Littérature française
Jean-Christophe Bailly, Un arbre en mai, Le Seuil
Comment relater un fait historique majeur quand on l’a vécu de l’intérieur et qu’on est écrivain ? L’intérêt de la réponse que fournit Jean-Christophe Bailly à cette question tient à son refus d’exhaustivité, de posture héroïque et de maitrise théorique, d’autant plus méritoire que le sujet, mai 68, incite de manière presque irrépressible à se situer politiquement.
Honoré de Balzac, Correspondance III (1842-1850), Bibliothèque de la Pléiade
Ce volume ultime en Pléiade de la correspondance de Balzac, ogre épistolier comme il fut romancier monstre, pose un problème : sans les lettres à madame Hanska, il y a un comme un manque…
Julien Bouissoux, Janvier, L’Olivier
À la suite d'une restructuration, Janvier, employé de bureau archétypal, est oublié dans une annexe. Julien Bouissoux interroge la banalité du quotidien, notre rapport au travail, l'indifférence de l'entreprise, ainsi que notre part de libre-arbitre.
André Breton et Benjamin Péret, Correspondance 1920-1959, Gallimard
Une longue et inébranlable amitié a uni André Breton et Benjamin Péret, depuis le moment où le second est entré dans la vie du premier. Le lecteur en trouvera la riche trace dans leur correspondance, qui témoigne des rapports exceptionnels entre ces deux figures du surréalisme.
Paul Claudel, Lettres à Ysé, Gallimard
Ce fut la plus foudroyantes des rencontres, en 1900, sur un steamer en route pour la Chine, entre un jeune consul encore vierge qui voulait devenir moine, et cette « créature si radieuse et si superbe », qui inspira l’« Ysé » du Partage de midi : la publication de la correspondance entre Paul Claudel et Rosalie Vetch est un bel événement.
Maryline Desbiolles, Rupture, Flammarion
Le mot rupture pourrait figurer au pluriel sur la couverture du nouveau roman de Maryline Desbiolles. Cet événement prend des formes diverses : une catastrophe terrible à la fin des années cinquante, et ce qui transforme un jeune homme en adulte, à travers découvertes émerveillées, et tragédies.
Patrick Grainville, Falaise des fous, Seuil
De 1867 à 1927, le dernier roman de Patrick Grainville est une fresque grandiose qui nous parle d’amour, mais aussi des artistes peintres sont venus « inventer leur regard » en Normandie sur les plages d’Étretat.
Pierre Parlant, Ma durée Pontormo, Nous
Pierre Parlant déroule le détail de ses rêveries et pérégrinations inspirées par un artiste florentin du XVIe siècle : Jacopo Carruci, dit le Pontormo. Une autobiographie d'un autre écrite dans une langue admirable, précise et fluide.
Littérature étrangère
Elisabeth Asbrink, 1947 : l’année où tout commença, Stock
Des réfugiés sur un bateau à Port-de-Bouc, une émeute au Pendjab, une sombre histoire d’ovni dans un bled nommé Roswell… Elisabeth Asbrink construit un livre qui est à la fois un étonnant essai littéraire sur l’état du monde en 1947 et une réflexion intime sur son histoire familiale.
Lukas Barfüss, Hagard, Zoé
En racontant comment l’irrationnel fait irruption dans la vie d’un être jusqu’ici raisonnable, qui avait toujours contenu ses désirs dans les limites de la bienséance et cru sans sourciller aux valeurs du travail et de la réussite, Hagard confirme la place d’excellence de Lukas Bärfuss dans le paysage littéraire suisse.
Paul Beatty, Tuff, Cambourakis
Tuff, de Paul Beatty, raconte l’histoire de Winston « Tuffy » Foshay, jeune délinquant de Spanish Harlem, qui se lance dans la campagne pour un siège au conseil municipal new-yorkais. Un chef-d’œuvre comique, polyphonique et dur.
Jonathan Dee, Ceux d’ici, Plon
En décrivant la métamorphose d’une petite ville de la côte Est après le 11 septembre et l’arrivée de New-Yorkais fortunés qui en bouleversent les équilibres, Jonathan Dee explore avec finesse les fêlures de l’Amérique et les désillusions de sa classe moyenne.
Mohsin Hamid, Exit West, Grasset
Mohsin Hamid construit un roman d’une grande force imaginative sur l’oppression et l’immigration, dans lequel il mène un duo d’amoureux d’une ville tyrannisée par des envahisseurs obscurantistes à divers lieux d’exil : Mikonos, Londres, San Francisco. Sur le ton de la fable, mais en empruntant aussi au fantastique, il évoque les effets du déplacement sur ceux qui sont forcés de partir et ceux qui sont forcés de les « recevoir ».
Franz Kafka, Derniers cahiers, Nous
Cette édition des Derniers cahiers de Franz Kafka présente exactement tels qu’il les a laissés à sa mort des récits aussi célèbres que Le Terrier, Un artiste de la faim ou Josefine la cantatrice. Elle permet de constater une fois encore que ce qu’écrit Kafka est à ce point clair, qu’on en reste littéralement bouche bée, cloué, désemparé.
Philippe Sands, Retour à Lemberg, Albin Michel
Autour de la ville de Lemberg, aussi connu sous le nom de Lvov et de Lviv, carrefour aux confluents de l’Autriche, de la Pologne et de l’Ukraine, Philippe Sands signe un livre à la croisée de la grande histoire et des histoires individuelles, d’un travail de recherche et d’une démarche romanesque, d’une interrogation personnelle sur les origines et d’une réflexion générale sur la Justice pénale internationale en construction depuis les derniers grands conflits mondiaux.
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Essais
Anne Both, Le sens du temps. Le quotidien d’un service d’archives départementales, Anarchasis
Cette incursion ethnologique dans un service d’Archives départementales est un pur régal, qui amusera les archivistes comme celles et ceux qui n’ont jamais franchi la porte d’un des 101 services d’archives que compte la France.
Mara Viveros Vigoya, Les couleurs de la masculinité, La Découverte
L’ouvrage que Mara Viveros Vigoya consacre aux « couleurs de la masculinité » fera date. En étudiant l’expérience des hommes colombiens, l’anthropologue signe une contribution décisive à ce que l’on appelle aujourd’hui le féminisme décolonial.
Histoire
Mathias Engerbeaud, Rome devant la défaite (753-264), Les Belles Lettres
En analysant avec une grande finesse la présentation que l’historiographie romaine nous a transmise de la défaite, Mathias Engerbeaud signe une admirable réflexion sur la discipline historique et les usages qui peuvent en être faits.
Olivier Jandot, Les délices du feu, Champ-Vallon et Stéphane Castelluccio, L’éclairage, le chauffage et l’eau, aux XVIIe et XVIIIe siècles, Gourcurff-Gradenigo
Olivier Jandot s’intéresse aux attitudes françaises face au froid, Stéphane Castellucio explore l’usage de l’éclairage, du chauffage, et de l’eau, dans les intérieurs parisiens. Deux ouvrages qui témoignent du passage de l’ancien régime des consommations à l’époque de la profusion.
Oleg Khlevniuk, Staline, Belin
La biographie de Staline que livre Oleg Khlevniuk apporte une véritable somme de connaissances, mais peu d’élément vraiment nouveaux, des analyses souvent approximatives, voire superficielles et des oublis pour le moins surprenants.
Emanuel Ringelblum, Oneg Shabbat. Journal du ghetto de Varsovie, Calmann-Lévy
Il existe de nombreux témoignages sur l’enfermement des Juifs de Varsovie dans un ghetto, de 1940 à 1943. Le Journal rédigé par l’historien Emanuel Ringelblum, dont paraît enfin la traduction intégrale du yiddish, est sans doute le plus précieux.
Philosophie
Jean-Claude Dumoncel, La mathesis de Marcel Proust, Garnier et Patrice Guillamaud, Le charme et la sublimation, Cerf et Jean-Pierre Ezquenazi, L’analyse de film avec Deleuze, CNRS
Trois livres de Jean-Claude Dumoncel, Patrice Guillamaud et Jean-Pierre Ezquenazi illustrent la passion des structures, chez Proust, Rohmer, Deleuze. Mais faut-il vraiment aller chercher des images en s’emmêlant dans le tapis deleuzien ?
Joseph de Maistre, Correspondance, Les Belles Lettres
La correspondance encore incomplète de Joseph de Maistre, publié par Les Belles Lettres, donne l’occasion de découvrir les contours d’une âme non pas réactionnaire mais tout simplement lucide et humaine, et d’un penseur dont l’écriture magnifie la beauté et la finesse de notre langue.
William Marx, Un Savoir gai, Minuit
Témoignage en forme d’essai sur l’expérience homosexuelle, le dernier livre de William Marx offre une proposition séduisante, mais qui soulève plusieurs difficultés : l’expérience de l’homosexualité produit un regard en biais sur la société.
Arts
René Goscinny - Au-delà du rire au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme et Goscinny et le cinéma : Astérix, Lucky Luke & Cie à la Cinémathèque française
À l’occasion du quarantième anniversaire de la mort de René Goscinny (1926-1977), deux expositions parisiennes, au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme et à la Cinémathèque Française, et deux beaux catalogues, dressent un portrait de l’un des acteurs les plus importants de la bande dessinée européenne.
D’après Homère, Iliade — Odyssée, mise en scène de Pauline Bayle, Théâtre de la Bastille et Euripide, Les Bacchantes, mise en scène de Bernard Sobel, Théâtre de l’Epée de bois.
Pauline Bayle vient d’amorcer son parcours théâtral, Bernard Sobel est sur le point de le terminer. Mais ils partagent le choix de l’antiquité grecque dans leurs spectacles actuellement programmés.
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