denis Podalydès déçoit quelque peu l’attente suscitée.
Chroniques
Notre choix de revues (13)
Souvent, les revues nous dirigent vers des œuvres, des univers, des langues, des idées renouvelées. Ainsi, La Femelle du requin consacre ses pages à Grégoire Bouiller et Mika Biermann, Europe plante des repères dans l’œuvre de Georges Didi-Huberman et Le Philosophoire rassemble des réflexions pertinentes sur la mystique.
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