En 2012, la Commission européenne estimait que 1000 milliards d'euros étaient perdus chaque année du fait de la fraude et de l'évasion fiscales. Pour la France, un rapport parlementaire récent évalue ce montant dans une fourchette de 60 à 80 milliards chaque année. L'Union européenne a jugé opportun de publier en février dernier son premier rapport sur la lutte contre la corruption, évaluant le coût annuel de la corruption à 120 milliards d'euros. Il n'est donc pas étonnant que le sujet d'invite dans la campagne.
Criminalité organisée et lanceurs d'alerte :
Cinq associations, dont Anticor (France) et Libera (Italie) ont ainsi demandé aux candidats de signer le manifeste "Reprendre en mains le futur". Les candidats s'engagent à reconduire la Commission du Parlement européen sur le crime organisé, la corruption et le blanchiment. Conduite par Sonia Alfano (Italie des valeurs), cette commission a fait un travail considérable, et formulé à des propositions qui doivent maintenant être mises en application. Les associations demandent aussi aux candidats de s'engager pour la protection des lanceurs d'alerte et symboliquement, de dédier une journée de l'année aux victimes du crime organisé. Jean-Claude. Juncker a publiquement refusé de signer cet engagement, comme les membres du Parti populaire (droite) au pouvoir en Espagne.
Transparence et intégrité :
Transparence International a procédé à l'audit des institutions européennes, révélant la vulnérabilité des institutions européennes à la corruption et l'insuffisante mise en oeuvre des règles en matière d'éthique et de transparence. Le rapport souligne aussi l'absence de règles obligatoires en matière de lobbying et une tendance croissante à négocier des lois en coulisses. Martin Schulz n'a pas facilité cet audit : le Parlement européen est la seule institution de l'Union européenne à avoir refusé de collaborer avec Transparency International. Réticence d'autant moins compréhensible que la Commission européenne avait, l'an dernier, subventionné l'association pour un audit des systèmes nationaux d'intégrité dans les 28 pays membres.
Logiquement, l'association a demandé aux partis de s'engager par une déclaration anti-corruption, concernant notamment la transparence et l'intégrité en matière de législation et de dépense publique. Aucun grand parti de droite n'a encore signé.
Lobbysme et groupes de pression :
La probité publique se mesure aussi dans le rapport des parlementaires aux lobbysme, qui tend à préempter la décision publique. La campagne "Politique pour les peuples" lancée par l'association Alter-eu demande notamment aux candidats de s'engager à lutter contre les conflits d'intérêts et de se mobiliser contre l'influence excessive des lobbies. Elle est soutenue en France par l'association Regards citoyens, spécialisée dans la diffusion et le partage de l'information politique. Mais, alors que tous les partis étaient invités à en débattre, seuls six d'entre eux ont répondu à l'invitation de l'association et ont signé l'engagement.
La transparence de l'information est aussi un moyen de lutter contre le lobbysme. Les candidats signataires de la Charte des droits numériques s'engagent notamment à promouvoir la transparence et la possibilité pour tous les citoyens d'accéder aux documents du processus législatif en Europe.
Et l'Aitec, membre de l'association Alter-eu propose aussi aux candidats de s'engager pour un mandat commercial alternatif, réponse aux pressions des grands groupes pour accélérer le signature du "grand partenariat commercial transatlantique". (Les partis peuvent par ailleurs s'engager, avec des associations, dans la campagne Stop-Tafta).
Réformer les traités :
Au-delà même des questions de corruption, le fonctionnement institutionnel de l'Europe est généralement décrié. Mais la proposition de "Démocratie maintenant" recueille peu d'engagements. Il ne s'agit pourtant que de prendre la mesure du déficit démocratique de l'Union et de demander une Convention mandatée pour réformer les traités.
L'histoire politique récente a montré qu'il pouvait y avoir un sérieux décalage entre les engagements et leur mise en pratique, ce qui explique sans doute la perte de confiance dans les partis et le personnel politique, comme en ont témoigné récemment le baromètre du CEVIPOF et l'Eurobaromètre sur la corruption.
Cependant, les engagements et les programmes demeurent des éléments que les électeurs peuvent prendre en compte et pondérer en fonction de la confiance qu'ils éprouvent dans les différentes formations politiques. Ces engagements dessinent également des alliances possibles dans un Parlement européen où le fonctionnement est moins binaire que dans les Etats.