Littérature française
Pierric Bailly, L’homme des bois, P.O.L.
Christian Bailly, père du narrateur-auteur, est mort de façon accidentelle en forêt, sans doute en tombant dans une fosse. Son fils mène l’enquête mais dresse surtout le portrait d’un homme comme on n’en voit plus trop, un homme droit. Cet article a été publié sur Mediapart.
Joël Baqué, La mer c’est rien du tout, P.O.L
« Personne n’a le temps de s’habituer à son enfance », écrit Joël Baqué, auteur d’un roman autobiographique sensible et juste, qui conduit le lecteur du Languedoc à la Nouvelle-Calédonie.
Matthieu Galey, Journal intégral 1953-1986, Robert Laffont
Matthieu Galey est l’auteur d’un seul livre ou presque, un journal au long cours dont paraît la première édition non expurgée, qui couvre une époque qu’il faut bien appeler charnière : depuis les années qui voient s’éloigner la guerre jusqu’à celles qui préfigurent notre aujourd’hui.
Gaëlle Obiégly, N’être personne, Verticales & Mireille Gansel, Une petite fenêtre d’or, La Coopérative
Deux livres inclassables, N’être personne, de Gaëlle Obiégly, méditation d’une femme enfermée dans les toilettes de son travail et Une petite fenêtre d’or, de Mireille Gansel, collection de souvenirs ou de pensées réconfortantes ou difficiles. Ils tiennent tous les deux du patchwork et examinent chaque chose avec la minutie grave d'un enfant qui tourne et retourne un objet.
Pierre Péju, Reconnaissance, Gallimard
Reconnaissance, de Pierre Péju, est le livre d’un homme d’expérience qui nous fait d’autant mieux partager sa vie que nous « reconnaissons », à notre tour, ce qu’elle a de commun avec la nôtre. Il nous invite aussi à retrouver la voie de l’antique sagesse, à goûter dans ce livre « la beauté fraîche et limpide de tous les départs ».
Éric Pessan, La nuit du second tour, Albin Michel
Quelque chose se joue dans La nuit du second tour qui dépasse les exhortations à sortir dans la rue pour crier haut et fort sa colère devant le délabrement politique de notre pays. Qui scrute les raisons pour laquelle un homme et une femme, citoyens d’un pays qu’ils ne savent plus aimer, prennent, chacun à leur façon, la poudre d’escampette pour tenter de comprendre leur inertie.
François Rabelais, Les cinq livres des faits et dits de Gargantua et de Pantagruel, Gallimard
Si Rabelais possède, aujourd’hui encore, des vertus de comestibilité que des textes bien plus récents n’ont déjà plus, c’est à cause du plaisir que sa lecture, principalement lorsque nous y procédons à haute voix, nous verse à profusion. Une très belle édition complète, brillante et gaie.
Shumona Sinha, Apatride, L’Olivier
Parmi les livres parus en janvier 2017, Apatride, qui met en parallèle les destins d’Esha et Mina, deux femmes indiennes confrontées à une violence brutale et invisible, est peut-être celui qui résonne le plus fortement avec l’état du monde et, avec l’état de la société française. Cet entretien vidéo a été publié sur Mediapart.
Littérature étrangère
Edgardo Cozarinsky, Dark, Grasset
Après Loin d’où (2011) et De l’argent pour les fantômes (2014), le troisième roman traduit d’Edgardo Cozarinsky, Dark, met en scène un vieil écrivain qui nous raconte ses débuts littéraires dans le Buenos Aires des années 1950 tandis qu’un jeune garçon dans l’âge adolescent cherche à prendre goût à la vie.
Luigi Guarnieri, Le sosie d’Adolf Hitler, Actes Sud
Né à Rome en 1962, Luigi Guarnieri, cinéaste, dramaturge et écrivain, n’est pas un inconnu en France où quatre de ses romans ont été traduits et publiés par les éditions Actes Sud. Dans Le sosie d’Adolf Hitler, il met en scène une enquête autour du « suicide » du 30 avril 1945.
Péter Hajnóczy, La mort a chevauché hors de Perse, Éditions Vagabonde
Dialogues de ventriloque, recueil de nouvelles de Péter Hajnóczy publié en 1998, a fait découvrir au lecteur français une voix originale et peu connue de la littérature hongroise du XXe siècle. Le roman qui paraît aujourd’hui confirme au lecteur l’importance de cet écrivain à l’existence brève. La mort a chevauché hors de Perse dépeint les souffrances d’un écrivain livré à l’alcool, abandonné à une voix intérieure qui ne laisse jamais aucun repos.
Sergueï Jadan, Anarchy in the UKR & Alexei Nikitine, Victory Park, Éditions Noir sur Blanc
Le roman de Sergueï Jadan, traduit en français aux éditions Noir sur Blanc, règle ses comptes avec un monde qui n’est plus, mais dont le souvenir reste omniprésent. Un autre écrivain ukrainien, Alexei Nikitine, plus proche de la dissidence soviétique, traite aussi de la permanence de ce monde dans Victory Park.
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Nicolaia Rips, Garder la tête hors de l’eau, une enfance au Chelsea Hotel, Pauvert & Tim Murphy, L’immeuble Christadora, Plon
Les Chelsea Hotel et Christodora House ont abrité célébrités et utopies pendant près d’un siècle dans une effervescence digne d’Halloween tous les soirs. Centres de la création artistique new-yorkaise et lieux de résidence libertaires et solidaires, ils ont marqué leur époque et résonnent encore comme matrices de journal intime et de fiction.
Ali Smith, Comment être double, L’Olivier
Ali Smith romancière contemporaine née en Ecosse publie Comment être double, livre joyeux et dramatique qui juxtapose deux histoires, l’une se déroulant au XVe siècle en Italie, l’autre au XXIe en Angleterre. Le récit d’épisodes de la vie du peintre Francesco dell Cossa et de celui d’épisodes de celle de George, adolescente britannique, ont des points communs et permettent une réflexion pleine de vivacité sur le temps, la douleur, la créativité et l’identité.
Gertrude Stein, Narration & Christine Savinel, Gertrude Stein, Autobiographies intempestives, Éditions rue d’Ulm
Les Éditions rue d’Ulm publient simultanément deux livres à propos de Gertrude Stein : Narration, première traduction en français (par Chloé Thomas) de quatre conférences données par Stein en 1935, et Gertrude Stein, Autobiographies intempestives, de Christine Savinel. Deux ouvrages essentiels pour qui s’intéresse à l’œuvre et à la pensée de l’intellectuelle américaine.
Matthias Zschokke, Trois saisons à Venise, Zoé
Matthias Zschokke, écrivain, dramaturge et ancien comédien suisse qui vit à Berlin depuis 1980, raconte avec beaucoup de drôlerie une résidence à Venise où il se rend avec sa famille. Récompensé par les pays de langue allemande qui ont su reconnaître son talent de démineur, et par la France qui lui octroie un prix Femina en 2009, il est un écrivain encore trop peu connu.
Poésie
Thomas Clerc, Poeasy, Gallimard
Après Intérieur, Thomas Clerc poursuit une oeuvre qui fait de l’absolue nouveauté le coeur d’un projet qui parvient à réconcilier la forme et le fond, l’intime et le collectif. En 751 poèmes classés par ordre alphabétique, il traverse les genres, les formes, les tons, sa vie, notre vie.
Barthélémy Schwartz, Benjamin Péret, l’astre noir du surréalisme, Libertalia
Première biographie de Benjamin Péret, un des éléments les plus irréductibles du groupe surréaliste, celui qui n’a peur de rien, scandalise le public, qui se veut « poète, c’est-à-dire révolutionnaire ». Occulté par des personnages de l’éclat d’Aragon, Breton, Éluard, Desnos, celui que ses amis appelaient affectueusement « Benjamin l’impossible » ou « notre mouton noir » est resté si longtemps dans leur ombre qu’il est devenu une étoile oubliée, « un astre noir ».
Essais
Soledad Fox, Jorge Semprún, l’écriture et la vie, Flammarion
Une biographie pas toujours tendre de Jorge Semprun, par Soledad Fox. Mais l’homme n’y est pas seulement ce qu’il cache, ce qu’il montre ou ce qu’il fait, il est aussi et surtout ce qu’il écrit.
Hélène Merlin-Kajman, L’animal ensorcelé. Traumatismes, littérature, transitionnalité, Ithaque
Comme le précédent livre d’Hélène Merlin-Kajman, Lire dans la gueule du loup, L’Animal ensorcelé traite des tâches propres de la littérature, de son rôle politique ou infra-politique et des conditions de sa transmission.
Histoire
Thierry Lentz, Joseph Bonaparte, Perrin & Nicola Todorov, La grande armée à la conquête de l’Angleterre, Vendémiaire
Cette biographie de Joseph Bonaparte, équilibrée et solidement documentée, veut réparer la tradition injuste qui fait du frère aîné de Napoléon un médiocre, lâche et cupide et observe que Napoléon aurait été bien avisé d’écouter parfois son frère. Nicola Todorov est encore plus ambitieux puisqu’il propose rien de moins qu'une réinterprétation complète de la politique extérieure de Napoléon dans la seconde partie de son règne.
Alain Rouquié, Le siècle de Perón, essai sur les démocraties hégémoniques, Seuil
Longtemps diplomate ayant exercé dans divers pays d’Amérique latine, Alain Rouquié revient avec ce livre sur ses terres de prédilection, l’Argentine, dominée pendant plus de soixante-dix ans par la personnalité et l’action politique, puis l’ombre et le souvenir mythiques, du général Perón et du système qu’il avait établi.
Philosophie
André Laks et Glen W. Most, Les débuts de la philosophie, Fayard
L’élaboration de ce monument par André Laks et Glenn W. Most a sans doute exigé des années de travail mais une chose est certaine : il est là pour des décennies.
Axel Honneth, Critique du pouvoir, La Découverte
La publication en France, trente ans après sa parution en Allemagne, de l’ouvrage qu’Axel Honneth a tiré de sa thèse aide à comprendre la distance qu’a prise son auteur avec Francfort et son École et ses principaux représentants, Adorno et Habermas. On y découvre comment s’est constituée la réflexion sur la capacité des groupes sociaux à faire évoluer leur situation, échappant ainsi à une forme de résignation face à la domination ou de limitation à une activité communicationnelle.
Sciences
Nicolas Chevassus-au-Louis, Malscience, de la fraude dans les labos, Seuil
Les scientifiques aussi sont atteints, comme le montre ce livre rigoureux et tonique, par les fake news. Heureusement même les fraudeurs n’ont pas encore invoqué les faits alternatifs. Il y a donc de l’espoir que la science continue à nous appeler ce qu’est un fait et que les journalistes puissent, au moins de loin, s’inspirer d’elle.
Cinéma
Pablo Larraín, Jackie, avec Natalie Portman
Jackie, du chilien Pablo Larraín, traite un genre peu exploré dans le cinéma contemporain : celui des Vanités. En reconstituant les jours qui ont suivi l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy, la production américaine surprend, autant par la mise à nue d'une Première Dame désemparée que par ses plans vertigineux. Cet article a été publié sur notre blog.
Théâtre
Vertiges, Texte et mise en scène de Nasser Djemaï, Théâtre des Quartiers d’Ivry. Jusqu’au 12 mars
Au Théâtre des Quartiers d’Ivry, sur le site récemment restructuré de la Manufacture des œillets, Nasser Djemaï présente actuellement Vertiges qu’il a écrit et mis en scène : un magnifique spectacle intime et politique, ancré dans l’expérience de sa propre famille et de sa propre appartenance.
Chroniques
Chronique pré-électorale (3)
« Nous eûmes droit ensuite à des déclinaisons sur ce « corbillard » si utile. » dit Jean-Luc Mélenchon, outré par l’interprétation qu’on fait de ses propos. Mais si on assimile le Parti Socialiste à un corbillard, il n’est pas absurde, par glissement métonymique et syllogistique de supposer qu’on prend celui qui le dirige pour un croque-mort.
Notre choix de revues
En attendant Nadeau effectue un petit tour des revues. Pour ce premier épisode, K.o.s.h.k.o.n.o.n.g. qui dans sa onzième livraison publie un texte inédit d’Anne-Marie Albiach et Les Cahiers de Tinbad. On s'arrêtera aussi sur l'espace de réflexion que constitue Siècle 21, sur le très beau dossier consacré à Marie-Hélène Lafon dans Les moments littéraires, sans oublier une nouveauté, L'entretien, animé par Laure Adler et Alain Veinstein.
Et sur notre blog...
Corinne Grenouillet et Catherine Vuillermot-Febvet, La langue du management et de l’économie néolibérale, Presses universitaire de Strasbourg
Le LAMEN: cette Langue du Management et de l’Économie à l’ère Néo-Libérale qui nous ronge le vocabulaire, nous parasite le langage, les Presses Universitaires de Strasbourg lui consacrent un ouvrage fort sérieux et tout à fait réjouissant, résultat d’un colloque qui s’est tenu en juin 2013 à Strasbourg croisant les disciplines de chercheurs en diverses sciences sociales.
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