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Billet de blog 28 février 2017

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Éditorial du numéro 27: regarder au loin

Lire les textes d’autrefois en miroir de ceux d’aujourd’hui (et non l’inverse), ce n’est pas les soumettre à un quelconque jugement d’actualité, mais montrer comment se tissent des liens qui réparent l’éloignement des temps.

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Ainsi Rabelais et ses inoubliables personnages profitent d’une nouvelle édition « bilingue » (dans la collection Quarto de Gallimard) accompagnés de commentaires vifs et gais éclairant sans les ternir les incroyables aventures. Le passage au français moderne n’est pas seulement là pour faciliter la lecture, mais pour montrer comment la langue littéraire d’aujourd’hui peut façonner de nouveau un chef-d’œuvre, sans l’embaumer. Car les formes ont besoin d’être reprises, comme le montre Thomas Clerc dans Poeasy. Sa poésie décalée assume que « la facilité n’est pas facile » et qu’elle demande un régime inédit de lecture.

Regarder très au loin peut être passionnant quand, avec André Laks et Glenn W. Most, on s’intéresse aux débuts de la philosophie, à ces présocratiques dont ne nous sont parvenus aucun livre et dont l’existence de certains est même parfois douteuse (notamment Pythagore ou Leucippe). Reconstituer dans sa singularité ce qui fut la pensée de ceux qui ont préparé le terrain de la philosophie suppose, nous dit Marc Lebiez, que l’on regarde au plus près l’usage ancien qui fut fait de chacun de ces lambeaux de pensée, afin de les dégager de la gangue dans laquelle ils ont été solidifiés il y a si longtemps. Tel est le travail auquel se sont livrés Laks et Most, dans la perspective ouverte par Jean Bollack et Heinz Wismann.

Regarder plus près est aussi une façon de voir loin dans son histoire. Ainsi d’Edgardo Cozarinsky racontant les débuts d’un écrivain dans les bas-fonds du Buenos Aires des années 1950, et qu’on pourra lire en relation avec l’important livre d’Alain Rouquié revenant sur la pérennité de la figure de Péron et dont rend compte pour nous Bernard Lavallé. Ainsi de Nicolaia Rips et de Tim Murphy racontant deux adresses mythiques de Manhattan, le Chelsea Hotel et Christodora House, qu’on pourra rapprocher d’autres livres pouvant donner quelques leçons à l’actuel président des États-Unis, comme l’incroyable roman de l’écrivaine britannique Ali Smith, Comment être double. Ainsi de Sergueï Jadan et d'Alexei Nikitine qui, en parlant de l’Ukraine actuelle font ressurgir des couches historiques antérieures.

Dans la France d’aujourd’hui, bien des attitudes devraient nous inviter à regarder plus loin. Des textes nous y aident, comme ceux d’Éric Pessan, de Mireille Gansel et de Gaëlle Obiégly qui, chacun à sa façon, luttent contre l’obscurité et l’obscurantisme. Ce que font aussi Nicolas Chevassus-au-Louis qui, propose, en remède partiel à son constat lucide et déprimant de la fraude dans les labos (l'article sera publié dans quelques jours), de « ralentir la science », ou Axel Honneth dont la capitale Critique du pouvoir est enfin disponible en français.

Et une nouvelle rubrique dans En attendant Nadeau : un parcours des revues qui nous ont plu. Bonnes lectures.

T. S., 1er mars 2017

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