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Billet de blog 20 novembre 2008

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Le G20 passe à côté des causes profondes de la crise

Après lecture de la Déclaration de Washington, l'analyse des causes prêterait à sourire si ce n'était pas le moment de se serrer la ceinture. En synthèse, certaines banques et acteurs de la finance ont joué au Casino de la bourse sans regarder d'assez près les risques pris. En effet, la diversification et la complexité des produits dérivés auraient rendu les banques aveugles et incapables de "suivre le rythme des innovations financières". Autrement dit, c'est technique.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Après lecture de la Déclaration de Washington, l'analyse des causes prêterait à sourire si ce n'était pas le moment de se serrer la ceinture. En synthèse, certaines banques et acteurs de la finance ont joué au Casino de la bourse sans regarder d'assez près les risques pris. En effet, la diversification et la complexité des produits dérivés auraient rendu les banques aveugles et incapables de "suivre le rythme des innovations financières". Autrement dit, c'est technique.

Mais la perle c'est l'article 4 et je ne résiste pas à l'envie de le citer intégralement : "Des facteurs sous-jacents majeurs qui ont influé sur la situation actuelle sont entres autres des politiques macroéconomiques incohérentes et mal coordonnées, des réformes structurelles inadéquates qui ont conduit a des résultats macroéconomiques globaux insoutenables. Ces évolutions sur les marchés financiers et les insuffisances en matière de régulation ont mené à des excès et ont finalement provoqué de graves perturbations des marchés". Qui a pratiqué ces "politiques macroéconomiques incohérentes" et engagé des "réformes structurelles inadaptées" ? On ne sait pas. C'est vague. C'est du charabia. Mais on peut retenir qu'il s'agit d'évolutions sur les marchés financiers. S'agit-il du commerce d'obligations émises par des Structure Investissement Vehicules (SIV) dont le capital est composé d'un panel de créances immobilières hypothécaires à taux variable ? Le défaut de régulation est-il que la goinfrerie des établissements financiers pour ces obligations dont le rendement élevé pouvait dépasser le coût de l'emprunt nécessaire pour les acheter et le prix à payer pour se prémunir contre leurs risques grâce à des Credit Default Swap (CDS) a fait craquer la bulle de 700.000 milliards de dollars ? Non, c'est la rémunération des dirigeants incités sur le profit à court terme qui est pointée du doigt, pas l'avidité des détenteurs ou des emprunteurs de capitaux


Rien n'est dit sur les vraies causes alors je me lance.

Cause n° 1 : la dette américaine colossale

Le grand tournant a été pris en 1971 lorsque les Etats-Unis décidèrent unilatéralement sous la présidence de R. Nixon de supprimer l'étalon or des monnaies. En résumé : l'or n'est plus le référent, c'est le dollar. "Comme l’explique l’économiste James K. Galbraith, [les États-Unis se procurent] "des produits et services réels, le fruit du dur labeur de gens beaucoup plus pauvres [que les consommateurs américains], contre la remise de chits (argent volant) qui ne leur demandent aucun effort". Citation extraite de l'excellent article publié par John Dillon en août 2006 (oui 2006 : Christine Lagarde, notre économiste en chef n'a pas du le lire) sur le site du Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers Monde. John Dillon est coordinateur du programme Justice économique globale de KAIROS.

Cette dette sert à financer les guerres en Irak et en Afghanistan, la "guerre des étoiles" ainsi que le complexe militaro-industriel, piliers du système économique américain. Les Etas-Unis, cette "super puissance", grand gendarme et bouclier du "monde libre" peut bien vivre à crédit sur le reste du monde en échange de la "protection" offerte ? Au bois de Boulogne, on appelle ça comment.

Cause n° 2 : le taux dogmatique des 15% de rentabilité des capitaux investis et la liberté des capitaux

Ce taux est exigé par les fonds de pension américains en vue du paiement de la retraite des ex-salariés. Car la retraite américaine ne résulte pas de la solidarité générationnelle de la répartition mais de la capitalisation d'une épargne placée sur les marchés financiers.

Le taux exigé par certains fonds spéculatifs peut atteindre les 20%. Ces fonds spéculatifs sont des prédateurs de richesse dont le développement durable est le cadet des soucis et qui changent de cheval au gré du mieux offrant. Quitte à laisser une ruine chancelante derrière.

40% du capital des entreprises française du CAC 40 appartient aux fonds étrangers. Ils ne sont pas là pour la beauté des Françaises, l'éternité de Paris et ils ne chantent pas la Marseillaise.

L'économie réelle des pays occidentaux ne sait pas produire malgré les gains de productivité une rentabilité de cet ordre de 15% de manière régulière. Elle serait plutôt de 3 ou 4 fois inférieure. Parce que de toute façon, d'un coté, l'accès à bas prix aux ressources devient de plus en plus difficile, et, de l'autre coté, les gens sont soit gavés, soit mal payés.

D'où une grosse pression des actionnaires et un empressement des patrons à leur botte. Où trouver de la richesse additionnelle ? Soit dans le marché financier et la maitrise instantanée de ses aléas, soit dans un comportement de chasseur bondissant sur toute proie de richesse dès qu'elle se présente de part le monde ? Une entreprise avec des profits sous-jacents dormants dans des immobilisations comme des biens mmobiliers ? Et hop, une vente ! Que dire de la vente à la découpe des immeubles parisiens et des autres grandes villes occidentales ?

Mais le vrai bonheur ce sont les "desks" de traders sur le qui vive 24h/24. Juste un exemple, sur la vente à découvert qui permet de spéculer à la baisse : je pense que la vie est belle, tu le penses aussi, nous le pensons tous, alors parions, soyons warrants que le cours de VW va baisser. Zut, Porsche rachète Volkswagen. Le cours de l'action remonte. Les vendeurs à découvert sont contraints de racheter les titres au prix fort, ce qui amplifie la hausse, car il vaut mieux "dénouer ses positions" maintenant - Jérôme Kerviel, grâce à vous, le dénouage est devenu célèbre. Mais à la SG, c'était un pari à la hausse, perdu en l'occurrence - avant que le cours ne monte de trop, donc ça le fait monter, monter. Ah la bourse ! Ca ne vous donne pas envie de jouer un peu ? Les capitaux sont libres et bien liquides malgré la crise. Pas les hommes. Eux sont asservis.

Cause n° 3 : un niveau de vie et une croissance occidentale fondés sur une consommation effrénée à crédit

Nos changements incessants de téléphone portable, de télé, de voiture, de meubles, de vêtements etc, notre malbouffe sophistiquée, nos crèmes antirides, nos voyages sous les cocotiers pour échapper au stress de la course professionnelle sont portés par le crédit qui enfle. D'abord aux Etats-Unis, suivis par les autres pays anglo-saxons comme la Grande Bretagne, l'Islande etc. et à moindre degré par la France.

Malgré les baisses d'impôt, surtout pour les plus riches, le diktat des actionnaires, la "corporate governance" ont considérablement renforcé la rémunération toujours plus importante du capital et de la richesse spéculative au détriment des salaires. Comme l'indique l'économiste Michel Husson dans un article du 23 septembre 2007, "selon la Commission européenne, la part des salaires dans l’ensemble de
l’économie est passée de 66,5 % en 1982 à 57,2 % en 2006, soit une baisse de 9,3 point
".

Cette distorsion imposée par la loi du plus fort au nom de la liberté est payée par les pays pauvres dont les ressources ne sont pas justement valorisées et qui croulent sous le fardeau de la dette odieuse, par les salariés exploités sans vergogne dans les pays usines du Monde tels que la Chine, par les travailleurs salariés précarisés et par les classes moyennes dans les pays occidentaux.

Comme les salariés américains, notamment les classes moyennes, n'ont plus l'épargne nécessaire à l'achat de leur logement ni à la consommation, vive le crédit pour tous, vive le crédit pour n'importe quoi, vive les crédits hypothécaires à taux variables (les crédits subprimes). Bingo !

Cause n° 4 : les paradis fiscaux ou le rêve de l'ile déserte

Qui n'a pas rêvé d'une île tranquille loin des vissicitudes de la grande ville, du bruit et de la fureur du business loyal, de la curiosité malsaine et très abusive, croyez-moi, du fisc et de tout ce qui ressemble à un impôt sur le revenu ou sur les bénéfices, durement gagnés comme chacun sait.
Cette île tranquille existe à nos portes et sur la terre ferme mais aussi et, finalement ça se comprend, dans quelques dizaines de vraies îles.
Conditions pour ouvrir un paradis fscal : des formalités simples et rapides pour y domicilier une société et y ouvrir un compte bancaire, pas de question sur l'origine de l'argent déposé, un secret bancaire à l'épreuve de l'inquisition et surtout, le plus important, quasiment pas d'impôt.

C'est pourquoi ces charmantes têtes d'épingle géographiques drainent environ 20.000 milliards de dollars qui échappent à l'imposition dans leur pays. Même l'Angleterre, qui ne prélève pas d'impôt sur l'activité étrangère de ses résidents étrangers, est un paradis fiscal. Les cabinets de conseil en juridique et fiscal ont encore de beaux jours devant eux. En ces temps de crise, on n'est jamais trop prudent.

Cela engendre un manque à gagner considérable pour les pays, notamment émergents ou pauvres, trop faibles ou trop corrompus pour limiter l'hémorragie. L'Occident, pour tenter d'enrayer la fuite des capitaux, a pratiqué la baisse continue de l'impôt sur les sociétés et le revenu des plus aisés. Ce faisant nos dirigeants ont creusé un peu plus le déficit budgétaire et ensuite, ils nous disent, mon pauv' mosieur, ma pauv' madam, "les caisses sont vides".

Cause n° 5 : l'immoralité naturelle de la personne morale

Comme l'expliquait bien Michael Moore dans "The Corporation" , la société anonyme par actions, l'entreprise capitaliste et singulièrement la grande entreprise mondialisé, a pris depuis son envol au milieu du 19ème siècle une importance cruciale aujourd'hui.

Pour une entreprise, les seules valeurs qui tiennent sont celles du dividende versé et du cours de l'action. Les dirigeants à profil financier, rémunérés grassement, protégés par les parachutes dorés (comme c'est beau, ils permettent d'atterrir dans un paradis fiscal), bénéficiant, comme certains cadres ou salariés privilégiés, de "stock options", ces dirigeants ont pris le pas sur les industriels. Pour favoriser le développement de ces très grandes entreprises, le néo-libéralisme a inventé le concept du marché libre, pur et juste.

Sauf que les entreprises, notamment financières, cherchent le sans risque, le profit maximum dans le délai le plus court possible et pour l'investissement minimum. Elles ne recherchent pas le développement durable et équilibré de la planète et de ses habitants. Elles se servent uniquement de ces concepts à la mode dans leur publicité pour tenter de nous endormir et de nous tromper sur leurs véritables intentions.

Nous savons qu'elles nous mentent. Nous y croyons pourtant avec une ferveur néo-libérale qui n'a d'égale que celle de la foi aveugle.

Ou plutôt, nous y croyions. Les hommes douteraient-ils ? Heureusement, le G20, le FMI et le FSF vont sauver le monde. Enfin surtout les banques. Du moins pour l'instant en apparence.

La charnière sera, de mon point de vue, ce qu'il va se passer pour General Motors, Ford et Chrysler dans les mois qui viennent. GM va faire faillite et sera placé sous la protection du fameux "Chapitre 11". Qui va payer la transition de ces mastodontes ? Les banques américaines ? Les Chinois ou les Saoudiens ? Transition vers quoi d'ailleurs ?

Les conséquences

Les conséquences environnementales, politiques, économiques et sociales de la politique néo-libérale dogmatique, religieuse et universelle sont connues : gaspillage des ressources naturelles et épuisement de la Terre, pollution, accroissement sans précédent des inégalités mondiales depuis 30 ans, avènement du terrorisme, généralisation progressive du travail précaire, pénalisation montante de la misère et de la protestation sociale, démantèlement des services publics égalitaires en vue de leur marchandisation rentable au profit des plus aisés, baisse populiste des impôts raréfiant les ressources de l'Etat et accroissant la dette qui justifie l'accélération du démantèlement des services publics, détérioration des conditions de travail du fait des politiques de "cost killing" illimitées, délocalisations massives d'activités productives et de services partagés entrainant le chomage, compétition accrue et de plus en plus féroce entre les pays. Tout ce qui protège le travailleur salarié est dénoncé comme une entrave à la "compétitivité" des entreprises capitalistes et le concert patronal est relayé, amplifié, théorisé et mis en pratique par nos dirigeants politiques.

Oui, ceux pour qui vous avez voté en 2007 et depuis 20 ans en France. Ceux là mêmes qui pratiquent une politique sécuritaire attentatoire aux libertés individuelles et collectives pour mieux faire digérer le nouveau modèle aux classes populaires et aux jeunes rebelles qui n'en veulent pas. Nous allons tout droit vers une "poutinisation" à la française. Le capitalisme n'a pas besoin de la démocratie pour fonctionner. Il n'a besoin que de son apparence. Juste ce qu'il en faut pour se rendre au centre commercial le dimanche et acheter des trucs et des machins parce que vous le valez bien.

Car voilà un schéma de sortie de crise face à la montée de la conscience populaire : le succès du populisme et le retour des empereurs.

Il ne dépend que de nous qu'il en soit autrement et que nous bousculions enfin le veau d'or et ses thuriféraires un instant triomphants.

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