On se rappelle le « Quelle connerie la guerre » de Prévert. Que dirait le plus populaire des poètes français de voir aujourd’hui des demi-fous brandir encore l’arme atomique et d’autres bombarder sans ciller femmes, enfants et civils ? On a reconstruit Brest, plutôt bien, après « cette pluie de feu / de feu d’acier de sang » qui s’est abattue sur la ville, mais la petite chanson pacifiste de Paroles n’a rien perdu de sa force.
Pour l’éditeur René Bertelé, fondateur de la maison d’édition Le Point du jour, convaincre Prévert de publier ce volume, au terme d’« un an de pourparlers agressifs, difficiles, irritants parfois », ne fut pourtant pas une tâche facile, mais une amitié en est née, donnant lieu à une correspondance chaleureuse qui, nous dit Danièle Casiglia-Laster, apporte nombre de renseignements sur le poète et son entourage. Elle n’oublie pas d’évoquer aussi le Prévert scénariste.
Le cinéma encore avec Marion Vernoux, qui propose dans Mobile home « une autobiographie un tantinet déglinguée », autour d’une « famille de guingois » et l’amour perdu d’un célèbre réalisateur : une vie qui ressemble, nous dit Roger-Yves Roche, aux scénarios des films du même auteur : « dérangeants et attachants ».
Des vies encore, avec Marie-Hélène Lafon, qui, dans Nos vies, se fait la narratrice pleine d’empathie d’existences « décousues et routinières » dans le XIIe arrondissement de Paris, avec leur lot de frustrations et de rêveries : « des vieux, des gens, des tristes, des assis, des rassis » autour de la personnalité fascinante d’une caissière de Franprix.
Quant à François-Henri Désérable, il s’interroge dans son roman sur les identités secrètes et les métamorphoses de Romain Gary, plus mystérieux que jamais
Loin de Paris et de ses petites gens, Linda Lê fait découvrir le roman puissant de l’Indonésien Eka Kurniawan : des fantômes, des démons, des femmes fatales, des soldats immatures animent une terre ingrate que ce jeune romancier arpente, dit-elle, avec l’assurance d’un maître conteur nourri des Mille et une nuits.
Autre vie lointaine : le héros de Jeu blanc de l’écrivain Richard Wagamese, disparu il y a peu, est un Amérindien du Canada, un Ojibiwé, joueur de hockey, le « jeu blanc », partagé entre les deux cultures. L'écriture de Wagamese, note Sophie Ehrsam, a des aspects cinématographiques, mais se caractérise aussi par une perception aiguisée du monde.
Du côté des sciences humaines, Pascal Engel porte un regard averti sur le Collège de France et son rapport au savoir et Marc Lebiez, lisant Catherine Malabou, montre pourquoi à ses yeux la philosophie, œuvre de raison, ne cherche pas à mesurer l’intelligence. Michael Holland revient quant à lui sur les articles politiques du Maurice Blanchot des années trente, catholique et nationaliste. Il insiste sur la continuité de la pensée de Blanchot autour de la notion de « révolution ».
Signalons qu’En attendant Nadeau va s’enrichir d’une nouvelle chronique, musicale et discographique, intitulée Disques et due à Adrien Cauchie.
J. L., 13 septembre 2017
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