Inutile de revenir sur les multiples points de l’affaire Benalla qui ont déjà été largement documentés et commentés. Retenons néanmoins qu’il ne fait aucun doute que cette affaire a été conduite dès le premier jour par le président Macron en personne (le courageux ministre de l’intérieur, toujours prêt à se défausser de ses responsabilités, et le préfet de police de Paris, l’ont d’ailleurs confirmé devant la commission d’enquête). Cette affaire nous en apprend donc un peu plus sur Emmanuel Macron.
Imaginons que le président, le 2 mai, ait décidé de faire immédiatement procéder au licenciement de l’intéressé, transmettre à la justice les éléments à charge dont l’Élysée disposait et émettre un communiqué pour justifier ces décisions. Cela aurait mis un terme au dossier et évité le scandale que nous vivons aujourd’hui. Il n’y aurait pas eu d’affaire Benalla.
Une telle attitude aurait dû s’imposer en dehors de toute considération morale, même si le président est soucieux avant tout de protéger ceux qui l’ont servi dans sa conquête du pouvoir, même s’il se moque bien de l’égalité des citoyens devant la loi (rappelons que pour Emmanuel Macron il y a ceux qui réussissent et ceux qui ne sont rien).
Une telle attitude aurait dû s’imposer tout simplement parce qu’il était évident dès le premier jour que les preuves du délit, à savoir des vidéos circulant sur le net, finiraient inévitablement, tôt ou tard, par intéresser un journaliste. Or, même après l’émergence du scandale, l’Élysée (c'est-à-dire Macron, n’en doutons pas) n’a pas rectifié le tir. L’équipe du président a été jusqu’à affirmer que les fonctions de Benalla avaient été modifiées après le premier mai alors que des centaines de photos étaient en mesure de démontrer le contraire. Comme si le pouvoir présidentiel pouvait faire disparaître ces clichés.
Cette méconnaissance stupéfiante de la réalité d’aujourd’hui nous révèle qu’Emmanuel Macron ne comprend rien au monde qui l’entoure.
Celui qui prétend incarner un « nouveau monde », qui se pique de gérer l’État comme une entreprise, qui adore utiliser à tout propos les expressions du vocabulaire anglo-saxon en vogue dans les start-up, qui ne rate pas une occasion de rappeler son âge, apparaît dans l’affaire Benalla comme un technocrate totalement démodé, un pur produit de l’ENA formé à un exercice passéiste du pouvoir, un homme d’hier, un pseudo monarque d’Ancien Régime, non seulement coupé des réalités de ses concitoyens mais surtout incapable de comprendre qu’internet a changé la donne en matière de scandale d’État. Et cette incapacité du président à comprendre le monde qui l’entoure, incapacité dévoilée par l’affaire Benalla, est sans doute l’un des aspects les plus intéressants de cette crise.
Le monarque en son palais peut bien proclamer qu’il est le maître des horloges, ce sont celles d’un temps révolu.